Philosophe et philosophe politique, sans doute d'abord Philosophe politique, Johann Gottlieb FICHTE fait partie de cette lignée (non linéaire..) de penseurs allemands très influencés (dans un sens ou dans un autre) par les événements de la révolution française. Classé habituellement parmi les philosophes idéalistes, il est considéré, entre autres par SCHOPENHAUER et après lui Alexis PHILONENKO, comme "le père de la philosophie moderne". Ce qualificatif sans doute excessif est sans doute à mettre sur le compte d'une tardive redécouverte de sa véritable pensée, et surtout sur les résonances qu'on peut lui trouver avec ce qu'on appelle aujourd'hui l'intersubjectivité. Auteur à la lecture difficile - surtout dans la partie philosophie de la science - malgré ses efforts pour s'adresser au large public lettré et pas seulement aux philosophes initiés, Johann FICHTE a vu sa philosophie défigurée par des commentateurs prestigieux : JACOBI, HEGEL et surtout SCHELLING, "L'étude de Fichte, écrit son réintroducteur contemporain Alexis PHILONENKO, ne s'insère pas aisément dans un développement dialectique menant de Kant à Fichte, de Fichte à Schelling, de Schelling à Hegel". De plus, il semble qu'il y ait dans ses oeuvres deux approches successives, voire deux philosophies différentes, tant sur le plan purement philosophique que sur le plan politique... Sur ce dernier plan, il semble que sa pensée évolue à partir d'un soutien enthousiaste aux idéaux des Lumières à des positions aisément récupérables (mais sans doute est-ce le produit d'une déformation?) par des penseurs favorables à l'absolutisme...
C'est dans une relation constante entre ses écrits politique et ses écrits de philosophie de la connaissance que peut se lire son oeuvre : De 1792 avec son Essai d'une critique de toute révélation à 1808 avec son Discours à la nation allemande, les premiers constituent sa motivation première - homme public voulant peser sur la chose publique - pour écrire les seconds, de 1794 avec Leçons sur la destination du savant à 1804 avec Théorie de la science.
A une présentation chronologique de ces oeuvres, nous préférons une présentation thématique. C'est pourquoi nous classons celles-ci suivant qu'elles discutent de philosophie ou de philosophie politique, tout en sachant que ces deux domaines pour cet auteur, sont étroitement liés.
L'Essai d'une critique de toute révélation, de 1792, mal présenté, sans nom d'auteur (on cru que l'auteur était son professeur, Emmanuel KANT..) connut un bref moment de célébrité, et constitue un essai tout imprégné de la philosophie transcendantale. Il précède le premier de ses ouvrages sur la doctrine de la science, Sur le concept de la doctrine de la science (1794), premier d'une longue suite dont le programme est double : fonder, par l'idée de système, la pensée formelle et la pensée réelle ; apporter une correction essentielle à la pensée kantienne en intégrant en un seul bloc les trois Critique (de KANT).
Successivement paraissent Principes de la doctrine de la science (1794-1795), Doctrine de la science (1796-1799) dans une deuxième présentation, Doctrine de la science (1801-1802) et Doctrine de la science (Théorie de la science), publié de manière posthume et écrit en 1804.
C'est surtout avec l'ouvrage constitué à partir de cours donnés de 1796 à 1799, que la philosophie de Johann FICHTE s'affirme. Avec Nova methodo comme sous-titre, il entend, non pas traiter de l'être et de la manière dont il est décrit, mais de définir ce qu'est la science et comment elle se fait. Il s'intéresse plus aux procédures ou modalités du savoir qu'aux caractéristiques ou propriétés de l'objet. Isabelle THOMAS-FOGIEL indique que "pour entrer dans "l'atmosphère de la doctrine de la science", il convient de focaliser son attention non sur le contenu d'une affirmation quelconque mais sur son principe d'engendrement." Le philosophe demande au lecteur de s'interroger sur l'acte de mise en relation entre la représentation et la chose et non de chercher une définition de la chose telle qu'elle nous permettrait de départager les représentations vraies et fausses. Il ne discute pas de la chose en soi et des relations sujet-objet et tente de répondre à la question à laquelle, selon lui, Emmanuel KANT n'a pas répondu : comment en venons-nous à accorder une validité objective à certaines représentations? Tant le texte se révèle d'une lecture parfois ardue (mais cela ne doit décourager!), que les commentateurs se divisent sur l'appartenance de l'auteur au kantisme et même à l'idéalisme.
