Le Sermon sur la Montagne, sermon fait d'après l'Évangile selon Matthieu par Jésus de Nazareth vers l'an 30 devant ses disciples et une grande foule, concentre des préceptes et des formulations centrales dans la religion chrétienne.
Il évoque notamment la question de l'attitude au conflit et contient les Béatitudes et la prière essentielle du Notre Père. Il peut être considéré comme une sorte de commentaire au sujet des Dix Commandements et de leur position par rapport à la loi mosaïque du judaïsme. C'est souvent à partir des commentaires sur le Sermon sur la montagne que se font les différentes positions des Églises face aux pouvoirs politiques et sur la question de l'engagement du fidèle dans la vie publique.
Ce texte, situé du chapitre 5 au chapitre 7 de l'Évangile de Matthieu est souvent mis en relation avec le Sermon dans la plaine, similaire, mais beaucoup plus court, relaté dans l'Évangile selon Luc au chapitre 6, dans lequel se trouve la parabole de la paille et de la poutre. Les 111 versets de ces trois chapitres sont rassemblés, dans la traduction oecuménique, en plusieurs morceaux : après l'installation au sommet d'une montagne, nous pouvons lire les sous-titres suivants : Un bonheur inespéré (Les Béatitudes), Sel de la terre et lumière du monde, Jésus et la Loi, Sur l'offense et la réconciliation, Sur l'adultère et les pièges pour la foi, Sur le divorce, Sur les serments, Sur la vengeance, Sur l'amour pour les ennemis, Sur la manière de donner, Sur deux fausses manières de prier, Le "Notre Père", Sur la manière de jeûner, Des trésors dans le ciel, L'oeil sain et l'oeil malade, Dieu ou l'Argent, Sur l'inquiétude, La paille et la poutre, Demandez, cherchez, frappez à la porte, Comment traiter les autres, Les deux portes, On reconnaît l'arbre à ses fruits, Dire et faire, La parabole des deux maisons, L'autorité de Jésus.
La rédaction-constitution de ce texte, son commentaire depuis les Pères de l'Église jusqu'à aujourd'hui, son interprétation pour la vie du fidèle... constituent autant de problématiques (fort différentes les unes des autres) de la recherche historique et théologique. Il est vraisemblable que la rédaction de ce texte soit l'aboutissement d'une longue maturation et le résultat d'intenses débats au sein des instances responsables des premières communautés chrétiennes. Si toutes les discussions sont théologiques (chercher l'intention du Seigneur...) jusqu'au XXe siècle, la critique littéraire et historique - qui remet au cause le primat de l'opinion des institutions religieuses sur la question - ouvre des perspectives qui en retour jaillissent sur l'interprétation théologique. Singulièrement la position du chrétien face à la guerre s'éclaire par son observance des impératifs de ce Sermon.
Marcel DUMAIS, auteur d'une étude approfondie sur ce texte, indique que "dans l'histoire du christianisme, aucun passage de l'Écriture n'a été aussi abondamment commenté que le Sermon sur la montage de l'Évangile de Matthieu. Même sans y voir nécessairement "l'abrégé de tout Évangile" (Saint Augustin), des croyants de toutes les époques ont puisé leur inspiration première dans ce "premier et plus puissant discours de Jésus (Bossuet), qui parle au coeur et engage toute la vie. Ces trois chapitre de l'Évangile de Matthieu contiennent les passages très connus que sont les Béatitudes, l'invitation à aimer ses ennemis, le Notre Père, la demande de ne pas juger, la règle d'or, et bien d'autres. Il n'est donc pas étonnant que beaucoup aient vu dans ces chapitres un résumé de l'éthique chrétienne et que, souvent, dans la tradition populaire, aient identifié la vie chrétienne pleinement vécue, par exemple celle des saints, avec une vie conforme aux exigences du Sermon sur la montagne."
