24 novembre 2009
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Stratégies nucléaires américaines - 1
Les stratégies nucléaires américaines évoluent selon la perception des menaces et les percées technologiques, d'autant plus que les États-Unis se veulent la première puissance impériale du monde. Nous pouvons établir une chronologie, ou plutôt une logique historique - quoiqu'en la matière l'ouverture d'archives encore secrètes peuvent changer parfois les données de la vérité historique - de cette évolution, du monopole nucléaire de 1945 à une sorte de marginalisation de l'instrument atomique d'aujourd'hui.
Les stratégies nucléaires américaines évoluent selon la perception des menaces et les percées technologiques, d'autant plus que les États-Unis se veulent la première puissance impériale du monde. Nous pouvons établir une chronologie, ou plutôt une logique historique - quoiqu'en la matière l'ouverture d'archives encore secrètes peuvent changer parfois les données de la vérité historique - de cette évolution, du monopole nucléaire de 1945 à une sorte de marginalisation de l'instrument atomique d'aujourd'hui.
Si nous nous attardons sur cette évolution, c'est surtout pour comprendre comment différents éléments internes et externes aux États-Unis, diplomatiques, technologiques, politiciens, économiques... ont pu déterminer la stratégie déclaratoire. On pourrait faire une étude sur les éléments de certaines courses aux armements antérieures à la Seconde Guerre Mondiale, et sans doute, les futures évolutions de la stratégie mettent en jeu également des éléments aussi divers, dans une logique conflictuelle et qui peut paraître sur le moment extrêmement chaotique. Aussi, ce que les auteurs découvrent en étudiant les méandres des stratégies nucléaires, on pourrait sans doute également le retrouver pour des stratégies qui ne concernent pas ou concernent marginalement des armements nucléaires. L'importance des stratégies nucléaires résident dans le fait que ce sont les premières stratégies véritablement mondiales.
Après 1945, l'arme de destruction massive est perçue, si nous suivons Lucien POIRIER, comme l'arme décisive et "cette interprétation suffit pour que la stratégie militaire soit désormais pensée à partir et en fonction d'elle et d'elle seule. Par contamination, la politique générale doit se plier à cet invariant : désormais, elle n'est plus libre de ses choix". Malgré ce monopole, les États-Unis ne peuvent endiguer l'avancée soviétique, notamment en Europe entre 1945 et 1949. Dans cette période, suivant Alain JOXE, "où s'organise de l'irréversible, ce sont les effets des représentations séparées des deux camps plutôt que les calculs sur l'interaction stratégique qui vont créer des délimitations sur le terrain ; ce sont les institutions politiques qui vont engendrer des doctrines, tandis que les militaires poussent toujours à la création de nouvelles armes, des systèmes tactiques, alors que la stratégie nucléaire n'est pas élaborée."
Une des conditions, écrit aussi le théoricien, "pour que toute la philosophie de la guerre opérationnelle se fige en théorie logistique, c'est que les passages d'une échelle à l'autre, du tactique à l'opérationnel et de l'opérationnel au stratégique, soient sous-tendus par une statistique. Quelque raisonnement comptable doit exiger la multiplication des armes, "la croissance" à tous les niveaux de l'action. Ce raisonnement, à la fois logistique et opérationnel, c'est le ciblage, soit l'affectation d'une arme à une ou plusieurs cibles, la mise en mémoire d'un processus logistique industriel de "production-transport-mise en place-consommation/destruction". Le ciblage permet d'imaginer le territoire ennemi comme la "demande du marché". Une demande qu'on peut mettre en forme et multiplier. Le raisonnement en question peut être formellement tactique, mais il est d'importance stratégique si l'arme est rare et décisive : opérationnel si l'arme est assez courante et décisive ; purement tactique si l'arme est banalisée pour le champ de bataille et équipe toutes les unités de base.
