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1 décembre 2009 2 01 /12 /décembre /2009 14:40
            Le Dictionnaire de géopolitique définit la territorialité comme le concept générique qui regroupe "tout ce qui a trait à l'espace comme facteur des comportements géopolitiques". "A cet égard, pour tout pays, comme pour toute construction politique, une esquisse de sa morphogenèse territoriale s'impose. Pour chaque acteur du champ géopolitique, il convient de dresser un bilan territorial : étapes de la formation du territoire, zone initiale d'impulsion de la construction politique (...), acquisitions consolidées, acquisitions et pertes provisoires, pertes définitives.
Aymeric CHAPRADE et François THUAL poursuivent : "La territorialité d'un pays ne ressort pas seulement de ce qui a été, mais aussi de ce qui aurait pu être. L'ensemble de ces gains et pertes sur la longue durée forme le socle à partir duquel l'analyse géopolitique peut ensuite s'élaborer." En fin de compte, toute analyse géopolitique solide doit s'appuyer sur ce premier bilan. Toute compréhension de l'activité d'un acteur géopolitique ne peut faire l'économie de cette connaissance proprement historique.
Depuis que le monde se construit à partir d'entités sédentaires, ce qui ne serait pas nécessaire avec des populations nomades en constant déplacement et qui couvrent de grandes étendues sans y revenir, est indispensable pour comprendre quoi que ce soit à une actualité parfois perturbante, et qui a souvent plus de répercussions sur la vie quotidienne des peuples que peut le faire penser les informations intermittentes qu'ils en reçoivent.
     Après ce bilan territorial, "l'analyse de la territorialité doit se centrer sur les menaces diverses pesant sur l'intégrité territoriale et sur leurs motifs, ainsi que sur les ambitions concernant les territoires voisins". L'hétérogénéité des populations présentes sur un même territoire définit politiquement, majoritaire comme minoritaires, pose la question de la représentation qu'en ont les peuples. "L'identitaire sacralise le territoire et le territoire sacralise l'identité. Cette démarche est universelle et s'est généralisée au XXe siècle avec le modèle d'État-nation véhiculé par le monde occidental."

           La territorialité renvoie bien entendu au territoire, dont Claude RAFFESTIN tente d'établir les caractéristiques dans une géographie du pouvoir. L'espace qui précède le territoire - avant la venue de ceux qui le désigne par le nom de leur pays - est un "lieu ou un champ des possibles".
Il y a en outre "autant d'images territoriales qu'il y a de visées intentionnelles différentes." Le système territorial comporte différents éléments. "Les individus ou les groupes occupent des points dans l'espace et se distribuent selon des modèles qui peuvent être aléatoires, réguliers ou concentrés. Ce sont, en partie, des réponses possibles au facteur distance et à son complément, l'accessibilité. La distance pouvant être appréhendée en termes purement spatiaux (distance physique ou géographique), temporels, psychologiques ou économiques. La distance intéresse l'interaction entre les différents lieux. Interactions politique, économique, sociale et culturelle qui résultent de jeux d'offres et de demandes émanant des individus et/ou des groupes. Cela conduit à des systèmes de maillages, de noeuds et de réseaux qui s'impriment dans l'espace et constituent en quelque sorte le territoire. Non seulement, il se réalise une différenciation fonctionnelle, mais encore une différenciation commandée par le principe hiérarchique qui contribue à ordonner le territoire selon l'importance accordée par les individus et/ou les groupes à leurs diverses actions."
   "Le maillage territorial peut comporter des niveaux. Ces niveaux sont déterminés par des fonctions qui doivent se réaliser dans chacune de ses mailles. Selon l'importance et la nature des fonctions laissées à chaque niveau, on pourra parler de centralisations ou de décentralisations. A cet égard, la finesse du maillage est ambiguë si l'on ne tient pas compte des objectifs. En effet, un maillage à plusieurs niveaux peut avoir pour objectif d'assurer le fonctionnement optimal d'activités pour la population, ou peut avoir pour objectif d'assurer le contrôle maximal de la population. (...) Il faut distinguer le maillage voulu du maillage subi par le groupe. Le maillage "voulu" est celui qui tente d'optimaliser le champ opératoire du groupe, tandis que le maillage "subi" est celui qui tente de maximiser le contrôle sur le groupe. La limite n'a donc pas du tout la même signification dans l'un ou l'autre cas. Dans les deux cas, le maillage est pourtant la projection d'un système de limites ou de frontières plus ou moins institutionnalisées (...). Ce maillage est toujours une grille du pouvoir ou d'un pouvoir. L'échelle du maillage détermine l'échelle des pouvoirs. Il y a des pouvoirs qui peuvent intervenir à toutes les échelles et ceux qui sont limités à des échelles données. Finalement, le maillage exprime l'aire d'exercice des pouvoirs ou l'aire de capacité des pouvoirs."
   Nous pouvons ajouter que ce maillage peut-être réel ou imaginaire, dans l'esprit de ceux qui l'établissent comme dans l'esprit de ceux qui le subissent. Il est essentiel pour un pouvoir qui n'a pas les moyens de contrôler tout et partout mais qui voudrait obtenir les effets économiques, politiques ou religieux de ce contrôle, nous ne développerons pas ici, mais c'est important, que les gens aient le sentiment que le maillage est constant et serré. D'où la nécessité des promenades des souverains dans leur royaume, plus ou moins fréquentes et plus ou moins déléguées, comme des processions religieuses pour les différentes autorités religieuses. L'exercice de l'autorité en dépend. Le souvenir du passage du roi perpétue en quelque sorte sa loi, même dans les territoires les plus reculés.

        C'est plus concrètement que François FOURQUET et Lion MURARD analyse le territoire, prenant appui directement sur l'histoire des villes, et tentent d'établir une généalogie des inscriptions territoriales. Pour eux, l'inscription territoriale n'est pas un concept, "c'est l'indice d'un problème qui renvoie d'une part à la puissance d'inscription, l'instance dominatrice, l'État, le capital, qui marque un quelque chose qui désormais s'enregistre comme territoire. C'est d'une part une façon de s'empêcher de considérer dès le départ que le territoire n'est qu'une surface passive où se projettent telle ou telle instance sociale ou politique. Autrement dit, restituer, si cela est possible, la dimension spécifique où évoluent les villes."
    Les auteurs de cette étude parcourent ainsi successivement l'émergence des premières villes dans l'Orient pour comprendre ce qu'est un territoire despotique (État organisant l'irrigation et l'utilisation de l'eau comme force motrice et qui prend la responsabilité de la surveillance des dépôts de nourriture), ce que sont les cités grecques et les grands empires antiques. Quels rôles aussi remplissent des religions comme l'Islam, des organisations sociales comme la féodalité dans la pérennité des villes. Comment s'organisent les cités-États et la monarchie absolue. Comment le capitalisme industriel construit le réseau des villes, dans l'indifférence à peu près complète de l'ancien réseau, prenant comme axe les lieux de ressources exploitables et comme lien entre les nouveaux points de pouvoir, le chemin de fer. Il s'agit pour eux de poser différents éléments qui rentrent dans la composition du territoire, des origines à nos jours.

François FOURQUET et Lion MURARD, Les équipements du pouvoir, Recherches n°13, Union Générale d'Editions, 10/18, 1976. Claude RAFFESTIN, Pour une géographie du pouvoir, Librairies techniques (LITEC),  collection Géographie économique et sociale, 1980. Aymeric CHAUPRADE et François THUAL, Dictionnaire de géopolitique, Ellipses, 1999.

                                                     STRATEGUS
 
 
Relu le 21 septembre 2019
           
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