Toutefois, Johann FICHTE, à plusieurs reprise indique clairement sa conception de l'évolution en trois stades de l'esprit humain :
- l'homme rattache les objets de l'expérience les uns aux autres et cela selon des lois, mais sans cependant en être conscient ;
- celui qui réfléchit sur soi-même remarque qu'il procède selon ces lois ; ainsi naît une conscience des concepts. A ce second niveau, on peut considérer les résultats de ces concepts comme les propriétés des choses ; on affirme alors l'existence de choses en soi dans le temps et dans l'espace ;
- l'idéaliste remarque que la totalité de l'expérience n'est rien d'autre que l'agir de l'être raisonnable.
A partir de ces trois stades, il ambitionne d'effectuer une révolution libératrice (parallèle à celle dans l'ordre politique initiée par la Révolution Française). La nouvelle méthode doit permettre de mettre en évidence les lois de la réflexion. L'opposition ultime dans ce livre est celle du fini et de l'infini, non pas de l'objet et du sujet. Et cela dans deux directions (toujours en suivant Isabelle THOMAS-FOGIEL) : l'infinitisation du fini et la finitisation de l'infini. Derrière ces termes très "techniques" se trouve cette tentative - pas forcément réussie d'ailleurs - de déterminer le processus de la connaissance de tout objet, en partant du Moi. Il s'agit d'une tentative (toujours) de cerner comment l'esprit humain donne des limites à un objet qui a des propriétés infinies, et comment l'esprit donne à ces limites un caractère infini. "Fichte a simplement trouvé un point de vue autre que celui de la représentation, point de vue qui permet de déployer un savoir en lequel l'affirmation de l'intelligible est tout aussi nécessaire que l'affirmation du sensible. Fichte ne confère pas, non plus, à ce monde intelligible, le statut d'une chose en soi, subsistant en dehors de nous. Le monde intelligible est le produit de l'exclusion du moi, plus précisément encore, le résultat des lois de sa réflexion. Ainsi, appliquer le principe de l'identité réflexive (si l'on attribue directement un prédicat au moi, on se contredit en le faisant), c'est parvenir à l'affirmation d'un monde nécessairement non sensible."
Comment s'articule cette conception de l'acquisition du savoir avec les sciences particulières, le droit et la religion? Pour l'auteur, tout découle de cette doctrine de la science : le droit est l'une des cristallisations possibles du processus d'illimitation de la limite, comme la philosophie de la religion est conçue comme l'une des cristallisations de la finitisation de l'infini. Prendre le Christ comme un modèle (concept de fin) et non comme un étant (concept de chose) revient à émettre de sérieux doutes sur l'existence réelle de Dieu. Cela n'a valu à l'auteur que des ennuis et l'exil...
Contributions destinées à rectifier des jugements du public sur la révolution française et Revendication de la liberté de penser, publiés la même année en 1793, constituent une défense, dans une société allemande où les écrits contre-révolutionnaires pullulent, des idées des Lumières mises en pratique.
Si nous suivons Jean-François GOUBET, le deuxième texte, assez court, formé d'un Prologue et d'un Discours, "prend place dans un débat historique précis, opposant les partisans et les adversaires des édits de religion et de censure promulgués en Prusse en 1788. (Ce texte) comporte aussi une une dimension générale en ce qu'(il) se prononce de façon normative sur l'essence libre de l'être humain et son devenir collectif à travers l'histoire. Afin d'instruire son lecteur de sa destination raisonnable, Fichte utilise tous les ressorts argumentatifs à sa disposition. Tantôt, c'est en véritable rhéteur qu'il discourt, accablant ici les princes iniques, soulignant là l'élévation infinie de notre raison au-dessus de la nature. D'autre fois, son discours prend la forme d'une véritable déduction rationnelle, lorsqu'il se fonde sur l'essence autonome de l'être humain pour en inférer a priori ses droits inaliénables et imprescriptibles. La Revendication condense (...) les thèmes de l'histoire, de la politique et de la morale, du droit ou de la liberté ; elle use en outre de biais oratoires et démonstratifs pour persuader et convaincre le lecteur, emporter son assentiment quel que soit le régime de la preuve." C'est un réquisitoire contre le despotisme éclairé et les références aux thèses de Jean-Jacques ROUSSEAU abondent. Il semble s'adresser directement aux despotes par moment, en leur disant de ne pas craindre le libre examen et ferme d'ailleurs son texte par une apostrophe dans leur direction : "Seuls ont une véritable confiance en vous et un véritable respect envers vous ceux qui vous conseillent de diffuser la lumière autour de vous. Ils tiennent vos prétentions pour si fondées qu'aucun éclairage ne pourrait leur nuire, vos desseins pour si bons qu'il ne leur faudrait que gagner encore sous chaque jour, votre coeur pour si noble que vous pourriez vous-même supporter la vue de vos faux pas sous ce jour, et que vous pourriez désirer les apercevoir afin de les corriger. Ils requièrent de vous, telle la Divinité, vous habitiez dans la lumière, afin de convier tous les êtres humains à vous honorer et à vous aimer. Ecoutez-les seulement et, sans qu'ils (reçoivent) salaire ni louange, ils vous feront part de leurs conseils."
