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30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 13:25

            Figure de proue du mouvement de l'éducation nouvelle, courant pédagogique qui défend le principe d'une participation des individus, dont les enfants, à leur propre formation, Maria MONTESSORI consacre sa vie à une nouvelle perception de l'enfance et de l'éducation, donc du coup à une nouvelle perception des conflits impliquant les enfants.

Première femme italienne médecin et première femme diplômée de médecine en Italie, elle travaille plus de dix ans en psychiatrie infantile (à partir de 1896), avant de s'intéresser aux enfants "normaux". Entreprenant en 1901 des études de psychologie et de philosophie - Jean-Jacques ROUSSEAU, à travers L'Émile l'inspire beaucoup - elle se consacre surtout aux activités pratiques (fondation de Maisons des enfants...) qui lui permettent d'acquérir une expérience très concrète de l'évolution des enfants, notamment des jeunes enfants, dans la vie scolaire. Elle se fait connaître dès 1913 par des conférences internationales où elle diffuse ses idées sur les nouveaux principes pédagogiques et les pratiques nécessaires au développement de l'être humain. Elle-même et de nombreux collaborateurs et collaboratrices formulent ce qu'on appelle la Pédagogie Montessori, une pédagogie reprise notamment en Inde où elle séjourne de nombreuses années à partir de 1936 (suite à la fermeture par le gouvernement fasciste de toutes les écoles italiennes). Cette pédagogie est utilisée de par le monde par environ 4 500 écoles, dont seulement quelques unes se trouvent aux États-Unis et en France. Les idées de Maria MONTESSORI sont surtout bien accueillies en Inde.

 

             Ses oeuvres sont pour la plupart publiées après son décès, grâce aux efforts de sa famille notamment. Mais déjà, elle se fait connaître dès 1935 par des écrits plus techniques que généraux (psycho-geometrica, psycho-grammar, psycho-arithmetica, ce dernier publié en 1971) où elle expose une nouvelle manière d'apprendre les mathématiques ou la langue, en tenant compte des aptitudes de l'enfant, et en faisant de lui un acteur du monde qu'il découvre. L'enfant, de 1935, livre déjà une vision d'ensemble de sa pédagogie, qui se complète au fil des ans par d'autres ouvrages, De l'enfant à l'adolescent (1958), Pédagogie scientifique (1958), Découverte de l'enfant (1969), L'enfant créateur (1972), L'école pour enfants (1976),  The secret of chilhood, 1986 en Inde, The formation of Man, 1991, toujours en Inde, To Educate the Human Potential, toujours en Inde, L'esprit absorbant de l'enfant, traduction en français de 1959, qu'elle présente comme son oeuvre définitive.

Dans le foisonnement des écrits, souvent tirés directement ou résumés de ses conférences, deux ouvrages retiennent notre attention, Education and Peace, 1972 en Inde encore et surtout le plus accessible pour le public français, L'Education et la paix, publié en 2002, car ils lient précisément les conditions de l'éducation de l'enfant et l'évolution sociale vers la paix ou vers la guerre. 

 

            La pédagogue italienne, influencée les idées de Peter NUNN ou d'Ovide DECROLY, veut surtout développer des attitudes envers l'enfant, beaucoup plus qu'élaborer une théorie éducative. Elles s'appuie sur une connaissance très précise de l'évolution psycho-sociale dans la première enfance (jusqu'à 6 ans environ), montrant la nécessité, par l'observation attentive et bienveillante, d'utiliser très tôt les aptitudes à la découverte du monde. Elle élabore une théorie de la perception très proche de celle de PESTALOZZI, qui doit permettre à l'éducateur en général de proposer le développement des "embryons intellectuels". Avec son langage médical, elle propose d'aider l'enfant à se construire psychologiquement, dès sa naissance, à utilisant son "esprit absorbant" dans les meilleures conditions possibles.