L'interprétation du Sermon par les Pères de l'Église détermine au IIe siècle le contenu de la morale chrétienne, en particulier chez JUSTIN. Il semble, même si sa rédaction n'est pas définitive qu'il sert de guide dès le Ier siècle. Ainsi La didaché cite souvent des versets de Matthieu 5-7. L'auteur y termine son traité "Les deux voies" par ces mots : "Si donc tu peux porter tout entier le joug du Seigneur, tu seras parfait. Mais si tu ne le peux pas, du moins, ce que tu peux, fais-le". Se dessine selon Marcel DUMAIS, dès le début l'interprétation qui devient plus tard dominante, selon laquelle l'accomplissement strict des demandes du Sermon sur la montagne n'est pas exigé de tous les chrétiens, mais seulement de ceux qui choisissent d'entrer dans l'état de perfection.
IRÉNÉE, dans Adersus Haereses, discute des rapports entre la Nouvelle et l'Ancienne Loi en renvoyant surtout à Matthieu 5, versets 21 et suivants sur le commandement de ne pas tuer, en voulant démontrer que le message de Jésus n'est pas contraire aux lois antérieures ni ne les abroge, mais les prolonge. Cette position se situe dans l'ensemble des conflits qui forment l'Église primitive, notamment la controverse autour des thèses de MARCION qui prêche pour une autonomisation de la nouvelle foi par rapport à celle des communautés judaïques.
En fai, c'est AUGUSTIN qui nous livre (ce que nous en avons recueilli...) le premier un commentaire systématique de ces trois chapitres, et le premier à les nommer d'ailleurs Sermon sur la montagne, désignant par là à la fois sa supériorité sur les dispositions de ce qui est alors désigné sous le nom d'Ancien Testament, et sur la hauteur de laquelle Jésus s'adresse à l'humanité. Toute l'architecture du commentaire d'Augustin est basé sur un symbolisme des nombres développé en particulier sur les Béatitudes ramenées et le Pater. Les exigences du Sermon sur la Montagne sont, comme l'affirment aussi tous ses prédécesseurs, applicables à la vie courante pour tous les chrétiens (Catena aurea). Il affirme dans un autre texte (Contra Faustum Manichaem), dans une ambiance très polémique, la présence dans l'enseignement de Jésus d'éléments qui ne sont pas présents dans la Loi.
Dans l'Empire chrétien, aux conversions massives, se dessine une tendance à présenter deux niveaux d'adhésion à Jésus-Christ et à son Évangile.
D'une part, il y a ceux pour qui la conversion signifie suivre rigoureusement les demandes de Jésus, ce qui conduit souvent à vivre en retrait du monde. D'autre part, il y a la masse des baptisés qui sont appelés à vivre les exigences chrétiennes essentielles tout en continuant leur engagement dans le monde. Cette démarcation devient claire au Moyen-Age. Rupert de DEUTZ (1075-1129), puis THOMAS d'Aquin (1224-1274) formulent ce qui devient la position commune dans la scolastique : tous sont appelés à vivre selon les préceptes ou commandements nécessaires au salut ; un certain nombre, appelés à l'état de perfection, sont invités à suivre les conseils évangéliques que le Seigneur a ajoutés aux préceptes de la Loi ; les commandements impliquent une obligation, les conseils sont laissés à la libre option (Somme théologique). De plus en plus, dans l'exégèse catholique, une sorte de dérive s'opère : beaucoup de demandes du Sermon sur la Montagne sont interprétées comme des conseils (consilia evangelica) adressés à ceux qui désirent être "parfaits". Bien entendu, cette façon de faire un tri, de distinguer dans l'Évangile des préceptes obligatoires et des conseils libres est nouvelle par rapport à l'interprétation commune des Pères de l'Église. De manière sensible, en même temps, les Évangiles sont présentés comme allant au-delà de la Loi mosaïque, ce qui n'est pas sans rapport avec le développement d'un antisémitisme dans toute l'Europe.
