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6 mai 2011 5 06 /05 /mai /2011 08:22

        Dès le début de ses activités politiques, LENINE, prenant à son compte les réflexions de MARX et d'ENGELS, considère les techniques de guérilla en tant que constitutifs d'une guerre révolutionnaire du peuple contre le capitalisme.

Si nous intitulons cet article sous ce titre qui peut paraître restrictif, c'est parce qu'il y a une réelle continuité entre d'une part, les techniques de la petite guerre, théorisées pendant les guerres napoléoniennes, les entreprises de guérilla telles qu'elles sont conçues par MARX et ENGELS, les théories et pratiques de guerre révolutionnaire de LENINE et TROTSKY et les théories et pratiques de la guerre révolutionnaire ou de la guérilla des écoles marxistes chinois ou vietnamiens et des guérilleros d'Amérique Latine et d'Afrique. Ce qui uni ces différents aspects, c'est surtout l'objectif d'instauration d'une autre société, d'une société communiste. Ce qui différencie les différentes théories, ce sont surtout les conditions socio-économiques et politiques différentes où ils s'inscrivent. 

 

             Des écrits de MARX et d'ENGELS, autre autres, LENINE apprend les réalités de la politique de suprématie. Il a conscience comme eux que la guerre n'a pas seulement un caractère militaire, mais aussi diplomatique, psychologique et économique. il pense qu'il existe une relation fondamentale et continue entre la guerre et la révolution, que la guerre peut enfanter la révolution. Dans le cas de la situation russe sous la première guerre mondiale, après les échecs de la révolution de 1905, il s'agit de transformer la guerre impérialiste nationale en une guerre civile qui, non seulement s'étende à toute la Russie, mais franchisse les frontières nationales et précipite une révolution sociale générale. Dans le cours des événements, LENINE se rend bien compte que cela est impossible en Allemagne et qu'il faut effectuer un repli stratégique.

La paix n'est pas une fin en soi, mais est au contraire, comme la guerre, un instrument de politique. C'est la raison pour laquelle, il faut obtenir à tout prix l'arrêt de la guerre avec l'Allemagne, afin de conforter la révolution en Russie. En fait, très vite, 'il est temps d'en finir avec les formules révolutionnaires (car en fait nous n'en avons pas les moyens) et de se mettre à l'ouvrage pour de bon". Le répit espéré ne vient pas puisque la guerre civile russe enchaîne immédiatement la guerre interétatique. C'est que les gouvernements "bourgeois" de l'Europe, au-delà du fait que les Alliés ne pardonnent pas la "traîtrise" (de la dénonciation de l'Alliance), ont bien conscience du caractère révolutionnaire du gouvernement soviétique, et qu'ils entendent mener, comme les stratèges marxiste, une véritable guerre de classe, tout en ne la nommant pas ainsi bien entendu.

        La guerre civile fait office de grande École de guerre pour l'Union Soviétique, une grande École où il n'y a pas véritablement de batailles décisives, où les mouvements de troupes sont difficiles à suivre, et suivent d'ailleurs des logiques différentes suivant les chefs d'armées qui les commandent, où les techniques de guérilla sont utilisées à grande échelle. Léon TROTSKI, le fondateur et l'organisateur de l'Armée Rouge, reconnaît que la guerre civile est une guerre de modèle réduit, vu la taille des armées engagées. TROTSKI (Ma vie, Gallimard, 1953), écrit que "la petite guerre ne différa d'une grande guerre qu'au niveau de l'échelle... Elle fut comme un modèle vivant de la guerre... La petite guerre fut une grande école."

        

      Pierre DABEZIES décrit le schéma des "cinq phases" attribué à TROTSKI, qui explicite bien le phénomène de la lutte prolongée du faible contre le fort. Phénomène de pourrissement de l'adversaire qui permet de lui porter au moment opportun "un coup mortel".

La première phase est essentiellement clandestine, les conspirateurs créant les premiers noyaux actifs d'agitation et de propagande, et agissant de telle sorte que les autorités ennemies, toujours longues à réagir, du fait de leur juridisme, de leur esprit de routine et de leurs rivalités ne prennent conscience que tardivement de l'ampleur du défi.

