25 décembre 2009
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Juriste, diplomate et acteur politique français dans la Résistance et dans la France gaulliste, René CASSIN, surtout connu pour être un des principaux rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'ONU en 1948 et Prix Nobel de la Paix de 1968, laisse une oeuvre abondante et diffuse sur le plan juridique. Ses écrits font partie d'une lutte inlassable en faveur des droits de l'homme et de la paix. Ils se partagent entre oeuvres juridiques très spécialisées et réflexions politique de grande ampleur à destination de tous les publics.
Parmi les oeuvres juridiques qui laissent une grande marque sur l'école française du droit international, citons, hors la littérature grise très abondante (rapports, notes, feuilles et textes de Conférence circulant dans une communauté restreinte de spécialistes) :
Parmi les oeuvres juridiques qui laissent une grande marque sur l'école française du droit international, citons, hors la littérature grise très abondante (rapports, notes, feuilles et textes de Conférence circulant dans une communauté restreinte de spécialistes) :
- La conception des droits de l'Etat dans les successions d'après le code civil suisse (Sirey, 1914) ;
- L'inégalité entre l'homme et la femme dans la législation civile (Barlatier, 1919) ;
- Le contentieux des victimes de la guerre : étude de la jurisprudence concernant les pensions de guerre et l'adoption des pupilles (1924-1925) (L'Union fédérale, 1925) ;
- Les Soviets et la dette Russe en France (Publications de la Conciliation Internationale, 1930) ;
- La nouvelle conception du domicile dans le règlement des conflits de lois, tome 4 (Sirey, 1931) qui est un recueil de cours donné à l'Académie de droit international de La Haye ;
- Réflexions sur la résolution judiciaire des contrats pour inexécution (1945) ;
- Ecrits des condamnés à mort sous l'occupation allemande, 1939-1945 (PUF, 1954), étude sociologique dont il n'écrit qu'une préface, mais très instructive.
Parmi les oeuvres à destination de tous les publics, retenons surtout :
- Pour la défense de la paix (Associations françaises des combattants et victimes de la guerre et des Jeunesses et de l'union fédérale, (1936). Indiquons que René CASSIN refusa les accords de Munich et démissionna de la représentation française à la SDN qu'il anima de 1924 à 1938. ;
- Les hommes partis de rien, Le réveil de la France abattue (1940-1941) (Plon, 1965) ;
- La pensée et l'action (Lalou, 1972), probablement l'ouvrage qui permet le mieux, de sa plume, de cerner toute sa philosophie de jurisnaturaliste et le sens de toute son action diplomatique.
Au-delà d'une polémique sur la paternité du texte de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 (Rappelons simplement que ce texte collectif fut élaboré à partir d'un corpus abondant et rerédigé, amendé plusieurs fois, pour être voter par 48 des 56 Etats de l'Assemblée Générale des Nations Unies), tout le monde reconnait l'influence majeure de René CASSIN, du projet à la rédaction finale.
Comme le soutien Gérard BOULANGER, "le caractère universel de la Déclaration provient (...) non seulement du vote interétatique exprimé unanimement qui la fonde, mais de la diversité des sources qui la garantissent. Au-delà des Déclarations révolutionnaires françaises de 1789, 1793 et autres qui la formatent - au point de faire de sa version en français l'original officiel - ainsi que des Bills of Rights anglais de 1689 et américain de 1787 qui l'inspirent, elle emprunte aux constitutions soviétiques de 1918, 1924 et 1936, ces droits économiques et sociaux qui effrayèrent tant le Sénat américain que, malgré le juridisme de René CASSIN, Eleanor ROOSEVELT opta avec pragmatisme pour la force morale d'une résolution de préférence à la force contraignante d'une convention internationale, inassumable par son propre pays. En revanche, l'adoption de la Déclaration s'assortissait, la veille, de celle d'une Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et, le même jour, d'une recommandation qui devait déboucher, le 16 décembre 1966, sur l'adoption de deux pactes internationaux relatifs, l'un aux droits civils et politiques, l'autre aux droits économiques, sociaux et culturels."
