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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 14:31
        Le pacifisme et les pacifistes possèdent dans les médias dominants de manière générale, des images péjoratives et outre que ces images ou représentations ne sont pas toujours fondées (elles peuvent l'être historiquement en partie...), des confusions sont entretenues, lors des crises politiques mettant en cause certaines courses précises aux armements ou même de manière générale entre des groupes et des mouvements qui ne partagent parfois pas du tout la même vision des choses en ce qui concerne précisément ces courses aux armements ou sur le désarmement.
En mettant de côté un certaine pacifisme d'État ou instrumentalisé, des amalgames persistent entre d'une part les idées et mouvements pacifistes et les idées qui mènent certains mouvements de paix, beaucoup plus larges que les premiers, et d'autre part entre idées et mouvements pacifistes et idées et mouvements non-violents. La composition, les débats des mouvements pacifistes ont peu de choses à voir avec la composition et les mouvements de paix de masse, pendant la crise des euromissiles en Europe dans les années 1990 par exemple. Mais ce qui nous intéresse pour l'instant ce sont les différences d'inspiration et de motivation entre les idées et mouvements pacifistes et les idées et mouvements non-violents.

       Outre le fait que les filiations ne sont pas tout à fait les mêmes, quoique certaines options sont partagées entre pacifisme et non-violence, un débat parfois assez... agressif existe depuis très longtemps entre tenants de l'un et partisans de l'autre, visible surtout dans la presse militante de ces deux tendances. Lors de la création du Mouvement pour une Alternative Non-violente en France en 1974, certains leaders non-violents ont même pu écrire, paraphrasant LÉNINE, que la pacifisme était peut-être la maladie infantile de la non-violence... Les propos que l'on pouvait trouver à cette époque sur la non-violence dans le journal l'Union Pacifiste n'étaient guère plus amènes... Par ailleurs, il existe deux organisations internationales, l'une pacifiste et l'autre non-violente, et les tensions furent parfois vives entre elles...

     Dans le lexique de la non-violence, nous pouvons lire à l'entrée Pacifisme : "Les mots "pacifisme" et "pacifiste" ont dans notre langue, dans notre culture et dans notre histoire, une connotation essentiellement péjorative. Le pacifiste est réputé vouloir la paix "à tout prix", fut-ce au prix de la justice. C'est pourquoi il est accusé de préférer n'importe quelle paix à n'importe quelle guerre et, donc, d'être prêt à se soumettre à l'oppression plutôt qu'à se battre pour la liberté. La collectivité nationale, au nom de l'idéologie dominante, va donc jeter l'anathème sur les pacifistes en les accusant d'être traitres et parjures. Il est vrai que la paix peut être honteuse et que la guerre peut être lâche. Ce n'est pas la paix qui est le plus important, mais la justice qui permet la dignité et la liberté. Si le choix n'était qu'entre la paix dans l'injustice et la guerre pour la justice, alors, en effet, mieux vaudrait choisir la guerre. "Je préférerais mille fois, affirmait GANDHI, prendre le risque de recourir à la violence plutôt que de voir émasculer tout une race".
  La thèse centrale du pacifisme, tel qu'il s'est exprimé à différents moments de notre histoire, peut se résumer ainsi : la guerre est le mal absolu parce que les maux qu'elle engendre sont nécessairement plus grands que ceux auxquels elle prétend remédier. Certes, les moyens de la guerre, c'est-à-dire ceux de la violence destructrice et meurtrière, sont par eux-mêmes en contradiction avec la fin qu'elle prétend poursuivre : la coexistence pacifique des hommes et des peuples. La vérité de l'intuition pacifiste est de proclamer l'inhumanité de la guerre et de récuser toutes les idéologies qui justifient, honorent et sacralisent la guerre. Mais l'erreur du pacifisme est de dénoncer "les horreurs de la guerre" sans proposer des moyens réalistes pour mettre un terme aux "horreurs de la paix". La guerre, en effet, ne mérite pas seulement une condamnation, elle exige une alternative. La guerre est une méthode d'action et sa finalité est juste lorsqu'elle vise effectivement à défendre et à rétablir les droits de l'homme. La méthode de la guerre est sûrement détestable mais l'action n'en demeure pas moins nécessaire. Si la condamnation de la méthode entraîne l'inaction, c'est qu'il y a quelque part un vice dans la démarche. Le pacifisme relève en réalité d'une morale de conviction et il se trouve incapable de fonder une morale de responsabilité face aux défis de l'histoire. Lorsqu'il a tenté de proposer d'autres moyens que la guerre pour faire la paix, ils étaient largement illusoires. Il fait appel à des vertus en un temps où seule la force conditionne les rapports entre les hommes et les peuples. Le pacifisme procède d'une vision idéaliste et moraliste de l'histoire."

    Ce à quoi s'attache précisément les partisans de la non-violence, malgré la négativité de ce terme, c'est de trouver et d'utiliser des moyens, des forces ne faisant pas appel à la violence dans des conflits de toutes sortes, qu'ils soient économiques, politiques, sociaux et même idéologiques... Ce qui explique en partie que la théorisation de la non-violence ne se fait que tardivement, après l'utilisation de moyens qui ont fait leurs preuves. Désobéissances civiles massives, marches de masse, sit-in bloquants, boycotts, grèves de la faim ou jeûnes, paralysie politique ou économique organisée de manière méthodique, figurent parmi ces moyens, qui furent utilisés pendant les campagnes pour l'indépendance de l'Inde pendant plus de vingt ans, grèves de l'impôt, dans les luttes agricoles en Californie, contre l'extension du camp militaire du Larzac en France et dans de multiples autres circonstances. Dans la volonté de construire de véritables organisations non-violentes, il est possible que leurs leaders durcissent le trait : les pacifiste et leurs organisations, mais pas toutes, agirent souvent, pas seulement par voie de presse, contre certaines guerres, notamment en France pendant la guerre d'Algérie. Les combats pour l'obtention de statuts d'objecteur de conscience face à la conscription mêlèrent souvent pacifistes et non-violents.
     Toujours est que la non-violence, pour suivre Christian MELLON et Jacques SÉMELIN par exemple, se structure souvent, même si son histoire ne commence pas avec eux, autour des conceptions et des moyens d'action utilisés par Mohandas Karamchand GANDHI (1869-1948) : le vocabulaire gandhien, ahimsa et styagraha, est beaucoup utilisé pour exprimer la liaison toujours constante entre les moyens utilisés et les fins visées.

    On peut dire qu'une certaine origine commune, en Occident surtout, car dans d'autres régions d'autres références existent, lie le pacifisme et la non-violence : celle du Sermon sur la Montagne chrétien. Mais ce qui les distingue, c'est bien la volonté pour la non-violence de ne pas se cantonner seulement à une dénonciation de la plus cruelle des violences, la guerre. Mais d'avoir une réflexion sur toutes les violences sociales, politiques, économiques, idéologiques pour imaginer des alternatives à ces violences, voire proposer l'édification d'une société non-violente.

Jean-Marie MULLER, Lexique de la non-violence, Alternatives non violentes n°68/Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits, 1988 ; Christian MELLON et Jacques SÉMELIN, La non-violence, PUF, collection Que sais-je?, 1994.

                                                                   PAXUS
 
Relu le 4 octobre 2019
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