2 décembre 2009
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Des questions sur le pouvoir des Etats....
Les récentes conférences inter-gouvernementales sur le changement climatique, sous les projecteurs des médias, ne manquent pas de provoquer un certain malaise pour qui suit de près les vraies évolutions des pouvoirs politiques et économiques de la planète. Alors que les marchés sont censés s'auto-réguler pour la bonne santé de l'économie, alors sur les gouvernements eux-mêmes abandonnent de nombreuses prérogatives économiques au nom des bienfaits supposés être apportés par la libre concurrence des biens et des personnes, il est curieux de voir ces mêmes gouvernements se faire proclamer sauveurs de la planète. Les contraintes économiques nécessaires à la réalisation des programmes de survie de l'humanité face aux désastres annoncés seront-elles acceptées - puisqu'elles n'ont pas beaucoup de chances d'être imposées - par ces vastes ensembles économiques privés qui ont déjà refusé aux États de véritables changements dans la gestion financière, notamment depuis la crise de 2008.
Cette actualité constitue une occasion de penser à nouveau l'effectivité des États, leur réel pouvoir de peser sur les événements, au-delà des définitions juridiques de l'Etat aujourd'hui diffusées de façon universelle par des organisations internationales comme les Nations Unies.
La réalité du pouvoir d'État...
Un État se caractérise par son pouvoir réel sur un territoire et une population. Il est représenté pratiquement par ses agents directs et existe seulement et seulement si les différents citoyens qui agissent à l'intérieur de ses frontières le reconnaissent comme tel.
Un véritable État n'est pas une sorte d'agent ou d'acteur social à grande échelle qui exerce une influence sur le comportement de tous les autres acteurs, qu'ils soient économiques, sociaux, politiques ou religieux. Il est véritablement le décideur en dernier ressort de ce qui se passe sur un territoire donné. C'est le principe même de la souveraineté. Peu importe que cet État soit démocratique ou totalitaire. Ce qui importe, c'est que son autorité soit sans contestations sur son territoire. Peu importe que ses actions soient le résultat de concertations et de délibérations entre les acteurs qui agissent en tant que membres d'une nation ou pas. ce qui importe, c'est que ses actions soient reconnues légitimes de bout en bout. Non bien entendu que le caractère démocratique d'un pouvoir d'État ne nous intéresse pas de manière générale, mais ici, ce n'est pas le sujet traité.
Concrètement, il est constitué d'administrations reconnues pour leur compétence dans tous les domaines, qui se considèrent comme ses rouages. De plus, dans la conscience de la population, il existe en tant que tel, garant de leur liberté et de leur sécurité, quel que soient la définition et le contenu réel qu'elle leur donne.
L'État est à la fois le produit de leur représentation du pouvoir et la somme de l'action de toutes ses administrations. Que la représentation collective n'accorde plus comme auparavant ce crédit, que ses administrations n'exercent plus leur activité sur l'ensemble de la population et sur l'ensemble du territoire, et l'État n'existe plus que comme le fantôme de lui-même.
Les domaines de l'effectivité de l'État
Ce qui précède nous mène directement à la notion d'effectivité de l'État. Un État existe réellement, au-delà de toute considération sur sa reconnaissance à l'extérieur dans le concert des États dans le monde, que s'il est en mesure d'exercer tous ses pouvoirs. Cela pourrait passer pour une lapalissade, mais lorsqu'on y regarde de plus près, on constate de nombreuses défaillances de l'autorité de l'État tout au long de son histoire, et ces défaillances peuvent être de plusieurs ordres :
- fiscal, lorsque les administrations chargées de récolter auprès de la population ses ressources agissent pour leur propre compte ;
- judiciaire, lorsque les décisions de justice ne sont plus prises à partir d'un corpus de lois et de coutumes décidées par les instances légitimes ;
- exécutif, lorsque ses décisions sont mal ou plus appliquées ;
- législatif, lorsque ses instances qui décident des lois le font en dehors des considérations fondatrices de cet État, ou que les lois ne sont plus suivies des décrets d'application qui les rendent effectives ;
- judiciaire, lorsque les décisions de justice ne sont plus prises à partir d'un corpus de lois et de coutumes décidées par les instances légitimes ;
- exécutif, lorsque ses décisions sont mal ou plus appliquées ;
- législatif, lorsque ses instances qui décident des lois le font en dehors des considérations fondatrices de cet État, ou que les lois ne sont plus suivies des décrets d'application qui les rendent effectives ;
Mais le moment et l'endroit décisifs où cette effectivité se révèle défaillante ou nulle, c'est lorsque le monopole de la violence lui échappe, partiellement - lorsque des éléments de sa population lèvent les armes contre lui, en tant qu'État , ou contre d'autres éléments de cette même population - ou totalement, lorsque la violence s'exerce sans considération de son existence. Car ce qui décide en dernier ressort de son autorité, c'est bien l'usage en dernier recours et de façon décisive de la violence, que ce soit pour recouvrir les impôts, pour faire droit aux décisions de ses tribunaux, pour réaliser les effets de ses lois et règlements ou pour faire valoir sa suprématie et sa seule autorité dans l'élaboration de ces lois et règlements.
