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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 12:48

         Féministe avant la lettre, cette femme de lettres française, femme politique et polémiste se distingue à plus d'un titre des femmes de son rang (elle figure dès 1774 dans l'Almanach de Paris ou annuaire des femmes de condition) avant et pendant la Révolution Française. Elle ne fait pas partie à proprement parler du mouvement révolutionnaire, des nombreuses femmes, en particulier du peuple, qui s'engagent activement dans les manifestations ou dans les clubs. Elle ne fait pas partie non plus de cette catégorie de femmes qui tiennent salon littéraire, au côté et en soutien de leur mari, et entre dans la lutte politique au temps des lumières.

Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), et de nombreux écrits politiques et pièces de théâtre (politiques), elle est devenue, très tard, emblématique des mouvements de libération des femmes et pour l'humanisme en général. Elle peut être classée, elle qui est restée très longtemps en faveur d'une monarchie constitutionnelle, parmi les féministes libérales qui demandent l'égalité des droits entre les hommes et les femmes. Très active, elle est bien connue des intellectuels des Lumières et des débuts de la Révolution. Ses initiatives sont souvent encouragées et participent du bouillonnement des idées d'alors, même si elles sont ... diversement ressenties. Elle bénéficie de l'amitié de MIRABEAU, LA FAYETTE et NECKER qu'elle admire particulièrement.

Elle fait tellement figure d'avant-garde qu'elle est oubliée quasiment jusqu'à la moitié du XXe siècle. Pourtant elle inspire, sans qu'elle en soit créditée, avant d'être reconnue, nombre d'écrivains, notamment ceux qui prônent et combattent pour l'abolition de l'esclavage (Abbé GRÉGOIRE....). Favorable aux Girondins, qu'elle défendit même après leur défaite politique (ce qui lui vaut d'être guillotinée), elle produit jusqu'au bout des textes en faveur des droits des femmes.

 

       Son engagement et son franc parler comme son style direct d'écriture lui valent, alors qu'elle s'active sur le devant de la scène (de théâtre comme sur les murs, qu'elle couvre facilement de ses pamphlets) en tant que femme libre, la réprobation à la fois des femmes en lutte de son époque, qui restent dans le giron masculin et des hommes qui contestent sa vision de la femme combattante (qui doit quand même selon eux s'occuper principalement du foyer). Comme elle s'adresse indifféremment le long de sa vie publique aux détenteurs du pouvoir politique, que ce soit le Roi, la Reine ou les personnages du Parlement, elle s'attire les soupçons politiques les plus divers. Quitte à ce que ses adversaires en rajoutent, jusqu'à en faire une caricature, une femme qui perd la raison. Pourtant, elle ne croit pas en l'égalité totale des hommes et des femmes, estimant qu'ils et elles ont été dotées de qualités différentes. Elle réclame sauver la protection envers "son sexe".

 

       Ses pièces de théâtre (itinérant) (support privilégié des idées nouvelles), jouées à Paris et/ou en province, dont au moins une quinzaine nous sont parvenues, traitent de la démocratie et de l'aristocratie, de l'esclavage, de la condition de la femme... Nous pouvons citer ainsi L'Homme généreux (1786), le Philosophe corrigé ou le cocu supposé (1787), Le Marché des Noirs (1790), Les Démocrates et les aristocrates, ou les curieux du champ de Mars (1790), La Nécessité du divorce (1790), Le Couvent, ou les voeux forcés (1790), l'Esclavage des Noirs, ou l'heureux naufrage (Zamore et Mirza, 1785) (1792), La France sauvée, ou le tyran détrôné (1792)...

