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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 16:45

     Le sociologue américain Erik Olin WRIGHT, professeur de sociologie émérite de l'Université du Wisconsin à Madison, entre autres fonctions, qui axe ses travaux sur l'étude des classes sociales, est une figure du marxisme analytique. Il est connu pour diverger du marxisme classique dans sa rupture de la classe ouvrière en sous-groupes de pouvoir diversement tenu et donc divers degrés de conscience sociale. Il introduit de nouveaux concepts pour s'adapter à ce changement de perspective, y compris la démocratie profonde et la révolution interstitielle.

    Erik Olin WRIGHT commence à faire des contributions à la communauté intellectuelle au milieu des années 1970, avec toute une génération de jeunes universitaires radicalisés par la guerre du Vietnam et le mouvement des droits civiques. A l'université du Winsconsin-Madison, il supervise les thèses de nombreux jeunes chercheurs qui ont procédé par la suite à des travaux, devenant des sociologues et des politiciens notables ; dont Wilmot JAMES, César Rodraguez GARAVITO et Vivek CHIBBER. De même, il siège à des comités de thèse des chercheurs qui continuent aujourd'hui d'apporter des contributions considérables dans les domaines de la stratification sociale, de la politique sociale et de l'inégalité : Gasta ESPING-ANDERSEN, Eduardo BONILLA-SILVA, sans oublier le regretté Devah PAGER....

Tout au long de sa carrière, il est sollicité par d'autres universités pour se joindre à leur faculté de sociologie, notamment l'Université d'Harvard en 1981 (tentative échouée par des opposants à ses thèses, comme Daniel BELL,  George HOMANS, Derek BOK, malgré les propositions de nombreux partisans et d'Harrison WHITE, qui respectait le travail de WRIGHT malgré son opposition à l'engagement marxiste). le conflit intellectuel se double toujours d'un conflit "professionnel", surtout dans le milieu universitaire, où tentent de se bloquer des carrières par des manoeuvres qui n'ont rien d'un débat intellectuel...

     Ses travaux ont pour objectif de moderniser le concept marxiste de classe. Il souligne l'importance du contrôle des moyens de production dans la définition d'une classe, pendant que, dans le même temps, il essaie de prendre en compte le cas des salariés qualifiés, s'inspirant dès lors du concept webérien d'autorité. Selon lui, les salariés avec des capacités recherchées sont dans une contradictory class location (terme qu'il utilise dans son livre Classes, difficilement traduisible mais approchant l'expression française de classe contradictoire) parce que, bien qu'ils ne soient pas capitalistes, ils sont plus précieux au propriétaire des moyens de production que les travailleurs moins compétents, le propriétaire des moyens de production essaie donc d'acheter leur loyauté en leur donnant des parts de ses entreprises et en les dotant d'une autorité sur ses collègues de travail. Ainsi les travailleurs qualifiés tendent à être plus proches des intérêts des "patrons" que de ceux des autres salariés.

   Publié en 1997, Class Counts tient une place particulière dans son oeuvre. Travail théorique, mais aussi empirique, cet ouvrage utilise les données collectées dans plusieurs pays industrialisés, y compris les États-Unis. Erik Odin WRIGHT s'attache à décrire les modalités d'un dépassement du capitalisme, en définissant une "boussole de l'émancipation". Dans son ouvrage qui présente cette recherche, publié en français sous le titre Utopie réelles, il s'efforce d'identifier les modalités d'action opératoires pour fonder une plus grande justice sociale et politique, en visant donc des "utopies" qui soient "désirables", "viables" et "faisables". En France, les thèses de ce livre ont été discutées par Jérôme BASCHET.

     Une recherche constante est transcrite dans ses ouvrages successifs, Class, Crisis and the State, London, New Left Books, 1978 ; Classes, London, verso, 1985 ; Interrogating Inequality : Essays on Class Analysis, Socialiism and Marxism, London, verso, 1994 ; Class Counts : Comparative Studies in Class Analysis, Cambridge, Cambridge University Press, 1997 ; Envisioning Real Utopias, London, verso, 2010 ; Understanding class, London, verso, 2015.

 

Erik Odin WRIGTH, Utopies réelles, Paris, La Découverte, collection L'horizon des possibles, 2017 ; Comprendre la classe. Vers une approche analytique intégrée, dans Contretemps, revue de critique communiste n°21, article traduit par Ugo PALHETA, paru d'abord dans la New Left Review en 2009.

Jérôme BASCHET, Quels espaces libérés pour sortir du capitalisme?; A propos d'Utopies réelles, dans EcoRev 2018/I, n°46, Cairn.info.