Le débat sur l'arme nucléaire, au départ à peine distinct d'un débat tactique, dans la pénurie, s'est déployé sur toutes ces articulations d'échelles en 1945 et 1954." Dans la mise au point et la mise sur le terrain des armes nucléaires, les rivalités entre les différentes armes (air, terre, mer) jouent un grand rôle : le Strategic Air Command (SAC), en raison d'une prééminence de l'Air Force impose un déploiement du stock de bombes nucléaire d'abord sur les bombardiers. Alain JOXE y voit un "défaut logique originel de la stratégie nucléaire américaine". Les armements proviennent de la demande interne des armées. Ce n'est qu'en 1948, pendant le blocus de Berlin (1947-1949), que les plans d'emploi sont officiellement confiés aux militaires et que la décision d'emploi est réservée au Président. Pour bien comprendre, nous le disons en passant, les préoccupations américaines, il faut savoir que dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, c'est le versant atlantique (de l'Océan Atlantique) de leur diplomatie et de leur défense qui aura, jusque dans les années 1980 où la donne commence à changer, l'absolue priorité, faisant passer en second leur versant pacifique (de l'Océan Pacifique), même d'ailleurs pendant la guerre du VietNam.
C'est à la suite de ce blocus de Berlin et de la guerre de Corée en 1950, que se renforce le sentiment de l'existence d'un seuil nucléaire - contre l'avis d'une partie de l'état-major américain - en-dessous duquel l'utilisation des armes nucléaires semble inenvisageable. Le premier concept de dissuasion nucléaire, la doctrine des représailles massives est formulée par d'administration EISENHOWER.
"Tenant compte de la nouvelle problématique stratégique, l'administration EISENHOWER-FOSTER DULLES révise sa politique de défense. En février 1952, à Lisbonne, on a fixé le programme du réarmement occidental et la contribution des Européens au système conventionnel constituant le "bouclier". Avec "l'épée", les bombardiers du SAC postés à la périphérie du sous-continent soviétique, étaient mis en place les moyens de la stratégie du containment. Mais l'Europe se révèle incapable d'édifier le bouclier défini à Lisbonne pour "décourager toute velléité d'agression". Pour pallier ces carences, les principes d'un "new-look stratégique" sont formulés (...) en 1954 : "La défense locale (en Europe) sera toujours importante (avec les forces conventionnelles). Mais il n'existe pas de défense locale qui, seule, puisse contenir la puissante force terrestre du monde communiste. Les moyens de défense locaux doivent être renforcés par le moyen de dissuasion à l'agression supplémentaire que constitue la faculté d'exercer des représailles massives". (Lucien POIRIER). Dans la formulation, les États-Unis n'opposent jamais doctrine à doctrine, ils semblent procéder par empilement, et même par chevauchements de capacités nucléaires : aux bombardiers stratégiques s'ajoute un premier sous-marin nucléaire fin 1954.
Selon Lucien POIRIER, "la liberté d'action que leur supériorité nucléaire procure aux Américains demeure toute théorique. Elle ne lève pas toutes les incertitudes sur le seuil de nucléarisation. La doctrine des représailles massives est ambiguë et conservera à jamais cette tache originelle aux conséquences politiques incalculables. Elle combine en effet la dissuasion et la défense réelle, la menace des représailles et la capacité de résistance du bouclier classique sans qu'on puisse dire où et quand l'échec de la défense justifierait l'exécution de la menace. Faute de pouvoir déterminer a priori le lieu, le moment et le type d'agression qui appelleraient la riposte nucléaire, on pose la règle suivante : insuffisantes pour une défense victorieuse devant un adversaire supérieur, les forces conventionnelles alliées reçoivent pour mission de contraindre, par leur résistance, à lancer et développer une attaque majeure. Attaque ipso facto dénuée d'équivoque : révélant ses visées lointaines, elle justifierait la massive retaliation. Bouclier et épée assument les fonctions complémentaires dont la résultante devrait être l'effet dissuasif : un candidat agresseur rationnel ne saurait se lancer dans l'aventure sachant que, pour envahir et conquérir l'Europe occidentale, il devrait opérer de telle sorte que son offensive, dévoilant son projet politique, appellerait tôt ou tard la réaction nucléaire américaine."