Selon Alexis PHILONENKO, c'est dans Contributions qu'apparaissent plusieurs éléments de la future Doctrine de la science et, "en premier lieu, l'idée dialectique : Fichte conçoit le mouvement de l'histoire humaine comme l'opposition du despotisme et de la liberté, de la monarchie et de la république : ce mouvement tend à restaurer un état de paix, conciliant les opposés dans la victoire d'une idée. Préoccupé par l'idée de peuple et par la notion de volonté générale de (Jean-Jacques) Rousseau, Fichte est entraîné dans la problématique de l'intersubjectivité : comment une conscience peut-elle être pour un autre?" Pour Johann FICHTE, ces idées de dialectique et d'intersubjectivité soulignent les insuffisances de la pensée transcendantale d'Emmanuel KANT. Ce sont les questions politiques, sans doute plus que les réflexions purement philosophiques, qui l'amène à se séparer de son protecteur.
Dans Leçons sur la destination du savant de 1794, il souligne la portée systématique de ces questions. Toujours suivant Alexis PHILONENKO, "si ce problème n'est pas résolu, le fondement de la politique ne peut être assuré. Mais le résoudre, c'est aussi résoudre celui du sens du monde, c'est s'engager à répondre aux questions de l'existence et envisager la construction d'une théorie du droit et d'une théorie de la morale."
Fondement du droit naturel, écrit en 1796-1797 est de l'avis même de Luc FERRY, une oeuvre difficile, mais profonde dans son intention de fonder une philosophie de l'histoire. Un point de départ réside dans la question de la possibilité d'un gouvernement rationnel des affaires politiques. D'innombrables écrits, dans le contexte historique d'une Révolution française de plus en plus sanglante, affirment le divorce entre la théorie et la pratique, la Terreur instituant finalement un pouvoir absolu. Si Emmanuel KANT répond en montrant que la méchanceté n'impliquait pas inévitablement ce divorce, puisque la nature, en une ruse providentielle, peut se servir de l'affrontement même de ces égoïsmes pour contraindre les hommes à entrer dans un état de droit, Johann FICHTE refuse cette naturalisation de l'histoire et entreprend de combattre cette hypothèse de la méchanceté humaine, déjà dans Contributions...
L'auteur entreprend dans Fondement du droit naturel la critique de la troisième antinomie que traite Emmanuel KANT. il se livre à une véritable phénoménologie du corps humain afin d'y déceler, au niveau du visible et non seulement au niveau nouménal, les marques de la liberté. Luc FERRY pense ainsi que "la démarche fichtéenne s'inscrit (contrairement à ce qu'en a dit HEGEL) dans l'espace ouvert par la Critique de la faculté de juger : comme Kant (...) (il) distingue soigneusement "trois ordres du réel (Luc FERRY reprend l'analyse d'Alexis PHILONENKO, dans la revue Etudes kantiennes, 1981) :
- l'ordre des choses naturelles qui relèvent du mécanisme ;
- l'ordre des êtres organisés qu'on ne saurait confondre, comme le font les cartésiens, avec de simples machines, et qui ne sont pensables que sous l'idée d'une finalité naturelle ;
- l'ordre de la vie, définie (...) comme la faculté d'agir conformément à des représentations."
C'est ce troisième ordre qui nous conduit vers ce que Johann FICHTE cherche (les marques de la liberté) : "car , d'une part, la vie en tant que faculté d'agir d'après des représentations, donc, intentionnellement, est bien un analogon de cette liberté, et, d'autre part, le monde vivant est, à la différence du monde des simples êtres organisés (les plantes...), un monde de l'individualité absolue (analogon de la personnalité) : l'individualité des êtres organisés n'est que relative, ce dont témoigne la possibilité de la greffe (...)." Il s'agit pour le philosophe politique d'approfondir ces distinctions kantiennes dans le "sens de la recherche des critères empiriques (visibles) de la vie. Une fois découverts ces critères, il restera seulement à opérer une nouvelle distinction au sein de l'ordre du vivant, entre l'humanité et l'animalité." Le principal signe empirique pointé par Johnann FICHTE est l'articulation, non greffable, capacité de se mouvoir librement et à utiliser la nature comme moyen. Cette faculté est liée à une indétermination humaine qui caractérise justement cette humanité.