      Un des concepts de base du système éducatif de Maria MONTESSORI est l'"activité indépendante". "Un individu est ce qu'il est, non point à cause des maîtres qu'il a eus, mais du fait de ce qu'il a accompli lui-même." Elle va jusqu'à introduire l'idée d'"autocréation" qu'elle applique non seulement à la perception sensorielles et à l'intellect, mais aussi à la coordination de tous les aspects humains du développement de la personnalité. Ce processus ne peut réussir que s'il se déroule dans la liberté, laquelle s'entend comme alliant de pair avec la discipline et la responsabilité. Les enfants sont doués d'une compréhension intuitive des formes d'épanouissement par l'activité indépendante. "Les enfants semblent avoir la sensation de leur croissance intérieure, la conscience des acquisitions qu'ils font en se développant eux-mêmes. Ils manifestent extérieurement, par une expression de joie, le fait supérieur qui s'est produit en eux". Pour elle, "cette prise de conscience toujours croissante favorise la maturité. Si l'on donne à un enfant le sentiment de sa propre valeur, il se sent libre et son travail ne lui pèse plus." (De l'enfance à l'adolescence, cité par Hermann RORHS). 

 

                   L'éducation et la paix se compose des textes des conférences (entre 1932 et 1939) où Maria MONTESSORI lie l'éducation et la paix, en soutenant l'idée positive d'une réforme sociale constructive. A la base de ces discours il y a la conviction que l'humanité doit s'organiser dans une coopération universelle, car la frontière la plus vulnérable n'est pas la limite géographique séparant deux pays, mais l'impréparation de l'homme et l'isolement des individus. 

  Pierre CALAME introduit ainsi ce recueil de textes : "Plus que jamais la paix reste à faire. Plus que jamais, peut-être, elle sera dans les prochaines décennies un enjeu de survie de l'humanité. Plus que jamais elle se fera dans la tête des hommes. Car la paix, comme l'avait bien compris Maria Montessori, n'est pas la non-guerre. Ce n'est pas seulement affaire de diplomatie, d'armée et de cessez-le-feu. Nous le savons bien, trop souvent les peuples qui gagnent la guerre perdent la paix qui suit car les valeurs nécessaires pour gagner la guerre - simplification, obéissance aux ordres, clarté de la distinction entre amis et ennemis, etc - n'ont rien à voir avec les valeurs nécessaires pour construire une paix durable - la capacité à admettre et comprendre la complexité, la capacité à coopérer avec l'autre, l'esprit critique, le sens du compromis, la perception aigüe de l'unité et de la diversité simultanée du monde. Oui, la paix n'est pas le résultat de négociations, c'est une construction. Maria Montessori parlait de la nécessité de redéfinir le concept de paix. Elle le reliait au progrès de la raison et n'hésitait pas à parler de science de la paix. (...) La paix s'apprend. Elle s'apprend d'autant plus que (...) dans la construction de la paix, il n'est pas de petite chose et de petite échelle. Elle soulignait que la construction de la paix commençait par la construction de l'harmonie entre l'enfant et l'adulte. Elle avait compris le caractère profondément fractal, dirait-on pour faire moderne, de la question de la paix : ce qui se joue entre les femmes et les hommes, entre les enfants et les adultes, entre les enfants eux-mêmes ; à l'échelle de la famille, de la classe, du quartier, se retrouve à l'échelle des rapports entre nations. La tolérance, la capacité à reconnaître que l'autre est à la fois semblable à moi et digne du même respect, se pose à l'échelle des rapports interindividuels comme à l'échelle des rapports entre les civilisations et les religions.(...). Ceux qui, à l'école primaire, apprennent à huit ans à être médiateurs entre leurs camarades seront certainement ceux qui, à une toute autre échelle, apprendront demain à être médiateurs entre les peuples."