Martin LUTHER (1483-1546) ne donne pas une interprétation facile à comprendre, selon Günther BORNKHAM (1905-1990) ou Ulrich LUZ (né en 1938). Mais dans la série de sermons qu'il prononce à Wittenberg, il s'élève contre les anabaptistes (moraves, mennonites, amish) qui font du Sermon sur la Montagne une éthique de société (notamment sur le non-usage de la violence), et pas seulement des exigences individuelles, ce qui les amènent à se retirer de la vie sociale et politique et à créer une société en marge de la société civile. LUTHER leur reproche de confondre le "séculier" et le "spirituel", le "royaume du monde" et le "royaume du Christ". Sa doctrine sur les deux royaumes fait de l'un le domaine de la relation personnelle avec Dieu et l'autre le domaine des fonctions et lois nécessaires pour éviter l'anarchie et la chaos. Cette interprétation conduit à faire de ces passages de l'Évangile de Matthieu une morale purement individuelle, sans portée sociale ni même ecclésiale. Du coup, selon plusieurs auteurs, une réelle pratique du christianisme basée sur ce Sermon ne s'est pas largement répandue dans les Églises de la Réforme (LUZ, Robert GUELICH). Jean CALVIN (1509-1564), tout en affirmant l'unité de la Bible, soulignant le "lien sacré" entre la Loi et l'Évangile, va dans le même sens, tout en refusant de faire le tri dans les impératifs de Jésus. Les demandes du Christ sont sans doute difficiles à réaliser, vu la faiblesse humaine, mais, avec le soutien de la Grâce, il devient possible de les accomplir.
Au lieu de suivre directement LUTHER ou CALVIN, tout en s'en prévalant souvent, la tradition protestante effectue une exégèse, puisée dans les écrits de PAUL, qui développe une théologie du précepte impossible. Ce développement est lié sans doute aux approfondissements de la notion de péché. Le Sermon sur la Montagne est une Loi que personne ne peut complètement observer. Si elle est donnée par Jésus, c'est pour faire l'expérience de la condition pécheresse et acculer au désespoir pour permettre de s'ouvrir, par la foi, à la grâce qui sauve (Abraham CALOV (1612-1686)).
Mais des groupes décident de prendre littéralement au sérieux ses demandes : quakers qui s'opposent à la guerre et aux serments, John WESLAY (1703-1791) qui le présente comme condensé systématique de toute vraie religion à implication sociale. Cette interprétation rigoureuse se retrouve ensuite chez TOLSTOÏ, et plus tard chez GANDHI. Dans la première moitié du XXe siècle, deux auteurs ont une grande influence dans leur milieu, Leonhard RAGAZ (1868-1945) et Dietrich BONHOEFFER (1906-1945). Le premier présente le Sermon sur la Montagne comme "le message sans précédent de la révolution du monde par Dieu" (Die Bergpredigt Jesu, Bern, Herbert Lang, 1945), qui ouvre la voie au royaume qui bannit la violence et la recherche du pouvoir. Le second (Le prix de la grâce, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1967) développe la signification et les implications de la suite du Christ, dans une lecture fortement christologique, qui articule les versets les uns en référence aux autres et qui rompt avec l'habitude d'isoler pour en faire l'analyse un groupe de paroles d'un autre. Il renoue en cela en quelque sorte avec l'intention des Pères de l'Église qui regroupent en leur temps justement une tradition orale et écrite éparse en de nombreux éléments, dans un tout, discours prononcé dans le même lieu et le même temps.
Dans le protestantisme dit libéral, dominant, influencé par KANT et sa philosophie idéaliste, l'accent est mis au contraire sur la recherche du Royaume en-dedans de la personne humaine. Le Sermon sur la Montagne est alors un "éthique de sentiments" (Wilhelm WERMANN (1846-1922) : Jésus est plus intéressé par ce que les hommes doivent être que par ce qu'ils doivent faire. L'interprétation spirituelle, par opposition à l'interprétation littérale, est la seule manière de comprendre les antithèse entre la Loi mosaïque et la "Nouvelle Loi" de Jésus, défend par exemple Friedrich August THOLUCK (1799-1877).