Après 1945, l'arme de destruction massive est perçue, si nous suivons Lucien POIRIER, comme l'arme décisive et "cette interprétation suffit pour que la stratégie militaire soit désormais pensée à partir et en fonction d'elle et d'elle seule. Par contamination, la politique générale doit se plier à cet invariant : désormais, elle n'est plus libre de ses choix". Malgré ce monopole, les États-Unis ne peuvent endiguer l'avancée soviétique, notamment en Europe entre 1945 et 1949. Dans cette période, suivant Alain JOXE, "où s'organise de l'irréversible, ce sont les effets des représentations séparées des deux camps plutôt que les calculs sur l'interaction stratégique qui vont créer des délimitations sur le terrain ; ce sont les institutions politiques qui vont engendrer des doctrines, tandis que les militaires poussent toujours à la création de nouvelles armes, des systèmes tactiques, alors que la stratégie nucléaire n'est pas élaborée."
Une des conditions, écrit aussi le théoricien, "pour que toute la philosophie de la guerre opérationnelle se fige en théorie logistique, c'est que les passages d'une échelle à l'autre, du tactique à l'opérationnel et de l'opérationnel au stratégique, soient sous-tendus par une statistique. Quelque raisonnement comptable doit exiger la multiplication des armes, "la croissance" à tous les niveaux de l'action. Ce raisonnement, à la fois logistique et opérationnel, c'est le ciblage, soit l'affectation d'une arme à une ou plusieurs cibles, la mise en mémoire d'un processus logistique industriel de "production-transport-mise en place-consommation/destruction". Le ciblage permet d'imaginer le territoire ennemi comme la "demande du marché". Une demande qu'on peut mettre en forme et multiplier. Le raisonnement en question peut être formellement tactique, mais il est d'importance stratégique si l'arme est rare et décisive : opérationnel si l'arme est assez courante et décisive ; purement tactique si l'arme est banalisée pour le champ de bataille et équipe toutes les unités de base.
Le débat sur l'arme nucléaire, au départ à peine distinct d'un débat tactique, dans la pénurie, s'est déployé sur toutes ces articulations d'échelles en 1945 et 1954." Dans la mise au point et la mise sur le terrain des armes nucléaires, les rivalités entre les différentes armes (air, terre, mer) jouent un grand rôle : le Strategic Air Command (SAC), en raison d'une prééminence de l'Air Force impose un déploiement du stock de bombes nucléaire d'abord sur les bombardiers. Alain JOXE y voit un "défaut logique originel de la stratégie nucléaire américaine". Les armements proviennent de la demande interne des armées. Ce n'est qu'en 1948, pendant le blocus de Berlin (1947-1949), que les plans d'emploi sont officiellement confiés aux militaires et que la décision d'emploi est réservée au Président. Pour bien comprendre, nous le disons en passant, les préoccupations américaines, il faut savoir que dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, c'est le versant atlantique (de l'Océan Atlantique) de leur diplomatie et de leur défense qui aura, jusque dans les années 1980 où la donne commence à changer, l'absolue priorité, faisant passer en second leur versant pacifique (de l'Océan Pacifique), même d'ailleurs pendant la guerre du VietNam.
C'est à la suite de ce blocus de Berlin et de la guerre de Corée en 1950, que se renforce le sentiment de l'existence d'un seuil nucléaire - contre l'avis d'une partie de l'état-major américain - en-dessous duquel l'utilisation des armes nucléaires semble inenvisageable. Le premier concept de dissuasion nucléaire, la doctrine des représailles massives est formulée par d'administration EISENHOWER.
"Tenant compte de la nouvelle problématique stratégique, l'administration EISENHOWER-FOSTER DULLES révise sa politique de défense. En février 1952, à Lisbonne, on a fixé le programme du réarmement occidental et la contribution des Européens au système conventionnel constituant le "bouclier". Avec "l'épée", les bombardiers du SAC postés à la périphérie du sous-continent soviétique, étaient mis en place les moyens de la stratégie du containment. Mais l'Europe se révèle incapable d'édifier le bouclier défini à Lisbonne pour "décourager toute velléité d'agression". Pour pallier ces carences, les principes d'un "new-look stratégique" sont formulés (...) en 1954 : "La défense locale (en Europe) sera toujours importante (avec les forces conventionnelles). Mais il n'existe pas de défense locale qui, seule, puisse contenir la puissante force terrestre du monde communiste. Les moyens de défense locaux doivent être renforcés par le moyen de dissuasion à l'agression supplémentaire que constitue la faculté d'exercer des représailles massives". (Lucien POIRIER). Dans la formulation, les États-Unis n'opposent jamais doctrine à doctrine, ils semblent procéder par empilement, et même par chevauchements de capacités nucléaires : aux bombardiers stratégiques s'ajoute un premier sous-marin nucléaire fin 1954.