  A Genève en 1932, à l'Office international de l'éducation, au centre alors du mouvement européen pour la paix, elle dénonce le fait que la paix n'a jamais fait l'objet d'une démarche cohérente de recherche qui puisse porter le nom de science et souligne l'importance de mettre clairement en lumière la profonde différence entre les objectifs moraux contradictoires de la guerre et de la paix. Toutes les nations de la terre, au lieu de former une alliance en vue d'éviter un conflit armé (ce qui est une critique indirecte de la vision limitée de la Société des Nations), demeurent aveugles aux causes premières de la guerre car nous vivons dans un état de paralysie morale qui obscurcit la raison. Pour éliminer ces manques, il faut donc prendre l'enfant comme point de départ et surtout croire en sa capacité de régénérer la race humaine et la société : la déficience, la faiblesse, la servitude et l'arrêt de la personnalité sont toujours le résultat d'une éducation qui n'est qu'un affrontement aveugle entre le fort (l'adulte) et le faible (l'enfant). Voilà pourquoi est indispensable la construction d'un environnement qui puisse libérer l'homme de ses frustrations et qui ne pose pas de limites à ses aspirations infinies.

  A Bruxelles en 1936, au cours d'une conférence toujours, devant le Congrès européen pour la paix, elle salue la naissance de l'humanité en tant que organisme et dénonce en même temps l'incapacité de l'homme à grandir au rythme des progrès qu'il a accomplis dans son environnement matériel. 

  A Copenhague en 1937, au sixième Congrès international Montessori, elle dénonce la condition de l'enfant comme celle d'un "citoyen oublié" et considère l'éducation de l'enfant et le développement de son autonomie comme une question sociale de la plus haute importance. Ce processus de libération est extrêmement important car l'enfant qui est libre d'agir se guérit de toutes ses déformations psychiques et devient le maître de ses propres dynamismes : l'amour n'est pas la cause mais l'effet du développement normal de l'individu. Nos efforts doivent se consacrer à aider l'enfant à se perfectionner lui-même par le contact avec la réalité car nous ne pouvons pas élever le niveau de l'humanité seulement par la culture.

   En 1937, sous les auspices de la Société scientifique d'Utrecht, elle fait trois conférences devant l'École internationale de philosophie.

   En 1939, elle fait une conférence devant la Fraternité mondiale des croyances, une organisation religieuse internationale.

 

    Pour Maria MONTESSORI, les rapports de soumission caractérisant nos sociétés et engendrant la guerre nous sont imposés surtout au moyen de l'éducation et pas exclusivement au moyen des institutions. Dans cette optique, les injustices que nous subissons au sein de notre environnement sont les mêmes que nous reproduisons à chaque génération, car nous n'avons pas eu la possibilité de développer librement notre autonomie individuelle. La reproduction à chaque génération de relations conflictuelles et ressenties comme telles entre enfants et adultes enferme l'humanité dans un cercle vicieux dont elle doit sortir, sous peine de renouveler des événements aussi catastrophiques qu'une guerre mondiale. il s'agit de substituer aux relations souvent violentes entre générations des formes de coopération qui tiennent compte des potentialités de l'enfant. Elle considère que les remèdes à l'inhumanité de la guerre doivent être recherchés non au sein de la culture, produit des adultes, mais au sein d'un éducation favorisant le développement des forces positives présentes à chaque génération. (Diego SALCO, 2005).

 

Maria MONTESSORI, L'enfant, Desclée de Brouwer, 1935 ; De l'enfant à l'adolescent, Desclée de Brouwer, 1958 ; L'Education et la paix (Traduction d'Educazione e Pace, 1949), Editions Charles Léopold Mayer, Desclée de Brouwer, 2001, préface de Pierre CALAME. 

 Une grande partie des oeuvres en anglais ou en allemand n'ont pas été encore traduites en français.

Gilbert GIANNONI, Encyclopedia Universalis, 2004. Diego SALCO, www.montessorien.net, 2005. Hermann ROHRS, dans Perspectives, revue trimestrielle d'éducation comparée, UNESCO, 1994 (n°1-2). 

 

Relu le 23 janvier 2020

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