A partir de là, l'auteur se livre à la construction d'une théorie du droit. Fondement du droit naturel sépare le droit de la morale. "Tandis que l'école kantienne déduisait le droit de la morale, Fichte considère que ces deux domaines doivent être séparés. Le droit est le domaine qui voit s'actualiser légitimement des volontés encore liées aux besoins et aux tendances sensibles, tandis que la morale vise l'unité spirituelle des consciences. Dans sa théorie du droit, Fichte déduit l'individualité et montre que l'homme n'est homme que parmi les hommes. Sur ce fondement de l'intersujectivité se construit l'idée d'une communauté qui assigne à chaque individu une sphère propre. Ainsi Fichte s'oriente vers une déduction de l'existence sociale comme expression première de la raison. On trouve là un des passages les plus riches et les plus controversés de son oeuvre. Le philosophe entreprend de déduire a priori les conditions de l'existence sociale de l'individu et en particulier celles du corps humain, dont toutes les fonctions portent la marque de leur destination. Dans cette déduction, Fichte a justifié a priori l'air et la lumière, ce qui devait susciter le rire de ses contemporains, mais il a aussi insisté sur le rapport qui permet à l'homme de découvrir la liberté d'autrui et on lui doit une page remarquable sur le phénomène du regard, auquel Sartre attachera tant d'importance. Dans ce regard, je saisis la liberté d'autrui, car l'oeil humain n'est pas un instrument, mais la possibilité en elle-même, la liberté se révélant comme un néant" (Alexis PHILONENKO)
Le corps n'est que la condition première du droit. Il faut encore une puissance qui impose aux différentes volontés une contrainte, qui les oblige à tenir à leurs limites propres, et en cela Johann FICHTE ne se distingue pas beaucoup de nombreux penseurs politiques de l'Etat. Comme Jean-Jacques ROUSSEAU, c'est sur la volonté générale que repose l'Etat. Au lieu, comme Emmanuel KANT, de fonder la citoyenneté sur la propriété, il fait au contraire de la citoyenneté la condition de la propriété et s'oriente vers une conception "socialiste" de l'Etat, conforme aux idéaux de la Révolution française (quoique dans ces idéaux figurent bien des contradictions...).
Dans Système d'éthique de 1798, le philosophe part directement de l'intuition intellectuelle : le but final de l'homme est la réalisation d'une communauté d'êtres libres. Dépassant tout dualisme entre sensibilité et raison, il en fait les instruments de la moralité, la catégorie décisive de l'éthique étant celle d'un progrès à l'infini, qui conduit les consciences à se réunir dans une unité pure. Apparaît ici, comme dans Initiation à la vie bienheureuse, de 1806, cette préoccupation sur la nature humaine, qui est loin d'être méchante, mais qui, hélas, s'avère facilement paresseuse. La paresse est le véritable mal radical, inné en l'homme ; elle le pousse dans la voie des habitudes où s'enlise la liberté ; contre elle, il n'existe qu'une seule défense : l'éducation.
Dans Doctrine de la science de 1804, malgré que son objet soit d'abord la philosophie, se met en avant une incontestable signification religieuse. Johann FICHTE y distingue 5 points de vue suivant lesquels l'homme peut être situé par rapport à l'être et indique le sort qu'il réserve à sa première philosophie (Alexis PHILONENKO) :
- la réalité se place dans le monde sensible ou nature ;
- la vraie réalité est dans une loi qui s'impose à la liberté : c'est la légalité objective qui rend possible une communauté humaine ;
- la moralité supérieure consiste à créer un monde nouveau au sein du monde actuel ;
- la religion pose la réalité de Dieu et en sa manifestation ;
- la science, point de vue suprême, indique que la diversité sort de l'unité et se réfléchit en elle.
La tonalité de ce texte, malgré les efforts de son auteur de le situer dans une continuité par rapport à ses écrits antérieurs, conduit à émettre des doutes sur le sens de cette reconstruction systématique. On ne pouvait vraiment pas prévoir que le dernier mot serait l'affirmation que la béatitude comme amour de Dieu est l'existence authentique.