Au tournant du XXe siècle, Johannes WEISS (1863-1914) (Die Predigt Jesu vom Reiche Gottes, 1892) et Albert SCHWEITZER (1875-1965) (Das messianitäts und Leidensbewusstsein Jesu, 1906) proposent une autre interprétation de l'enseignement du Sermon sur la Montagne : ils mettent l'accent sur la dimension eschatologique du message de Jésus, le Serment étant perçu comme une "éthique de l'intérim". Ils s'appuient sur les études d'histoire des religions qui resituent l'enseignement de Jésus dans le courant apocalyptique du judaïsme de son temps. Éthique également de la repentance, le Sermon de la Montagne est situé dans la perspective proche de la fin du monde. Après leurs études, il n'est plus possible de faire une interprétation sérieuse du Sermon sur la Montagne sans poser la question de l'eschatologie. En réaction, Martin DIBELIUS (1883-1947) (The Sermon on the Mount, New York, Scribner's, 1940) applique à l'étude du Sermon la méthode de la critique des formes et démontre sa composition comme étant celle de pièces distinctes rassemblées, sans rapport visible les uns aux autres. La signification des unités doit être cherchée aux deux niveaux de leur formation : avant Pâques et après Pâques. Cet auteur reconnaît, avec SCHWEITZER, que Jésus a prêché "la volonté absolue de Dieu" destinée à transformer l'humanité pour la venue du Royaume eschatologique. Mais les demandes du Sermon ne sont pas une simple éthique pour un "intérim". Elles expriment la volonté de Dieu pour tous les temps. Après Pâques, l'Église a donné un caractère éthique à la volonté de Dieu, moulant celle-ci dans une "règle de conduite pour la communauté chrétienne". Les exemples radicaux donnés dans le Sermon sur la montagne illustre cette volonté, mais ne donnent pas des solutions précises, des directives concrètes pour notre vie (notamment pour les problèmes sociaux), puisque les situations du monde sont en continuel changement.
Charles Harold DODD (1884-1973) (The Apostolic Preaching and its déevelopements, Chicago, Willette, 1937) situe l'enseignement éthique de Jésus par rapport au message central des Évangiles. Les puissance du monde à venir sont déjà à l'oeuvre, et par conséquent cet enseignement n'est pas un système de principes généraux ni une "éthique de l'intérim". Reinhald NIEBUHR (1892-1971) réagit plus fortement (An interpretation of Christian Ethics, New York, Harper, 1935), dans le même sens en proposant le concept de "impossible possibility" : La Loi de l'amour est impossible à réaliser dans notre existence historique. Néanmoins, en nous présentant des normes transcendantes, elle nous offre des possibilités immédiates d'accéder à un plus grand bien dans chaque situation qui nous est donnée.
C'est également au tournant du XXe siècle que H. WINDISCH publie pour la première fois en 1929 son ouvrage Der Sinn der Bergpredigt (Leipzig, Hinrichs), qui change les perspectives, notamment sur le sens des exégèses.
Il effectue une étude du texte autour de quelques problèmes débattus à son époque : l'eschatologie, le sens des commandements et le problème de leur mise en application pratique, le rapport du Christ au judaïsme dans le Sermon sur la Montagne. Il reproche à la plupart de ses prédécesseurs de chercher trop vite le sens théologique ou spirituel du Sermon, ce qui est explicable lorsque l'on donnait au Nouveau Testament un statut de paroles réellement prononcées historiquement et relevant directement de l'intervention divine. Il faut distinguer entre une exégèse historique et une exégèse théologique, la première devant normalement servir de fondement à la seconde. L'exégèse historique considère seulement le texte dans son contexte historique et littéraire. L'exégèse théologique cherche, par une pénétration théologique et philosophique du texte, à interpréter celui-ci pour des individus dans leur situation. Ainsi, l'exégèse théologique est toujours partielle et relative. L'exégèse historique, par contre, transcende les perceptions intellectuelles et spirituelles changeantes. Il procède d'abord à une analyse historique des "commandements", rejoignant là M. DIBELIUS, en concluant que le Sermon contient une collection de commandements d'abord donné par Jésus, puis repris par l'Église primitive et compris par elle comme étant des conditions de salut que tous sont appelés à mettre en pratique. Il affirme, dans une exégèse théologique qu'on ne peut donner du coup une interprétation paulinienne du Sermon.
A partir du XXe siècle, les travaux scientifiques se multiplient et cela se traduit par une remise en cause de nombre d'interprétations des institutions chrétiennes, et notamment, comme le relève Clarence BAUMAN (1928-1995) (mennonite) en 1985 par une mise au jour d'une dilution du radicalisme du texte chez la vaste majorité des interprètes, protestants surtout. La critique s'adresse aux auteurs institutionnels, ceux qui justifient ou expliquent positivement l'activité des Églises soucieuses du salut individuel des fidèles et, alors qu'elles n'exercent plus de fonction politique, une certaine neutralité à l'égard de la société. En dehors d'elle, nous devons constater plutôt une grande difficulté à "domestiquer" le message évangélique du Sermon sur la Montagne.