Au cours de la deuxième phase, le noyautage s'étend, la subversion s'amplifie et déborde au besoin les villes. Des attentats éclatent, des tracts circulent, des grèves frisant l'émeute sont organisées : il s'agit d'intimider la masse, d'impressionner les neutres et d'exciter le pouvoir dans l'espoir d'une répression brutale, que la troisième phase va généraliser. A ce stade, en effet, non seulement des bandes et des maquis s'organisent, mais le terrorisme s'amplifie, propre à créer une complicité populaire devant des réactions militaires souvent peu adaptées. La nuit, le pays rebelle s'anime, fourmillant de cadres, d'agents de renseignement et de propagandistes dont la présence et l'action engagent peu à peu les populations.

Les quatrième et cinquième phases tendront, dans la même ligne, à débloquer l'appareil adverse en combinant les opérations souterraines, les opérations psychologiques et les opérations militaires de telle sorte que le support administratif et humain du vieux régime s'effondre, entrainant pour finir l'armée derrière lui.

Il ne faut pas croire qu'il s'agit là seulement de tactiques et de méthodes seulement propres à la période de la révolution proprement dite. Car même après la création officielle de l'Union Soviétique, lors de la guerre civile, quantité de territoires restent acquis à l'ancien régime, avec des tentatives de réinstauration du régime tsariste dans certains endroits. Les opérations militaires de la période qui s'étire jusqu'au début des années 1930 combinent les techniques de guérilla et les manoeuvres plus classiques, sans batailles décisives. Constamment, c'est plus sur le plan politique (adhésion des masses au nouveau régime, notamment la paysannerie, propagande dans les pays belligérants) que sur le plan militaire que la décision se fait.

       Toutefois, comme Edward Mead EARLE, il faut constater que "Si l'ardeur révolutionnaire des paysans et des ouvriers contribua largement au triomphe final des bolcheviks, la compétence des officiers, sous-officiers, soldats et techniciens venus de l'ancienne armée impériale joua également un rôle considérable. La propagande derrière les lignes des contre-révolutionnaires aida certainement à saper le moral de ceux-ci, mais elle fut sans effet tant que les puissances alliées continuèrent à fournir à Denikine et aux autres du matériel moderne en quantités suffisantes."

Il faut, pour les dirigeants soviétiques, corriger les effets de leur propre propagande antérieure dans les armées tsaristes, afin d'empêcher l'anéantissement des cadres militaires et de les utiliser dans leur entreprise révolutionnaire. Les levées en masse d'ouvriers et de paysans doivent fournir au parti les moyens de combattre la contre-révolution, mais il s'agit de les encadrer avec des officiers dont il faut s'assurer également de la fidélité.

    

        Les bolchevicks "sortirent des dures expériences de la guerre civile avec une conception presque unique du rôle de la guerre dans la société. LENINE, notamment, élabora un système philosophique compliqué sur ce sujet.

L'attitude des classes laborieuses vis-à-vis de la guerre, disait-il, ne peut être catégorique : le pacifisme, la soumission, l'opposition au service militaire, la grève générale contre la mobilisation et autres principes du socialisme d'Europe occidentale sont des démonstrations en elles-mêmes vides de sens. Ce sont le type de guerre en jeu et les objectifs qu'elles se proposent (ici les classes laborieuses) qui doivent déterminer la réaction des peuples." Bien avant son arrivé au pouvoir, LENINE est déjà convaincu que le prolétariat devait utiliser la guerre, défensive et offensive, pour provoquer une révolution sociale.

Sa position devient l'héritage adopté par tous les dirigeants de l'Union Soviétique après lui. Le VIe Congrès mondial de l'Internationale communiste de 1928, sous la domination russe, fait clairement apparaître cela : "La chute du capitalisme est impossible sans violence, c'est-à-dire sans soulèvements armés et sans guerres contre la bourgeoisie. A notre époque des guerres impérialistes et de révolution mondiale, les guerres civiles révolutionnaires de la dictature prolétarienne contre la bourgeoisie, les guerres du prolétariat contre les États bourgeois et le capitalisme mondial, ainsi que les guerres nationales révolutionnaires des peuples opprimés contre l'impérialisme sont inévitables, comme l'a montré Lénine." 