Discours à la nation allemande de 1807-1808 renforce cette tonalité. Il fait de la nation allemande la dépositaire, après les tourments révolutionnaires français (l'Empire trahit la Révolution..) des idées des Lumières. Dans ce texte, Johann FICHTE défend d'abord les idéaux de cette Révolution française, mais devant les trahisons de Napoléon, violemment dénoncé, il se tourne vers une monarchie européenne. Il souligne le caractère originel du peuple allemand et affirme qu'il doit suivre les règles d'une nouvelle pédagogie inspirée de Jean Jacques ROUSSEAU et de Johann HeinrIch PESTALOZZI (pédagogue suisse, 1746-1827) (Alexis PHILONENKO). Des historiens comme des philosophes politiques se divisent sur la signification de ce texte. Exploité par les chantres de la nation allemande, et du nationalisme, il ne serait pourtant que "la continuation (...) de la lutte que Fichte n'avait cessé de poursuivre pour le règne de la liberté et pour le triomphe de la démocratie" (Xavier LEON, fondateur de la Revue de métaphysique et de morale, 1868-1935).
Notons que johann FICHTE est aussi l'auteur d'un opuscule, Machiavel comme écrivain (1805), chaleureusement approuvé par Carl Von CLAUSEWITZ, dans lequel il fait sien certains principes du florentin : "Quiconque veut fonder un Etat et lui donner des lois doit supposer d'avance les hommes méchants". Il en tire deux règles fondamentales : saisir sans perte de temps toute occasion de se fortifier dans la sphère de ses influences ; ne jamais se fier à la parole d'un autre Etat". Entre Etat, c'est le règne du plus fort.
De l'existence de textes assez contradictoires, Alexis PHILONENKO explique le destin d'un auteur qu'il estime incompris... Et ceci malgré un certain effort "pédagogique" de sa part, tentant de rompre avec un style compliqué : Rapport clair comme le jour au grand public sur l'essence propre de la philosophie la plus récente, de 1801 ; Destination de l'homme (1799-1800) ; L'initiation à la vie heureuse (1806).
Emile BREHIER, dans la conclusion de sa présentation de l'oeuvre de Johann FICHTE, écrit : "Fichte a protesté toute sa vie contre le mysticisme avec son intuition immédiate de Dieu, contre le naturalisme avec son Dieu immanent à la nature, contre un catholicisme qui prétendait asservir l'Etat à la religion. La philosophie voit comme du dehors et par réflexion l'éternelle production du Verbe par l'Absolu ; il la voit dans la mesure où ce Verbe se réfracte en des consciences individuelles, dont l'une est lui-même, et où l'aspiration libre de sa conscience vers la vie spirituelle se pose comme devoir moral. Mais ni mystique, ni naturaliste, la pensée de Fichte trouve son expression dernière dans le dogme fondamental du christianisme, l'incarnation du Verbe (il est beaucoup question du Christ dans la dernière partie de son oeuvre) ; cette incarnation, c'est le développement progressif de la moralité et de la raison dans le monde (interprétation qui lui vaudra l'accusation d'athéisme). Le christianisme donne un sens à l'histoire (...). La philosophie de Fichte, sous des influences extérieures, tend donc vers la restauration d'un christianisme philosophique (...)".
L'influence de l'oeuvre de Johann FICHTE fut surtout immédiate et brève, à cause du succès des écrits de SCHELLING et d'HEGEL et ne dépasse guère le début du siècle. Toutefois, sa redécouverte actuelle montre que son discours est encore entendu.
Johann Gottlieb FICHTE, Revendication de la liberté de penser, Librairie Générale Française, Le livre de poche, Classique de la philosophie, 2003 ; Doctrine de la science, nova méthodo, Librairie Générale Française, Le livre de poche, 2000 ; Fondement du droit naturel selon les principes de la doctrine de la science, PUF, 1984.
Emile BREHIER, Histoire de la philosophie, tomme 3, PUF, Quadrige, 2000 ; Luc FERRY, article Fondement du droit naturel, dans Dictionnaire des oeuvres politique, PUF, 1986 ; Jean-François GOUBET, présentation de Revendication de la liberté de penser, Le livre de poche, 2003 ; Isabelle THOMAS-FOGEL, présentation de Doctrine de la science, Le livre de poche, 2000 ; Alexis PHILONENKO, article Johann Gottlieb FICHTE dans Encyclopedia Universalis, 2004.
Révisé le 28 avril 2015