         Ses écrits politiques, très nombreux, se répartissent entre brochures, affiches, articles ou textes plus longs. Prolifique (et énervante pour beaucoup), elle lutte notamment auprès des parlementaires pour le divorce (seul droit finalement accordé aux femmes spécifiquement par la Révolution) et l'abolition du mariage religieux, en faveur du mariage civil. Mais surtout, elle étend sa réflexion à l'ensemble des débats de son temps, de la Lettre au Peuple ou projet d'une caisse patriotique, par une citoyenne (1788) à Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire (1793), en passant par Réflexions sur les hommes nègres (1788), Dialogue allégorique entre la France et la Vérité, dédié aux États Généraux (1789), Pour sauver la patrie, il faut respecter les trois ordres, c'est le seul moyen de conciliation qui nous reste (1789), Les droits de la femme. A la Reine, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), Le Bon Sens français, ou L'apologie des vrais nobles, dédié aux Jacobins (1792), Pacte National (1792), Les Fantômes de l'opinion publique. L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a (1792), Pronostic sur Maximilien de Robespierre, par un animal  amphibie (signé "Polyne", 1792), Testament politique d'Olympe de Gouges (1793). Elle dénonce notamment la tournure des événements violents de la Révolution et les tendances dictatoriales des factions qui prennent le contrôle du pouvoir politique (La Montagne).

 

La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

        La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, présentée pour être débattue à l'Assemblée Nationale (pour le 28 octobre 1791, rejetée par la Convention) défend la cause des femmes. Elle est précédée d'un préambule qui indique, plus que le texte lui-même, qui pastiche la Déclaration des Droits et de l'Homme et du Citoyen proclamée le 27 Août 1789, l'orientation de sa pensée. Un postambule le complète.

Car cette Déclaration des Droits de l'Homme ne prend pas en compte la condition féminine et ne s'intéresse pas réellement aux femmes, Olympe de GOUGES, y défend, avec une certaine ironie à l'égard des préjugés masculins, la liberté et l'égalité de la femme par rapport à l'homme.

Nous pouvons lire dans ce Préambule ou plutôt dans le texte qui précède le Préambule : "Homme, es-tu capable d'être juste? C'est une femme qui t'en fais la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce doit. Dis-moi? Qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe? Ta force? Tes talents? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l'oses, l'exemple de cet empire tyrannique. Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d'oeil sur toutes les modifications de la matière organisé ; et rends-toi à l'évidence quand je t'en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l'administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d'oeuvre immortel. L'homme seul s'est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l'ignorance la plus crasse, il veut recommander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à égalité, pour ne rien dire de plus."

Le préambule est à la hauteur du texte de la Déclaration des Droits et du Citoyen : "Les mères, les filles, les soeurs, représentantes de la nation, demandent d'être constituées en assemblée nationale. Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesses leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes moeurs, et au bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté et en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être Suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne."

le Postambule est surtout un appel au combat des femmes, dans la conscience de leur rôle actif et obscur durant des siècles. Il s'agit de combattre "tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l'ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé."

  La postérité de ce texte est difficile à évaluer : paru d'abord seulement en cinq exemplaires et cependant salué même à l'étranger, sans doute de manière très partielle. Quelques extraits sont redécouverts et publiés en 1840, mais son intégralité ne l'est qu'en 1986 (par Benoîte GROULT, selon Nicole PELLEGRIN, dans un article de Le monde diplomatique, Les disparues de l'histoire, novembre 2008). Son importance historique réside dans son statut de première déclaration universelle des droits humains exigés autant pour les femmes que pour les hommes. 

 

       Ce n'est qu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale que cette auteure sort d'une certaine caricature et de l'anecdote. Elle est étudiée particulièrement aux États-Unis, au Japon et en Allemagne, où elle est présentée comme une des figures humanistes de la fin du XVIIIe siècle. 

 

Olympe de GOUGES, Écrits politiques, présentés par Olivier BLANC, 2 volumes, Côté Femmes Éditions, 2003 ; Théâtre Politique, avec une préface de Gisela THIELE-KNOBLOCH, Côté Femmes Éditions, 2 volumes, 1991 ;

Olympe de GOUGES, Oeuvres complètes Tome 1, Théâtre et Tome 2, Philosophie,  présentées par Félix-Marcel CASTAN, Éditions Cocagne ; 

Olympe de GOUGES, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Éditions Mille et une nuits, 2003.

Léopold LACOUR, Les Origines du féminisme contemporain. Trois femmes de la Révolution : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt, Rose Lacombe, Plon, Nourrit et Cie, 1900. Olivier BLANC, Olympes de Gouges, Éditions Syros, 1981.

On peut trouver de nombreux textes sur Internet, notamment sur le site de la BNF (Gallica). 

 

Relu le 11 novembre 2020

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