Selon Lucien POIRIER, "la liberté d'action que leur supériorité nucléaire procure aux Américains demeure toute théorique. Elle ne lève pas toutes les incertitudes sur le seuil de nucléarisation. La doctrine des représailles massives est ambiguë et conservera à jamais cette tache originelle aux conséquences politiques incalculables. Elle combine en effet la dissuasion et la défense réelle, la menace des représailles et la capacité de résistance du bouclier classique sans qu'on puisse dire où et quand l'échec de la défense justifierait l'exécution de la menace. Faute de pouvoir déterminer a priori le lieu, le moment et le type d'agression qui appelleraient la riposte nucléaire, on pose la règle suivante : insuffisantes pour une défense victorieuse devant un adversaire supérieur, les forces conventionnelles alliées reçoivent pour mission de contraindre, par leur résistance, à lancer et développer une attaque majeure. Attaque ipso facto dénuée d'équivoque : révélant ses visées lointaines, elle justifierait la massive retaliation. Bouclier et épée assument les fonctions complémentaires dont la résultante devrait être l'effet dissuasif : un candidat agresseur rationnel ne saurait se lancer dans l'aventure sachant que, pour envahir et conquérir l'Europe occidentale, il devrait opérer de telle sorte que son offensive, dévoilant son projet politique, appellerait tôt ou tard la réaction nucléaire américaine."
A l'intérieur d'une période relativement floue car ne correspondent pas les stratégies déclaratoires et les capacités réelles de frappe du territoire soviétique, de 1953 à 1957 ou jusqu'à 1961 ou même jusqu'à 1967..., en 1956 s'instaure une délégation de la décision d'emploi de l'arme nucléaire aux unités combattantes. Alain JOXE analyse là une tentation de la "préemption" : "Entre 1954 et 1961, 90% de l'arsenal nucléaire se trouva ainsi placé sous contrôle militaire direct (...). (Un document d'orientation des bases de la nouvelle politique de défense) lance également un programme important de protection et d'alerte autour du territoire des États-Unis, alors pratiquement sans système d'alerte, afin de neutraliser la pénétration éventuelle des bombardiers soviétiques, mais si l'accent est mis sur le développement du SAC comme instrument de la "représaille massive", cette option s'accompagne du développement d'une grande variété d'armes nucléaires tactiques, définies comme "des munitions tout aussi utilisables que n'importe quelle arme".". Cette distribution étonnante s'inscrit dans un débat en 1953-1954 sur l'éventuelle nécessité de lancer une attaque préventive contre l'URSS.
Les avancées soviétiques en matière d'armement ou de technologie (missiles, satellite artificiel) amène une perception d'une obsolescence de la doctrine de représailles massives et de l'avènement d'un champ de bataille nucléaire. Cette doctrine officielle des représailles massives est de plus en plus critiquée aux États-Unis alors qu'elle satisfait les partenaires européens de l'OTAN. Après cette percée soviétique, les experts américains scrutent le danger des missiles soviétiques et ouvrent la discussion sur l'équilibre de la terreur.
Cette discussion, ouverte dès 1956 par la Rand Corporation "débouche sur un retentissant article d'Albert WOHLSTETTER (1913-1997) en 1959. Partant de concepts qui se se sont peu à peu précisés - première frappe désignant l'initiative nucléaire d'un parti ; seconde frappe ou réplique nucléaire de l'autre ; stratégies contre-forces, contre-cités, contre-ressources ou valeurs nommant les objectifs sur le sol adverse, (il) pose un principe : l'invulnérabilité des forces de représailles (seconde frappe) de chacun devant une attaque surprise (première frappe contre-forces) de l'autre (...) est la condition nécessaire de la dissuasion réciproque, de la stabilité de l'équilibre de la terreur qui le fonde." (Lucien POIRIER). Ces débats théoriques débouchent en 1960, sous l'administration KENNEDY, sur la doctrine de la flexible response,
"La riposte graduée se veut moins un mode stratégique qu'une attitude d'esprit devant les problèmes de défense globale américaine : on refuse l'apriorisme au profit d'une constante disponibilité intellectuelle et d'une souplesse des moyens permettant d'adapter la stratégie militaire aux demandes concrètes et variées d'une politique mondiale contingente par nature."
