La prédation constitue un des modes de relations à l'intérieur des écosystèmes et se retrouve dans tous les règnes de la biosphère. Mais loin d'être une sorte de "loi de la jungle", cette prédation est circonscrite à de nombreuses conditions (d'existence et de modalités) qui, du coup, n'en fait pas le principal élément de l'écologie, quelque soit le terrain.
Ce qui motive cette prédation, c'est avant la recherche concurrentielle de la nourriture par les différents espèces présentes dans un même écosystème. Nombreuses en fait sont les adaptations qui permettent aux animaux de fuir leurs ennemis ou de s'en protéger (Atlas de biologie).
Les réactions de fuite et les adaptations morphologiques correspondantes (organes sensoriels et locomoteurs développés) ont évolué de façon convergente dans des groupes différents (Ongulés, Kangourous, Ratites, Reptiles). Certains comportements rendent la fuite encore plus efficace : le Lièvre et l'Autruche d'Amérique du Sud opèrent de brusquement changements de direction ; les Céphalopodes projettent un nuage d'encre ou, comme le Céphalopode abyssal Heterotenthie, un liquide luminescent.
Des dispositifs mécaniques de protection se rencontrent chez les animaux immobiles ou peu mobiles. Le corps des Éponges renferme souvent des spicules qui les rendent immangeables. Les animaux de nombreux groupes sont couverts de piquants, souvent associés à une carapace dure (oursin) ou à des comportements qui augmentent leur efficacité (le Hérisson se met en boule, le Poisson porc-épic se gonfle). Beaucoup d'animaux possèdent une carapace, des plaques, une coquille (nombreux Protistes, Bivolves, Gastéropodes, Tortues, Tatous) ; ces enveloppes peuvent être constituées de matière étrangère au corps de l'animal (Amibe Difflugia, larves des Trichoptères). On peut mentionner aussi les cavités que recherchent ou construisent certains animaux (Sphécoïdes, Pics, nombreux mammifères).
Les moyens de défense chimiques varient entre deux possibilités extrêmes : tout l'animal est toxique, donc immangeable, ou il met en oeuvre des mécanismes hautement perfectionnés (cnidoblastes des Coelentérés, poils urticants des chenilles, éjection de liquide : Brachynus, Serpent cracheur, Moufette). Ces animaux sont souvent protégés contre les assaillants par la teinte voyante de leur corps (Parure prémonitrice ; exemple Guêpe, Frelon, Salamandre commune). Les animaux sont camouflés quand les teintes de leur corps se confondent avec leur environnement (homochronie, par exemple du Phalène du Rouleau) et quand l'animal ressemble par sa forme à un objet du milieu où il vit (Homomorphie). Même des dessins apparemment très voyants peuvent dissimuler l'animal (somatolyse). Parfois une espèce inoffensive possède les mêmes couleurs prémonitrices qu'une autre espèce vivant dans le même milieu, mais réputée immangeable ou dangereuse (mimétisme, par exemple de divers Papillons tropicaux ou du Frelon-Série apiforme).
Les interactions quantitatives entre espèces sont par ailleurs limitées par de nombreux phénomènes, même lorsqu'elles sont très proches géographiquement. Ces phénomènes sont considérés comme des interactions (plante-phytophage ; proie-prédateur ; hôte-parasite). Vito VOLTERRA (1860-1940), sur la base d'un modèle mathématique, en a donné une représentation quantitative sous forme de trois lois :
- Dans les relations nutritionnelles entre deux espèces se produisent périodiquement dans les courbes d'abondance des oscillations en déphasage ;
- Les abondances oscillent autour d'une valeur moyenne bien définie ;
- Des influences extérieures tout aussi signifiantes pour les deux espèces agissent plus durablement sur le prédateur que sur la proie.
La prédation est définie généralement comme l'ensemble des mouvements qui s'ordonnent en vue de l'appropriation par capture et, généralement de la consommation alimentaire d'organismes vivants (proies). (Patrick TORT) Ce processus comportemental caractérise l'activité de chasse des animaux prédateurs - l'expression s'étant étendue de façon discutable selon le même auteur à certains végétaux. Elle implique une agression conduisant à la capture de la proie, et se trouve sous-tendue en chacune de ses manifestations par des stimulus activant, déclenchant un comportement d'appétence suivi d'actes consommatoires. Les proies, au cours de l'évolution, ont souvent développé des comportements multiples de réaction adaptative au comportement du prédateur, l'exemple le plus simple de cette adaptation étant la "distance de fuite" qui oscille autour d'une moyenne spécifique, tout en étant réglable suivant les individus. Ces comportements sont variables selon que l'animal-proie bénéficie ou non de capacités de camouflage. L'animal-proie reconnaît fréquemment son prédateur, comme l'attestent les expérimentations faites avec les Canards et les Oies soumis au spectacle d'un leurre représentant alternativement la forme d'un proche parent inoffensif et celle d'une Rapace. Ce genre d'expérimentation est souvent présenté par des auteurs comme Konrad LORENZ.