Sur les droits de l'homme, René CASSIN, dans "Droits de l'homme et méthode comparative", article publié dans la Revue internationale de droit comparé en juillet 1968, écrit : "pour éviter une stagnation passive, il est donc capital de décupler l'oeuvre de formation des mentalités et d'éducation des élites dirigeantes et des peuples qui a été entreprise depuis vingt ans. Et je ne vise pas ici que les organisations non gouvernementales dont le rôle extrêmement difficile n'est guère facilité par les gouvernements des pays autoritaires. Je pense aux universitaires et spécialement aux juristes enseignants, comme aux magistrats et gens de justice dont le rôle créateur pour la promotion des Droits de l'homme n'a pas été encore à la hauteur des besoins du monde et de leurs aptitudes particulières à éduquer l'opinion publique. Plus grandes sont les difficultés, plus élevés sont les obstacles et plus les hommes qui se sont consacrés au service du droit ont des responsabilités. Que tous ceux qui le peuvent face bénéficier les droits de l'homme des avantages d'émulation que recèle la comparaison des institutions."
Jamais l'auteur ne s'est départi d'un lien constitutif entre la paix, les droits de l'homme et la justice, tant et si bien que sans droits de l'homme, il n'y a pas de paix, sans paix il n'y a pas de justice, et sans justice, il n'y a ni droits de l'homme ni paix.
Dans une Allocution, prononcée en 1969, à l'occasion du centenaire de la Société de Législation Comparée, nous pouvons notamment lire : "On peut craindre certes que certains pays ne veuillent pas, pour leur part, ratifier (les) conventions ou même qu'ayant ratifié, ils n'appliquent pas pleinement ces dispositions nouvelles. J'ai attiré à maintes reprises l'attention des membres d'assemblées politiques internationales sur la nécessité de ne pas procéder sans transition à des uniformisations trop poussées, allant quelquefois au-delà des principes formulés par la Déclaration universelle elle-même.
Mais les choses étant ce qu'elles sont, il saute aux yeux des moins avertis que l'évolution croissante du monde vers des régimes juridiques s'établit par voie de conventions régionales ou universelles entre États - évolution qui avait commencé par des accords en matière humanitaire et sanitaire, puis dans les domaines des communications et celui du travail humain. Cela appelle de plus en plus l'attention des comparatistes.
Nous nous trouvons en effet en présence d'un mouvement qui dépasse de beaucoup le champ des comparaisons bilatérales. A partir du moment où il est déjà admis en principe et où, progressivement, il sera admis dans les faits, que tous les êtres humains sont égaux en dignité et en droit, que les discriminations artificielles ne peuvent plus faire obstacle à l'égalité de traitement et que, tout homme et toute femme doit bénéficier des libertés et des facultés fondamentales nécessaires à l'épanouissement de leur personnalité, les différents degrés de rapprochements du droit (adoption de principes communs, des standards ou directives, des mesures d'harmonisation et même d'unification totale) se présentent sous un jour nouveau. Loin de se replier, les comparatistes qualifiés doivent redoubler d'activité pour préserver autant que possible les législateurs et les auteurs de conventions, de préjugés négatifs ou d'anticipations techniquement imprudentes." Travailler à l'harmonie, c'est travailler à la Paix, sans brusqueries mais sans faiblesse, avec toute la vigilance qu'impose un monde traversé de conflits, surtout celui que connaît l'auteur, d'un monde divisé en blocs.