Dans ce débat, les alliés des États-Unis se manifestent constamment, et pour compenser ce missile gap craint par l'opinion publique (bien travaillée par les experts du complexe militaro-industriel...), le gouvernement EISENHOWER déploie en Europe des missiles stratégiques à portée intermédiaire, à partir de 1958, et le gouvernement KENNEDY continue ce déploiement jusqu'en 1963. Ces IRBM verrouille la solidarité transtlantique, du point de vue américain.
"La riposte graduée se veut moins un mode stratégique qu'une attitude d'esprit devant les problèmes de défense globale américaine : on refuse l'apriorisme au profit d'une constante disponibilité intellectuelle et d'une souplesse des moyens permettant d'adapter la stratégie militaire aux demandes concrètes et variées d'une politique mondiale contingente par nature."
Dans ce débat, les alliés des États-Unis se manifestent constamment, et pour compenser ce missile gap craint par l'opinion publique (bien travaillée par les experts du complexe militaro-industriel...), le gouvernement EISENHOWER déploie en Europe des missiles stratégiques à portée intermédiaire, à partir de 1958, et le gouvernement KENNEDY continue ce déploiement jusqu'en 1963. Ces IRBM verrouille la solidarité transtlantique, du point de vue américain.
Suivant Alain JOXE, "l'intérêt des IRBM Thor et Jupiter pour les pays européens qui les hébergeaient, et pour l'Alliance en général, est que leur présence (...) était nécessaire à la défense des États-Unis eux-mêmes ; leur déploiement correspondait donc à un service efficace rendu par les Européens aux Américains dans la défense du monde libre".
La rationalisation du ciblage stratégique par la création du SIOP (Single Integrated Operation Plan) effective en 1962, qui coordonne les activités jusque là séparées des différentes armes, pousse jusqu'à la caricature la mise en pratique de la nouvelle doctrine, elle-même appelée à évoluer en doctrine de dissuasion graduée. Car à travers ce déploiement, c'est bien la capacité de mener une guerre nucléaire limitée qui est mise en place.
La rationalisation du ciblage stratégique par la création du SIOP (Single Integrated Operation Plan) effective en 1962, qui coordonne les activités jusque là séparées des différentes armes, pousse jusqu'à la caricature la mise en pratique de la nouvelle doctrine, elle-même appelée à évoluer en doctrine de dissuasion graduée. Car à travers ce déploiement, c'est bien la capacité de mener une guerre nucléaire limitée qui est mise en place.
A la fin des années 1950, une nouvelle génération d'intellectuels managers, civils, logiciens-stratèges, se met à commenter la stratégie nucléaire et élabore un "instrument métaphorique unifié qui n'est autre que la théorie des jeux" (Alain JOXE). Thomas SCHELLING (né en 1921) et Herman KAHN (1922-1983) sont les plus connus de ces théoriciens. "La théorie des jeux a servi de médiation idéologique à la fois à la relance de la course aux armements et à son "contrôle". Cependant, elle a surtout eu une valeur heuristique et pédagogique. Les principaux auteurs créatifs de l'ère kennedienne l'ont utilisée de cette manière, pour poser des problèmes, non pour en résoudre". Ce qui en ressort, c'est une théorie de l'escalade, avec des crises et des paliers, une échelle de conflictualité, où la menace ou l'utilisation de l'armement nucléaire a toute sa place.
Alain JOXE, Le cycle de la dissuasion, La Découverte/FEDN, 1990. Lucien POIRIER, Des stratégies nucléaires, Complexe, 1988.
STRATEGUS
Alain JOXE, Le cycle de la dissuasion, La Découverte/FEDN, 1990. Lucien POIRIER, Des stratégies nucléaires, Complexe, 1988.
STRATEGUS
Relu le 24 juillet 2019