         Si sous STALINE, notamment entre 1933 et 1941, les doctrines militaires soviétiques reviennent aux conceptions classiques d'organisation de l'armée, la défaite soviétique au cours de la Seconde Guerre mondiale réactive l'utilisation des techniques de guérilla de manière complémentaire aux mouvements des armées. Comme l'écrit encore Edward Mead EARLE, les Russes devaient garder l'Armée Rouge intacte, quitte à effectuer des replis tactiques. "Ils devaient éviter l'encerclement dans la mesure du possible : les unités qui ne pourraient y échapper devraient résister jusqu'au bout. Il fallait échanger l'espace contre le temps, autrement dit provoquer une guerre prolongée en obligeant les Allemands à s'enfoncer dans le territoire soviétique sans obtenir de décision. Quant au territoire dont la Wehrmacht s'emparerait, il faudrait le rendre pratiquement inutilisable par une dévastation générale et dangereux par des actions de guérilla ininterrompues. La guerre d'usure et l'extension des fronts qui en résulteraient donneraient à l'Armée Rouge cette grande occasion - pour laquelle elle avait été préparée et endoctrinée depuis la guerre civile - de détruire l'ennemi par l'offensive. Selon la nouvelle conception soviétique, la guerre-éclair survient à la fin de la guerre et non au commencement.

 

     Lors de la révolution de 1905, LENINE (Oeuvres choisies, tome VII, Editions en langues étrangères, Moscou, 1941) signale "six (des) points essentiels ; appelés à devenir le drapeau politique et le programme immédiat de tout gouvernement révolutionnaire, et qui doivent lui acquérir les sympathies du peuple et concentrer toute l'énergie révolutionnaire du peuple sur les besognes les plus urgentes. Ces six points sont :

- L'Assemblée constituante du peuple tout entier ;

- L'armement du peuple ;

- La liberté politique ;

- L'entière liberté aux nationalités opprimées et frustrées de leurs droits ;

- La journée de travail de huit heures ;

- La formation de comités révolutionnaires paysans.(...)

L'armée révolutionnaire et le gouvernement révolutionnaires sont les deux faces d'une même médaille. Ce sont deux institutions également indispensables au succès de l'insurrection et à l'affermissement de ses conquêtes. Ce sont deux mots d'ordre qui doivent nécessairement être formulés et commentés comme les seuls mots d'ordre révolutionnaires conséquents. (...)".

  Dans les tâches des détachements de l'armée révolutionnaire, LENINE écrit en octobre 1905 qu'elles sont de deux sortes : Il y a les actions militaires indépendances et la direction de la foule.

Dans les Lettres de loin, il écrit, en octobre 1917, que l'insurrection armée "est une forme particulière de la lutte politique ; elle est soumise à des lois particulières, qu'il importe de méditer attentivement. Karl Marx a exprimé cette pensée avec un relief saisissant quand il écrit : Comme la guerre, l'insurrection armée est un art. Voici quelques règles principales que Marx a données à cet art :

- Ne jamais jouer avec l'insurrection et, quand on la commence, être bien pénétré de l'idée qu'il faut marcher jusqu'au bout ;

- Rassembler, à l'endroit décisif, au moment décisif, des forces de beaucoup supérieures à celle de l'ennemi, sinon ce dernier, mieux préparé et mieux organisé, anéantira les insurgés ;

- L'insurrection une fois commencée, il faut agir avec la plus grandes décision et passer absolument, coûte que coûte, à l'offensive. "La défensive est la mort de l'insurrection armée" ;

- Il faut s'efforcer de prendre l'ennemi au dépourvu, de saisir le moment où ses troupes sont dispersées ;

- Il faut remporter chaque jour des succès, même peu considérables (on peut dire : à chaque heure, quand il s'agit d'une ville), en gardant à tout pris l'avantage moral ;

 Marx a résumé les enseignements de toutes les révolutions sur l'insurrection armée en citant le mot de "Danton, le plus grand maître de la tactique révolutionnaire que l'histoire ait connu : de l'audace, de l'audace, toujours de l'audace." (LENINE, Oeuvres choisies, Tome II, Editions en langue étrangère, Moscou, 1941).

 

Edward Mead EARLE, article LENINE, TROTSKI, STALINE : La guerre selon les Soviétiques dans Les maîtres de la stratégies, Bibliothèque Berger-Levrault, collection Stratégies, 1982. Anthologie Mondiale de la Stratégie, LENINE, extraits : La révolution de 1905, Les tâches des détachements de l'armée révolutionnaire (octobre 1905), Lettres de loin (octobre 1917). (On consultera les Oeuvres choisies, notamment les tomes II, VII et VIII), TROTSKI, extraits : L'organisation de l'armée rouge (Ma vie, chapitres XXXIII, XXXIV et XXXVI, Gallimard, 1953). Pierre DABEZIES, article Guerre révolutionnaire, dans Dictionnaire de stratégie, PUF, 2000.

 

STRATEGUS

 

Relu le 16 juin 2020

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