C'est pourquoi l'effectivité d'un État est toujours menacée lorsque la délégation administrative de son pouvoir fiscal, judiciaire, exécutif ou législatif est confiée à des groupes d'acteurs dont la fidélité aux fondements de l'État est défaillante. Ou lorsque les intérêts propres de ces groupes prennent le pas sur l'intérêt de l'État.
Si l'État est autoritaire et monarchique, tout autre intérêt servi autre que celui du roi menace son effectivité. Si l'État est autoritaire et despotique, tout intérêt servi que celui du groupe faisant office de chef nuit à son effectivité. Si l'Etat est démocratique et d'un régime représentatif de la population, tout autre intérêt servi - celui d'une seule partie de la population, nuit à son effectivité.
C'est pourquoi l'effectivité d'un État est toujours menacée lorsque la délégation administrative de son pouvoir fiscal, judiciaire, exécutif ou législatif est confiée à des groupes d'acteurs dont la fidélité aux fondements de l'État est défaillante. Ou lorsque les intérêts propres de ces groupes prennent le pas sur l'intérêt de l'État.
Si l'État est autoritaire et monarchique, tout autre intérêt servi autre que celui du roi menace son effectivité. Si l'État est autoritaire et despotique, tout intérêt servi que celui du groupe faisant office de chef nuit à son effectivité. Si l'Etat est démocratique et d'un régime représentatif de la population, tout autre intérêt servi - celui d'une seule partie de la population, nuit à son effectivité.
Cette effectivité est menacée également lorsque l'État délègue une partie de ses prérogatives de sécurité à des groupes de population dont les intérêts sont plus de défendre leurs intérêts propres que celui de l'État.
On voit bien que l'effectivité de l'État n'est jamais totalement garantie dans les aléas de l'histoire. Et qu'il existe en fait une graduation dans cette effectivité. Entre le contrôle absolu de l'État, quels qu'en soient les moyens, matériels ou/et symboliques et la déliquescence de l'État à son dernier degré, il existe toute une série de situations intermédiaires, qui s'installent doucement, presque sans qu'on s'en rende compte, analysable souvent seulement après une certaine période.
Mais la continuité de l'État reste assurée toutefois, lorsque certaines conditions sont réunies, quel que soit le degré de cette effectivité. Elle ne l'est plus lorsque, de façon définitive, l'État a perdu de façon irrémédiable tous ses pouvoirs, même lorsque symboliquement des populations ou des groupes s'y réfèrent, un peu comme les véritables pouvoirs féodaux de tout le Moyen-Age qui se réfèrent au Saint Empire Romain Germanique...
Il est particulièrement difficile, en l'état des connaissances sociologiques actuelles, de déterminer si un État est définitivement perdu. Mais une étude, même partielle, de l'activité de ses administrations, de l'activité des acteurs sur son territoire permet de déterminer, en revanche, à coup sûr, si un État a perdu de son effectivité. Et lorsque, de façon visible, l'État se retrouve dans la situation de n'importe quel acteur sur ce qui est normalement son territoire, d'agir avec des moyens de coercition sociale (et non avec tous ses moyens), on perçoit qu'il n'est plus effectif. il faut bien voir qu'un acteur peut être en mesure de collecter des impôts ou d'effectuer un certain racket sur la population (en argent et en hommes), d'édicter des lois dans une région donnée, d'agir pour rendre effectives certaines de ses décisions, sans être un État.
Empires et États, État contre Empire....