- L'inégalité entre l'homme et la femme dans la législation civile (Barlatier, 1919) ;
- Le contentieux des victimes de la guerre : étude de la jurisprudence concernant les pensions de guerre et l'adoption des pupilles (1924-1925) (L'Union fédérale, 1925) ;
- Les Soviets et la dette Russe en France (Publications de la Conciliation Internationale, 1930) ;
- La nouvelle conception du domicile dans le règlement des conflits de lois, tome 4 (Sirey, 1931) qui est un recueil de cours donné à l'Académie de droit international de La Haye ;
- Réflexions sur la résolution judiciaire des contrats pour inexécution (1945) ;
- Ecrits des condamnés à mort sous l'occupation allemande, 1939-1945 (PUF, 1954), étude sociologique dont il n'écrit qu'une préface, mais très instructive.
Parmi les oeuvres à destination de tous les publics, retenons surtout :
- Pour la défense de la paix (Associations françaises des combattants et victimes de la guerre et des Jeunesses et de l'union fédérale, (1936). Indiquons que René CASSIN refusa les accords de Munich et démissionna de la représentation française à la SDN qu'il anima de 1924 à 1938. ;
- Les hommes partis de rien, Le réveil de la France abattue (1940-1941) (Plon, 1965) ;
- La pensée et l'action (Lalou, 1972), probablement l'ouvrage qui permet le mieux, de sa plume, de cerner toute sa philosophie de jurisnaturaliste et le sens de toute son action diplomatique.
Au-delà d'une polémique sur la paternité du texte de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 (Rappelons simplement que ce texte collectif fut élaboré à partir d'un corpus abondant et rerédigé, amendé plusieurs fois, pour être voter par 48 des 56 Etats de l'Assemblée Générale des Nations Unies), tout le monde reconnait l'influence majeure de René CASSIN, du projet à la rédaction finale.
Comme le soutien Gérard BOULANGER, "le caractère universel de la Déclaration provient (...) non seulement du vote interétatique exprimé unanimement qui la fonde, mais de la diversité des sources qui la garantissent. Au-delà des Déclarations révolutionnaires françaises de 1789, 1793 et autres qui la formatent - au point de faire de sa version en français l'original officiel - ainsi que des Bills of Rights anglais de 1689 et américain de 1787 qui l'inspirent, elle emprunte aux constitutions soviétiques de 1918, 1924 et 1936, ces droits économiques et sociaux qui effrayèrent tant le Sénat américain que, malgré le juridisme de René CASSIN, Eleanor ROOSEVELT opta avec pragmatisme pour la force morale d'une résolution de préférence à la force contraignante d'une convention internationale, inassumable par son propre pays. En revanche, l'adoption de la Déclaration s'assortissait, la veille, de celle d'une Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et, le même jour, d'une recommandation qui devait déboucher, le 16 décembre 1966, sur l'adoption de deux pactes internationaux relatifs, l'un aux droits civils et politiques, l'autre aux droits économiques, sociaux et culturels."
Sur les droits de l'homme, René CASSIN, dans "Droits de l'homme et méthode comparative", article publié dans la Revue internationale de droit comparé en juillet 1968, écrit : "pour éviter une stagnation passive, il est donc capital de décupler l'oeuvre de formation des mentalités et d'éducation des élites dirigeantes et des peuples qui a été entreprise depuis vingt ans. Et je ne vise pas ici que les organisations non gouvernementales dont le rôle extrêmement difficile n'est guère facilité par les gouvernements des pays autoritaires. Je pense aux universitaires et spécialement aux juristes enseignants, comme aux magistrats et gens de justice dont le rôle créateur pour la promotion des Droits de l'homme n'a pas été encore à la hauteur des besoins du monde et de leurs aptitudes particulières à éduquer l'opinion publique. Plus grandes sont les difficultés, plus élevés sont les obstacles et plus les hommes qui se sont consacrés au service du droit ont des responsabilités. Que tous ceux qui le peuvent face bénéficier les droits de l'homme des avantages d'émulation que recèle la comparaison des institutions."
