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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 13:43

       La théorie des jeux, qui s'est imposée dans la seconde moitié du XXe siècle comme un outil majeur pour la praxéologie, au sens de relation entre stratégie et politique, se propose d'étudier des situations (appelées jeux) où des individus (les joueurs) prennent des décisions, chacun étant conscient que le résultat de son propre choix (ses gains) dépend de celui de autres. C'est une théorie dite parfois de la décision en interaction. Elle est présentée, dès ses oriengines, par John Von NEUMANN (1903-1957) entre 1928 et 1941, comme une branche des mathématiques, dont l'application peut se faire à énormément de domaine... et pour énormément d'objectifs, soit descriptifs, soit (de manière parfois camouflée) prescriptifs. Elle se fonde sur l'existence d'acteurs rationnels qui agissent suivent une rationalité constante selon des calculs de probabilités corrigés au fur et à mesure de l'action. Mais à l'origine, le fondateurs de la théorie des jeux la concevait surtout comme un instrument pour les sciences physiques et sociales, ces dernières se trouvant selon eux dans un état comparable à celui de la physique d'avant Newton.

Von NEUMANN est surtout connu pour ses recherches sur les fondements mathématiques de la mécanique statistique (théorème ergotique) et de la mécanique quantique. il s'est distingué comme l'un des pionniers de la science de l'information sous toutes ses formes et a contribué à la clarification conceptuelle de la programmation des ordinateurs et à la théorie des automates. Au côté d'Abraham WALD, il est l'un des fondateurs de l'économie mathématique moderne. Sa rencontre en 1939 avec Oscar MORGENSTERN (1902-1977), plus préoccupé par les sciences sociales que par les sciences physiques, permettent des recherches qui donnent l'ouvrage majeur de référence, Theory of Games ans Economic Behavior (1944). ce livre expose les bases mathématiques de la théorie moderne des jeux et en développe diverses applications dans le cadre de problèmes relatifs à l'économie et à l'organisation sociale. Le Handbook of Game Theory, publié dans les années 1990, sous la direction de R J AUMANN et S HART établit un bilan détaillé de diverses applications de la théorie des jeux. 

 

     L'objectif fondamental de la théorie des jeux est d'expliquer comment chacun des acteurs détermine sa stratégie (aspect positif), ou devrait la déterminer (aspect normatif), en fonction des "règles du jeu", de l'information dont il dispose, et plus généralement des idées qu'il se fait des choix du ou/et des autres joueurs et de leurs conséquences. Le cas théorique le plus simple, et par conséquent celui dont l'étude s'impose comme une première étape de référence, est celui où chaque joueur connait parfaitement toutes les stratégies de tous et leurs résultats, et où le choix des stratégies s'effectue simultanément, sans communication préalable entre les joueurs. On dit alors que le jouée est "simultané à information complète". Pareille situation est presque toujours une abstraction, pour des raisons comparables à celles que donneClausewitz en expliquant pourquoi la guerre réelle n'est jamais un seul coup sans durée. Mais, comme souvent dans les sciences, une abstraction judicieuse peut constituer une bonne base de départ pour la discussion de situations "réelles". Au cours des dernières décennies, les théoriciens ont beaucoup approfondi l'étude des jeux sous "forme développée". On introduit alors explicitement le fait que la "partie" se déroule dans une durée (et donc au-delà des éventuelles manoeuvres psychologiques préalables au choix d'une stratégie), que chacun des protagonistes intervient à plusieurs reprises et évalue imparfaitement les actions des autres et les conséquences, pour lui et les autres, des choix effectués à chaque étape. Certaines de ces difficultés apparaissent déjà pour un jeu aussi simple dans son principe comme dans les règles que le jeu d'échecs, en raison même des limitations de la mémoire humaine, et même, encore à la fin du XXe siècle, de celle des ordinateurs. Elles apparaissent aussi lorsqu'on répète un jeu simultané à information complète, introduisant ainsi la possibilité pour chaque joueur de se déterminer, à chaque étape, en fonction de la mémoire des résultats antérieurs.

  Dans les raisonnements de base de la théorie des jeux, chacun des joueurs ignore la psychologie des autres. Il connait les stratégies possibles des uns et des autres ainsi que le résultat du jeu pour toutest les conclusions envisageables. C'est l'hypothèse de l'information parfaite qui exclut la possibilité pour un joueur de tromper l'autre sur la réalité de son évaluation des résultat, hypothèses qu'il est nécessaire de lever dans certaines situations, mais pas le comportement des partenairs ou adversaires. D'emblée, on perçoit toute la difficulté d'utiliser la théorie des jeux aux relations internationales, notamment lorsque plusieurs acteurs majeurs se trouvent face à face. Cette dernière hypothèses, en matière de diiplomatie doit être obligatoirement levée, c'est même un principe de l'évaluation psychologique des adversaires, dont sont familiers tous les services de renseignements du monde qui se respectent... A vouloir trop rationaliser les calculs de probabilité des adversaires, on risque de se tromper lourdement, la psychologie humaine étant tout sauf entièrement rationnelle...

   La théorie du coeur ou noyau, variante sophistiquée de la théorie des jeux, dont l'origine remonte aux travaux du statiiticien et économiste britannique F Y EDGEWORTH (Mathematical Psychics, 1881) redécouverts par G DEBREU et H SCARF en 1963 (Mathematical Economics, Cambridge University Press, 1983), est censée apporté une réponse à la question fondamentale : comment définir rationnellement le concept de solution d'un jeu? Bien d'autres réponses ont été tentées, sans davantage de succès. L'ambition de faire jouer à la théorie des jeux, dans le domaine de la praxéologie, le rôle que tient la mécanique rationnelle dans les sciences de la nature est certainement vouée à l'échec. la théorie des jeux n'est qu'un instrument, puissant, d'aide à l'analyse et à la réflexion, et sans doute rien de plus. (Thierry de MONTBRIAL)

 

   La théorie des jeux, dans son application dans les relations internationales tendrait à faire oublier la seulement relative rationalité du comportement des acteurs et comporte le danger - et c'est une des raisons du déclin de cette théorie en matières d'applications, ailleurs que dans les sciences naturelles, (son application à l'évolution parait par exemple plus prometteuse) - de poursuivre la réflexion à huis clos, comme si le temps pouvait être suspendu, selon une logique interne qui fait fi de l'existence de celle précisément des autres acteurs dont il s'agit de prévoir les comportements stratégiques... Elle oblige, si l'on veut poursuivre l'exploitation des principes qu'elle met en valeur, la recherche sur la définition même de rationalité, de gains et de pertes (avec des évaluations à court, moyen, long terme relativement ardues à réaliser), dans des cadres où les règles du jeu elles-mêmes peuvent changer (Or précisément, ce sont des règles constantes qui peuvent permettre à la théorie des jeux de bien fonctionner...).

 

Thierry de MONTBRIAL, Théorie des jeux, dans Dictionnaire de la Stratégie, PUF, 2000. Bernard GUERRIEN, Jeux (théorie des), dans Eoncyclopedia Universalis, 2014.

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