Et si ses agents assurent la continuité de certaines activités dans le temps, on peut avoir affaire à un Empire plus qu'à un État. Un Empire peut garantir la sécurité et la liberté dans certains territoires. Et si ses agents parviennent à faire reconnaître et connaître son autorité même partielle, d'Empereur, de prince, de roi, de dieu, de prophète un certain temps, il peut s'agir d'un Empire assuré d'une certaine pérennité. Mais il ne s'agit pas d'un État. Un Empire "de la drogue" peut s'établir dans certaines contrées, il n'aura pas les caractéristiques d'un État. Ses bénéficiaires pourront encaisser le produit de leur trafic sur un certain territoire sans pouvoir se faire connaître et reconnaître de façon définitive comme le maitre des lieux. Par essence, dans un Empire, plusieurs forces armées concurrentes peuvent exister et se combattre ; ce qui caractérise l'État, c'est véritablement le monopole de la violence. Par ce monopole, il garantit à une population sur un territoire, un certain ordre, une certaine stabilité, même s'il s'agit d'un ordre injuste, d'une stabilité qui écrase une partie de la population. Ce que l'on veut ici bien indiquer c'est le possible glissement d'empires fondés sur des moyens illégaux en droit, qui peu à peu, peuvent prendre la place des États, et devenir également par la suite, des États. On a une certaine vision d'un Empire en calquant les prérogatives de ce que nous connaissons comme État moderne sur de vastes territoires et sur d'immenses populations, or le contrôle social n'agit que par imperfections progressives. L'histoire offre de multiples exemples d'États qui créent des Empires, lesquels ne possèdent pas la possibilité de contrôler autant les populations que sur leur territoire d'origine. Il existe un mouvement de va et vient entre les formes étatiques et impériales de pouvoir. Ce que l'on a écrit auparavant sur les "Empires de la drogue" peuvent très bien s'instaurer sous forme d'Empires économiques qui, au départ, se veulent concurrents des États - en omettant par exemple de le payer en impôt - tout en leur demandant de protéger leurs activités.
Pour une analyse non convenue du pouvoir des États...
C'est pour promouvoir une analyse des États au début du XXIe siècle que tout ce qui précède est écrit, et pour rien d'autre. Une invitation à établir une typologie d'État suivant leur effectivité. La prolifération d'instances de pouvoirs économiques, politiques, financiers, militaires sur la planète, qui ne dépendent pas directement d'États devrait nous inciter à ne pas considérer la forme étatique comme allant de soi. L'existence de vastes territoires où des mercenaires règlent les questions de vie ou de mort, plus ou moins commanditées par des États, mais ne rendant compte de leurs activités que de manière élastique, le développement de fraudes fiscales massives s'appuyant sur l'existence d'États, parfois minuscules, faisant office de paradis fiscaux mais surtout de protecteurs exclusifs, l'augmentation de zones franches dans de nombreux pays, y compris ceux qui jouissent comme la Chine, de croissance économique accélérée, mais aussi à l'intérieur des États occidentaux comme la France qui autorise l'installation d'entreprises affranchies des règles communes dans ses quartiers dits en difficulté, la privatisation de pans énormes d'activités autrefois assurées, régulées ou contrôlées par les États, tout cela doit inciter à réfléchir sur l'évolution de l'effectivité des États, et des conséquences de tout ordre de cette évolution, dont le développement des pollutions et des bouleversements climatiques n'en sont qu'une partie.
L'enjeu de cette analyse est tout simplement la possibilité au non des citoyens de vivre dans un environnement stable, au niveau politique, économique, juridique. C'est aussi de savoir si l'on ne se dirige vers une sorte de guerres civiles larvées ou ouvertes entre groupes et entre individus, guerres désignées alors pour la convenance des médias et des pouvoirs en place comme des crises plus ou moins graves... En d'autre temps, l'analyse marxiste pointait bien cette sorte de luttes généralisées, qui peuvent débouchés sur des guerres civiles, mais cette fois il ne s'agirait pas seulement de guerres entre agents économiques, mais entre toutes sortes de pouvoirs privés ou publics, avec emploi non seulement de l'arme monétaire mais d'armes tout court... dans une évolution de re-féodalisation du monde.
On voit bien que l'effectivité de l'État n'est jamais totalement garantie dans les aléas de l'histoire. Et qu'il existe en fait une graduation dans cette effectivité. Entre le contrôle absolu de l'État, quels qu'en soient les moyens, matériels ou/et symboliques et la déliquescence de l'État à son dernier degré, il existe toute une série de situations intermédiaires, qui s'installent doucement, presque sans qu'on s'en rende compte, analysable souvent seulement après une certaine période.
Mais la continuité de l'État reste assurée toutefois, lorsque certaines conditions sont réunies, quel que soit le degré de cette effectivité. Elle ne l'est plus lorsque, de façon définitive, l'État a perdu de façon irrémédiable tous ses pouvoirs, même lorsque symboliquement des populations ou des groupes s'y réfèrent, un peu comme les véritables pouvoirs féodaux de tout le Moyen-Age qui se réfèrent au Saint Empire Romain Germanique...
