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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 13:30

    L'introjection est le processus par lequel le sujet fait passer, sur un mode fantasmatique, du "dehors" au "dedans", des objets et des qualités inhérentes à ces objets. Cette notion, introduite par Sandor FERENCZI (Introjection et transfert, 1909), est proche de celle de l'incorporation, qui constitue son prototype corporel, mais elle n'implique pas nécessairement une référence à la limite corporelle. l'introjection est en rapport étroite avec l'identification (LAPLANCHE et PONTALIS). "... alors que le paranoïaque projette à l'extérieur des émotions devenues pénibles, le névrosé cherche à inclure dans sa sphère d'intérêt une part aussi grande que possible du monde extérieur, pour en faire l'objet de fantasmes conscients ou inconscients (....). Je propose d'appeler ce processus inverse de la projection, : introjection."

  L'introjection joue un grand rôle chez des auteurs comme Karl ABRAHAM et Mélanie KLEIN. Cette dernière s'est beaucoup attachée à décrire les "aller et retour" fantasmatiques des "bons" et "mauvais" objet (introjection, projection, réintrojection...).

 

     Pour Pierre SABOURIN, l'introjection  est un processus psychique fondamental dans le développement de l'enfant, en relation avec les fantasmes d'incorporation, directement liés au départ avec ce qu'il ressent en premier de l'environnement, par la bouche et le toucher. Sigmund FREUD reprend en 1915 dans Pulsions et destins des pulsions et en 1916-1917 dans Deuil et mélancolie, cette notion introduite par Sandor FERENCZI. Karl ABRAHAM la développe ensuite dans sa description des étapes de la phase orale. C'est en concevant le fonctionnement de ce mécanisme que peuvent se comprendre de graves pathologies du narcissisme.

Le texte désormais classique Introjection et transfert abonde en descriptions frappantes et en formules très suggestives. Pour ceux qui veulent se plonger dans les oeuvres de Mélanie KLEIN, nous recommandons d'abord de le lire. Sandor FERENCZI écrit par exemple : "Le névrose est en quête perpétuelle d'objets d'identification, de transferts ; cela signifie qu'il attire tout ce qu'il peut dans sa sphère d'intérêts, il les introjecte". Le schizophrène "retire totalement son intérêt au monde extérieur (...), le paranoïaque essaye d'en faire autant", mais il rejette cet intérêt hors de son "Moi" et projette ses désirs dans le monde. "Le Moi" du névrosé est pathologiquement dilaté, tandis que le paranoïaque souffre pour ainsi dire d'un rétrécissement de moi".

 

      Les auteurs de Les mécanismes de défense définissent l'introjection comme l'inclusion fantasmatique de l'objet, d'une partie de celui-ci, ou du lien à ce dernier, qui sert de repère au moi par l'appréhension de l'objet extérieur dont le détachement est alors possible. Le mécanisme d'introjection ne peut être conçu qu'en alliance avec la projection.  (HEINEMANN, 1952/1980)

"Dérivé des nécessités pulsionnelles, le but de l'introjection vise à éviter l'angoisse (ce en quoi il constitue un mécanisme de défense) et à augmenter les fonctions psychiques. Ce processus se caractérise donc par le fait qu'il ne se contente pas d'avoir une visée défensive mais contribue dans le meilleur des cas à l'enrichissement du moi."

     Dans l'étude intéressante des relations de ce mécanisme avec d'autres mécanismes de défense, ces auteurs soulignent cette interaction constante de l'introjection et de la projection, "constituant ainsi le monde interne et donnant forme à l'image de la réalité externe et ce, tout au long de la vie." "Cela ne veut pas dire pour autant qu'il y ait renversement entre ce qui est projeté et ce qui est introjeté. Simplement, le vide provoqué par l'expulsion déclenche un travail d'intériorisation substitutif". Cette transformation de l'objet externe en objet interne nécessite un travail de scission (mécanisme du clivage). "Selon ce schéma classique, ce qui est projeté au dehors est du déplaisir, ce qui est introjeté se rattache au plaisir."

    C'est la raison pour laquelle, selon les mêmes auteurs, "dans le travail progressif d'internalisation propre à la psyché, l'introjection est le temps premier d'un processus plus complexe menant à l'identification, définie comme une façon de s'approprier les qualités d'autrui et visant un enrichissement du moi. Les variantes de ce mécanisme d'identification, l'identification projective, l'identification à l'agresseur, relèvent davantage d'un usage défensif." Anna FREUD consacre beaucoup de textes à bien faire faire la distinction entre l'identification proprement dite et le mécanisme premier d'introjection. "C'est à partir du processus de clivage et des modes de défense primaire que sont l'introjection et la projection, que le refoulement pourra lutter contre les pulsions destructrices."

     Les "maladies de l'introjection" vont être provoquées, poursuivent-ils, par la carence ou l'excès de ce processus.

 

Serban INOESCU, Marie-Madeleine JACQUET, Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Nathan Université, 2003. Pierre SABOURIN, articles sur l'introjection, dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette littératures, 2002. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976. Sandor FERENCZI, Psychanalyse 1, Oeuvres complètes (1908-1912), Payot, 1968.

 

Relu le 24 décembre 2019

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