Marcel DUMAIS constate que "l'histoire de l'interprétation du Sermon sur la Montagne fait bien voir que les interprètes, au cours des âges, ont abordé le SM avec des questions et, souvent même, avec des prises de position théologiques qui conditionnaient leur interprétation du texte. Sans doute, les développement sur la théorie de la connaissance dans la philosophie herméneutique (...) nous ont-ils rendus attentifs à ce que nos présupposés d'interprètes ne faussent pas le sens du texte et acceptent d'être constamment soumis à la vérification, voire à la correction, par le texte." Le texte évangélique, qui se présente comme normatif peut être lu dans une perspective qui n'est pas forcément chrétienne, et s'il est difficile de séparer les types d'exégèses, le fait même d'en discuter montre les difficultés croissantes d'en faire la Parole directement issue de Dieu... Le professeur de Nouveau Testament à Ottawa présente successivement les questions théologiques, les questions historiques et littéraires et les questions nouvelles soulevées par la littérature religieuse ou scientifique du XXe siècle.
Dans les questions religieuses figurent :
- Le Sermon sur la montagne est-il une Loi ou un Évangile? Problème directement issu des luttes théologiques visant à clairement distinguer christianisme et judaïsme, il est encore considéré par certains comme central comme pour Joachim JEREMIAS (1900-1979). Il expose les trois principales interprétations du Sermon données au cours des siècles et considèrent, en dépit de leur diversité, qu'elles présentent le SM comme une Loi. Il s'agit de l'interprétation moralisante, donnée surtout par les auteurs catholiques (le SM commande une éthique de l'obéissance à une Loi plus rigoureuse que celle de l'Ancien Testament), de la théorie du précepte impossible, développée dans l'orthodoxie luthérienne (les exigences du SM sont tellement grandes qu'elles ne sont pas réalisables, et le SM a comme fonction de révéler à l'être humain son impuissance à se sauver et de l'obliger à s'ouvrir à un salut gratuit) et de l'éthique de l'intérim, proposée par WEISS et SCHWEITZER (le SM est une sorte de loi d'exception ou d'urgence). JEREMIAS propose au contraire de comprendre le SM non comme une Loi, mais comme un Évangile : les exigences du SM présupposent la proclamation de la Bonne Nouvelle de l'arrivée du Royaume de Dieu et la nouvelle relation avec Dieu que son accueil établit. Le don de Dieu précède et rend possible la demande. Marcel DUMAIS pointe toutefois le caractère impératif et même impérieux de certains passages et la forme par laquelle sont amenés les commandements.
- Quel rapport établir entre la vision chrétienne préconisée dans le SM et celle prônée par PAUL? Rappelons que PAUL soutient une vision du primat de la foi elle-même qui apporte le salut, alors qu'une vision chrétienne dominante présente la possibilité du salut par l'obéissance à la Loi. Toutes les nuances sont en fait défendues, de la complémentarité à l'incompatibilité entre l'une et l'autre...
- Les exigence exprimées dans le SM peuvent-elles être accomplies par la personne humaine ou sont-elles irréalisables? Question la plus souvent posée et qui se trouve au coeur des relations entre foi et politique, entre pouvoir religieux et pouvoir politique, entre le débat intérieur du chrétien et son engagement dans le monde... Et bien entendu, dans les premiers temps qui se posent face au pouvoir romain, au service militaire et à la guerre... et qui se posent aujourd'hui de manière récurrente sous la forme des examens de conscience face à la conscription, à la course aux armements, à la guerre toujours...
- L'éthique du SM est-elle purement personnelle ou vise-t-elle également les sociétés? Question largement débattue depuis LUTHER pour lequel le SM s'adresse à la personne humaine en tant qu'elle appartient au royaume spirituel du Christ, stricto sensu. Dans les années récentes, la grande majorité des auteurs catholiques et un nombre croissant d'auteurs protestants soutiennent que l'éthique du SM doit influencer les sociétés, du moins à travers ce que vivent et expriment les chrétiens (Wolfgang SCHRAGE). L'impact social, note LUZ, doit se faire non seulement sur la société civile, mais également et sans doute d'abord sur la société ecclésiale. Si sur le principe, les auteurs s'accordent, les opinions divergent ou restent discrètes sur le "comment". Marcel DUMAIS se demande si les seules règles de l'exégèse suffisent pour donner une réponse poussée au problème de la portée sociale et politique de l'éthique du SM. "Peut-on trancher en exégèse la question de savoir si oui ou non l'invitation à la non-violence en Matthieu 5, 44 et suivants implique un interdit social de la peine de mort et/ou une démilitarisation de nos pays?"