Il est particulièrement difficile, en l'état des connaissances sociologiques actuelles, de déterminer si un État est définitivement perdu. Mais une étude, même partielle, de l'activité de ses administrations, de l'activité des acteurs sur son territoire permet de déterminer, en revanche, à coup sûr, si un État a perdu de son effectivité. Et lorsque, de façon visible, l'État se retrouve dans la situation de n'importe quel acteur sur ce qui est normalement son territoire, d'agir avec des moyens de coercition sociale (et non avec tous ses moyens), on perçoit qu'il n'est plus effectif. il faut bien voir qu'un acteur peut être en mesure de collecter des impôts ou d'effectuer un certain racket sur la population (en argent et en hommes), d'édicter des lois dans une région donnée, d'agir pour rendre effectives certaines de ses décisions, sans être un État.
Empires et États, État contre Empire....
Et si ses agents assurent la continuité de certaines activités dans le temps, on peut avoir affaire à un Empire plus qu'à un État. Un Empire peut garantir la sécurité et la liberté dans certains territoires. Et si ses agents parviennent à faire reconnaître et connaître son autorité même partielle, d'Empereur, de prince, de roi, de dieu, de prophète un certain temps, il peut s'agir d'un Empire assuré d'une certaine pérennité. Mais il ne s'agit pas d'un État. Un Empire "de la drogue" peut s'établir dans certaines contrées, il n'aura pas les caractéristiques d'un État. Ses bénéficiaires pourront encaisser le produit de leur trafic sur un certain territoire sans pouvoir se faire connaître et reconnaître de façon définitive comme le maitre des lieux. Par essence, dans un Empire, plusieurs forces armées concurrentes peuvent exister et se combattre ; ce qui caractérise l'État, c'est véritablement le monopole de la violence. Par ce monopole, il garantit à une population sur un territoire, un certain ordre, une certaine stabilité, même s'il s'agit d'un ordre injuste, d'une stabilité qui écrase une partie de la population. Ce que l'on veut ici bien indiquer c'est le possible glissement d'empires fondés sur des moyens illégaux en droit, qui peu à peu, peuvent prendre la place des États, et devenir également par la suite, des États. On a une certaine vision d'un Empire en calquant les prérogatives de ce que nous connaissons comme État moderne sur de vastes territoires et sur d'immenses populations, or le contrôle social n'agit que par imperfections progressives. L'histoire offre de multiples exemples d'États qui créent des Empires, lesquels ne possèdent pas la possibilité de contrôler autant les populations que sur leur territoire d'origine. Il existe un mouvement de va et vient entre les formes étatiques et impériales de pouvoir. Ce que l'on a écrit auparavant sur les "Empires de la drogue" peuvent très bien s'instaurer sous forme d'Empires économiques qui, au départ, se veulent concurrents des États - en omettant par exemple de le payer en impôt - tout en leur demandant de protéger leurs activités.
Pour une analyse non convenue du pouvoir des États...
C'est pour promouvoir une analyse des États au début du XXIe siècle que tout ce qui précède est écrit, et pour rien d'autre. Une invitation à établir une typologie d'État suivant leur effectivité. La prolifération d'instances de pouvoirs économiques, politiques, financiers, militaires sur la planète, qui ne dépendent pas directement d'États devrait nous inciter à ne pas considérer la forme étatique comme allant de soi. L'existence de vastes territoires où des mercenaires règlent les questions de vie ou de mort, plus ou moins commanditées par des États, mais ne rendant compte de leurs activités que de manière élastique, le développement de fraudes fiscales massives s'appuyant sur l'existence d'États, parfois minuscules, faisant office de paradis fiscaux mais surtout de protecteurs exclusifs, l'augmentation de zones franches dans de nombreux pays, y compris ceux qui jouissent comme la Chine, de croissance économique accélérée, mais aussi à l'intérieur des États occidentaux comme la France qui autorise l'installation d'entreprises affranchies des règles communes dans ses quartiers dits en difficulté, la privatisation de pans énormes d'activités autrefois assurées, régulées ou contrôlées par les États, tout cela doit inciter à réfléchir sur l'évolution de l'effectivité des États, et des conséquences de tout ordre de cette évolution, dont le développement des pollutions et des bouleversements climatiques n'en sont qu'une partie.
L'enjeu de cette analyse est tout simplement la possibilité au non des citoyens de vivre dans un environnement stable, au niveau politique, économique, juridique. C'est aussi de savoir si l'on ne se dirige vers une sorte de guerres civiles larvées ou ouvertes entre groupes et entre individus, guerres désignées alors pour la convenance des médias et des pouvoirs en place comme des crises plus ou moins graves... En d'autre temps, l'analyse marxiste pointait bien cette sorte de luttes généralisées, qui peuvent débouchés sur des guerres civiles, mais cette fois il ne s'agirait pas seulement de guerres entre agents économiques, mais entre toutes sortes de pouvoirs privés ou publics, avec emploi non seulement de l'arme monétaire mais d'armes tout court... dans une évolution de re-féodalisation du monde.
GIL
Revu le 20 septembre 2019