Jamais l'auteur ne s'est départi d'un lien constitutif entre la paix, les droits de l'homme et la justice, tant et si bien que sans droits de l'homme, il n'y a pas de paix, sans paix il n'y a pas de justice, et sans justice, il n'y a ni droits de l'homme ni paix.
Dans une Allocution, prononcée en 1969, à l'occasion du centenaire de la Société de Législation Comparée, nous pouvons notamment lire : "On peut craindre certes que certains pays ne veuillent pas, pour leur part, ratifier (les) conventions ou même qu'ayant ratifié, ils n'appliquent pas pleinement ces dispositions nouvelles. J'ai attiré à maintes reprises l'attention des membres d'assemblées politiques internationales sur la nécessité de ne pas procéder sans transition à des uniformisations trop poussées, allant quelquefois au-delà des principes formulés par la Déclaration universelle elle-même.
Mais les choses étant ce qu'elles sont, il saute aux yeux des moins avertis que l'évolution croissante du monde vers des régimes juridiques s'établit par voie de conventions régionales ou universelles entre États - évolution qui avait commencé par des accords en matière humanitaire et sanitaire, puis dans les domaines des communications et celui du travail humain. Cela appelle de plus en plus l'attention des comparatistes.
Nous nous trouvons en effet en présence d'un mouvement qui dépasse de beaucoup le champ des comparaisons bilatérales. A partir du moment où il est déjà admis en principe et où, progressivement, il sera admis dans les faits, que tous les êtres humains sont égaux en dignité et en droit, que les discriminations artificielles ne peuvent plus faire obstacle à l'égalité de traitement et que, tout homme et toute femme doit bénéficier des libertés et des facultés fondamentales nécessaires à l'épanouissement de leur personnalité, les différents degrés de rapprochements du droit (adoption de principes communs, des standards ou directives, des mesures d'harmonisation et même d'unification totale) se présentent sous un jour nouveau. Loin de se replier, les comparatistes qualifiés doivent redoubler d'activité pour préserver autant que possible les législateurs et les auteurs de conventions, de préjugés négatifs ou d'anticipations techniquement imprudentes." Travailler à l'harmonie, c'est travailler à la Paix, sans brusqueries mais sans faiblesse, avec toute la vigilance qu'impose un monde traversé de conflits, surtout celui que connaît l'auteur, d'un monde divisé en blocs.
Présent au côté de Léon BLUM, il participe à la conférence qui décide, en 1945, la création de l'UNESCO. Il joue un rôle majeur à la Commission des droits de l'homme de l'ONU (c'est là qu'il participe fortement à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée en 1948). Il participe également à l'élaboration de la Convention européenne des droits de l'homme en 1950, ainsi qu'à la constitution de la Cour européenne des droits de l'homme en 1950, dont il est le premier président. Prix Nobel de la Paix en 1968, il assume par ailleurs un grand nombre de missions ponctuelles au profit de nombreuses institutions (Alliance israélite universelle, Société de législation comparée, Institution français, Institution international des sciences administratives, Institut international des droits de l'homme). Il laisse une oeuvre écrite considérable, malheureusement très dispersée.
Seul parait de son vivant le premier volume de ses mémoires, Les Hommes partis de rien. (Jean-Claude MAITROT)
René CASSIN, La pensée et l'action, Editions Lalou, 1972.
René CASSIN, La pensée et l'action, Editions Lalou, 1972.
Gérard BOULANGER, René CASSIN, aux origines de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 2008. Marc AGI, René CASSIN, Fantassin des Droits de l'homme, Editions Plon, 1979. Gérard ISRAEL, René CASSIN, La guerre hors la loi, Avec de Gaulle. Les droits de l'homme, Editions Bruylant, 2007.
On consultera avec profit les Actes du colloque organisé par l'Association René Cassin et le Collège de France, du 22 octobre 1998 (M long et F Monnier édition, H Champion, 2001).
Complété le 3 avril 2015
Complété le 3 avril 2015
Relu le 27 Août 2019