Mais la prédation ne peut être comprise que dans la distinction entre compétition intra-spécifique et compétition inter-spécifique, les comportements constatés n'étant pas du tout les mêmes.
Pour qu'il y ait compétition, comme l'écrit Vincent LABEYRIE, il faut qu'il y ait "à la fois même habitat et même niche, c'est-à-dire que plusieurs organismes recherchent, en même temps et dans une même localité, les mêmes éléments existant en quantité limitée, et indispensables à la synthèse de leur matière vivante. La compétition résulte d'une capacité limitée de l'habitat", suivant des paramètres démographiques bien précis.
La compétition peut être intraspécifique ou interspécifique. Dans les deux cas, elle ne concerne que des individus ayant à un moment déterminé des exigences communes, dans le domaine de l'alimentation en particulier. Le déplacement compétitif, qui évite la compétition, contribue à diversifier les niches et les habitats.
Vincent LABEYRIE se réfère surtout à E. R. PIANKA, qui résume dans "competition and niche theory" (in Theorical ecology, de R MAY en 1976, chez Blackwell Scientific), les différents aspects théoriques de la compétition interspécifique et modélise son influence sur la dynamique des populations à partir des équations de VOLTERRA, en soulignant que "les coefficients de compétition de ces équations peuvent être illusoires et obscurcir souvent les mécanismes réels des interactions compétitives." Il remarque que la compétition interspécifique n'est jamais absolue, car "aucun organisme réel n'exploite entièrement sa niche fondamentale puisque ses activités sont de quelque façon limitée par ses compétiteurs autant que par ses prédateurs." Puisque les individus d'un même stade de développement d'une même espèce ont par définition des caractéristiques biologiques identiques, au polymorphisme près, la compétition intraspécifique doit être par nature plus sévère que la compétition interspécifique. Dans ces conditions, la compétition intraspécifique introduit une sélection active dès que K est limité. Cette sélection entraînant une modification qualitative de la population, c'est-à-dire pouvant induire son évolution, on peut en déduire que la limitation des ressources doit être un facteur d'évolution.
Charles DEVILLERS indique dans l'explication du principe de compétition-exclusion (ou principe de GAUSE (Georgij. Franceric GAUZE (1910-1986)), établit en 1934) que "deux espèces ayant les mêmes impératifs écologiques ne peuvent coexister sur de longues durées. Ou bien l'une des formes est éliminée, ou bien elle modifie ses impératifs écologiques". Suivant aussi Garrett HARDIN (The competitive-exclusion principle, Science, 1960), "il ne peut y avoir de compétition totale", ce qui signifie que la compétition ne peut porter sur toutes les composantes de l'écologie des espèces en question. Sous l'apparence d'une constatation banale - il existe bien des carnivores qui ne s'attaquent qu'à des espèces bien spécifiques - ce principe décrit en fait une situation hautement théorique qui impose, pour bien la comprendre, signale toujours Claude DEVILLERS, "de définir au préalable compétition et niche écologique."
"Il y a compétition quand des organismes, animaux ou végétaux, de même espèce ou d'espèces différentes, utilisent les mêmes ressources, qui sont en quantité limitée, ou se nuisent mutuellement en cherchant ces ressources. Une niche écologique peut être décrite comme un "hyper-volume" à n dimensions, chaque dimension étant l'une des composantes de la niche : conditions physiques et chimiques du milieu, ressources nutritives, habitats, lieux de reproduction... Il est hautement improbable, impossible même, que toutes les utilisations des "dimensions" des niches de deux espèces soient strictement les mêmes. Il suffira que l'une d'entre elles soit différente pour que la coexistence ait lieu."
En fait, indique bien aussi le même auteur, ce principe a ses partisans et ses adversaires dans la communauté scientifique. Pour J. Viera Da SILVA (Introduction à la théorie écologique, Masson, 1979), c'est l'un des concepts les plus utiles en écologie théorique. Dans la pratique, il incite à rechercher la causalité des coexistences, de mettre au jour les différences écologiques, parfois subtiles, qui les rendent possibles.
Charles DARWIN, sans l'énoncer sous forme de principe, formule à plusieurs reprises le contenu du principe de Gause dans L'Origine des espèces : "Or, ainsi que nous l'avons vu traitant de la lutte pour l'existence, c'est entre les formes les plus voisines - variétés de même espèce, et espèce de mêmes genres ou de genres voisins - que, par suite de la similitude de leur conformation, de leur constitution et de leurs habitudes, se déclarera la concurrence la plus sévère. Chaque nouvelle variété ou espèce tendra donc, pendant le cours de sa formation, à serrer de près les formes qui ont le plus d'analogie avec elle, et à les exterminer."
Vincent LABEYRIE, article Compétition intra- et interspécifique, Charles DEVILLERS, article Compétition-exclusion et Patrick TORT, article Prédation, dans Dictionnaire du Darwinisme et de l'Evolution, PUF, 1996. Günther VOGEL et Hartmunt ANGERMANN, Atlas de biologie, Le livre de poche, La pochothèque, 1994.
ETHUS
Relu le 31 juillet 2020