Dans les questions historiques et littéraires figurent :
- L'enseignement du SM remonte t-il à Jésus, du moins dans sa substance? La question ne s'est pas posée avant le XIXe siècle. La distinction entre l'enseignement des Évangiles actuels et l'enseignement pratiqué par Jésus est élaborée systématiquement par DIBELIUS et Rudolf BULTMANN (1917-1918) et les premiers à en faire une application au SM sont WINDISCH (1929) et DIBELIUS (1940). On retient généralement l'intuition la meilleure de la Formgeschichte (critique des formes), à savoir que les paroles de Jésus ont été reprises et adaptées dans les premières communautés en fonction de leur situation particulière (dominance de culture grecque ou de culture judaïque). Quant à savoir le degré de fidélité à l'enseignement de Jésus, la plupart des auteurs font silence sur cette question, mais ce qui semble certain, c'est que le SM est une mosaïque de fragments d'une vingtaine de discours rassemblés là pour leur donner une grande importance et le plus grand impact possible dans le parcours de la vie de Jésus telle qu'elle est rapportée. Cette question perd de nos jours son importance, et l'on se contente de constater que la forme du SM ne varie que très peu depuis la fin de l'Empire romain païen.
- Quelle part attribuer à la tradition et quelle part à la rédaction mathéenne dans le texte actuel du Sermon sur la Montagne? Il s'agit d'une étude des sources, qui touche les quatre Évangiles notamment dans leurs correspondances.
- Quelle est l'originalité de l'enseignement du SM par rapport à celui du judaïsme? Cette question lancinante pendant des siècles, dans l'opposition ou le lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament est reprise dans un autre sens : quelles sont les continuités qui favorisent le rapprochement entre christianisme et judaïsme.
Dans les questions nouvelles figurent :
- Quel est l'apport des études du SM effectuées à l'aide des récentes méthodes synchroniques? Marcel DUMAIS précise, qu'en dehors de la sémiotique, les méthodes dites synchroniques n'ont pas vraiment été appliquées à l'étude du SM. L'approche narrative se prête peu à ce texte qui est un long discours ; seule la fonction du SM à l'intérieur de l'intrigue tissée dans ce grand récit qu'est l'Évangile de Matthieu a été abordée dans les quelques études narratives de cet Évangile. L'approche structurelle du SM a été utilisée dans le commentaire de Matthieu par quelques auteurs.
- Dans quelle mesure les nouvelles approches sociologique de l'Écriture contribuent-elles à notre connaissance du sens historique du SM?
- Quel est le sens du SM dans le contexte des autres grandes religions du monde? Des comparaisons sont faites entre le SM et la Bhagavad-Gita et le Cantique Céleste de l'hindouisme. Également avec l'enseignement de Bouddha et de la mystique de l'Islam. Le SM, mentionne Marcel DUMAIS, "a fait aussi son entrée dans le vaste courant du Nouvel Âge, qui est un amalgame de données psychologiques vulgarisées, d'emprunts aux religions de l'Inde et d'un fonds chrétien, visant à répondre à une quête d'épanouissement intégral sur terre." (E. FOX, le Sermon sur la Montagne, la Clef du Succès dans la vie, Astra, 1990).
La Bible, Nouveau Testament, Traduction oecuménique, Texte intégral, Le livre de poche, 1980 ; Site www.lirelabible.net, le même texte dans une traduction très légèrement différente.
Saint Augustin explique le Sermon sur la Montagne, Collection Les Pères dans la foi, Desclée de Brouwer, 1978. Marcel DUMAIS, le Sermon sur la Montagne, État de la recherche, interprétation, Bibliographie, Letouzey & Ané, 1995.
RELIGIUS
Relu le 24 juillet 2020