 

   

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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 08:25

   Un des thèmes sans doute les plus intéressants dans le déroulement de la seconde guerre mondiale, car ayant un enseignement bien au-delà de cette guerre, est la mobilisation des populations. Comment les gouvernements américains, japonais, allemands, italiens et français ont-ils pu (ou au contraire être contrariés) obtenir l'assentiment de populations pourtant encore marqués par les souvenirs de la première guerre mondiale à la participation à la guerre? L'effort de propagande des gouvernements, mâtinée souvent de mensonges d'État, a été particulièrement vif durant cette guerre et maints documentaires en rendent aujourd'hui bien compte. L'image de populations déterminées les unes contre les autres à en découdre, pour des raisons diverses, s'efface alors devant le constat des grandes difficultés qu'ont eu les agences gouvernementales de convaincre les populations de la légitimité de la guerre. Que ce soit en Allemagne, où l'intérêt au départ du soutien aux populations germanophones fut avancé pour le soutien aux actions de l'armée pour envahir des pays limitrophes (de manière concomitante à la répression de toutes les oppositions, de manière radicale), aux États-Unis, où il fallu l'exploitation de l'attaque surprise de Pearl Harbour pour convaincre la population au départ en grande majorité isolationniste, ou en France, où on dû installer une atmosphère de "drôle de guerre", et d'entretien de l'espoir de plier le régime nazi par la diplomatie, pour faire accepter la mobilisation générale, ces documentaires montrent le déploiement sans précédent de tout un appareil de propagande, où sont mis en jeu autant les émotions populaires que les arguments rationnels.

 

     39-45 Le monde en guerre dans les deux "épisodes" La guerre des civils, Angleterre 40-44 (DVD 2 volume 2)

 

La vie dans le Reich, 40-44 (DVD1 volume 3) indiquent de manière contrastée le grand jeu de la mobilisation civile, parallèlement à la mobilisation des armées, menés par les deux gouvernements britannique et allemand.

 

Pour sa part Pourquoi nous combattons? (DVD 7) montre bien la difficile mobilisation de l'opinion américaine en faveur d'une participation ouverte à la guerre. 

 

  

Les documentaire 39-45, quant à lui montre comment le pouvoir japonais emmène tout le peuple dans la guerre (DVD 2 volume 3), comment Hitler mène les Allemands des guerres en faveur des peuples germanophones à une entreprise bien plus vaste de conquête de territoires pour la race supérieures, notion que ne partage en fin de compte pourtant modérément les populations allemandes (DVD 1, volume 5), comment s'organise, entre collaboration des civils et maillage des forces policières et militaires, l'Empire nazi (DVD1, volume 5).

  

 

    Le documentaire Propaganda Kompanien montre combien, à travers les activités des reporters du IIIe Reich, l'information-désinformation sur les combats de la guerre, s'avéra indispensable pour obtenir la collaboration active des populations allemandes aux menées du régime nazi. Ce documentaire de 95 minutes de 2012, réalisé par Véronique LHORME (producteur La cuisine aux images, diffuseur Planète+, RTBF), a été sélectionné au Festival du film d'histoire de Pessac.

Présents sur tous les théâtres d'opération aux côtés de l'armée allemande, les caméraman des Propaganda Kompanien ont traversé la seconde guerre mondiale caméra au poing (payant d'ailleurs un lourd tribut dans leurs rangs). Ils ont rapporté des milliers d'images qui ont maintenu le statut d'archives, utilisées dans un but précis par les responsables du Reich : la propagande. Leur maitrise professionnelle, acquise bien avant leurs confrères des armées des autres pays, leur qualité et leur tournage systématique, font qu'aujourd'hui encore, ces images continuent d'influencer la perception que nous avons du grand conflit armé. Un gros plan est effectué dans ce documentaire sur les parcours de quatre reporters du IIIe Reich (dont le cameraman personnel d'Adolf HITLER, Walter FRENTZ) et sur les mécanismes qui ont hissé l'image au rang d'arme de guerre.

   

   

 

    Le film américain de Edward DMYTRYK Les enfants d'Hitler sorti en 1943, est une adaptation dramatisée de l'enquête journalistique Education for Death de Gregor ZIEMER. Ce métrage de 82 minutes, en noir et blanc, se centre autour des relations entre Karl, jeune allemand, hitlérien et une enseignante de nationalité américaine d'origine allemande, Anna Miller, qui se rencontrent à Berlin, en 1933, entre une école destinée aux enfants des résidents américains et une Horst Wessel Schule, qui la jouxte, où l'on enseigne à de jeunes recrues les rudiments de la propagande nazie. Lorsque la guerre se déclenche en Europe, Ana, considérée désormais comme allemande, est congédiée de l'institution américaine et contrainte de travailler pour le nouveau régime. Avec courage, elle refuse d'obtempérer et sur les recommandations de Karl, devenu lieutenant, est transférée dans un camp de travail. Son e-x-supérieur hiérarchique, le professeur américain Nichols, se lance désespérément à sa recherche... Loin d'une caricature, la description de l'évolution des personnages et des situations, font de ce film une "véritable révélation" selon les archivistes de la RKO. Le réalisateur Edward DMYTRYK, malgré le succès de son film, n'échappe cependant pas aux accusations d'activités communistes en 1948 et est contraint de s'exiler en Angleterre.

Ce film ne doit pas être confondu avec le documentaire - très intéressant par ailleurs - du même nom en Français, de Chanoch ZEEVI, de 59 minutes, sur les témoignages de 5 descendants de nazis figurant parmi les plus influents du régime d'HITLER.

 

    Parmi les livres traitant de l'évolution des populations allemandes pendant la seconde guerre mondiale, nous recommandons celui de Ian KERSHAW, professeur à l'université de Sheffield et membre de la British Academy, et spécialiste de la société allemande sous Hitler, L'opinion allemande sous le nazisme, Bavière 1933-1945, paru aux CNRS Éditions en 1995, réédité plusieurs fois depuis. Cette étude fondamentale a révolutionné la connaissance de l'opinion publique sous le IIIe Reich, alors que persistait l'image d'un peuple unanime avec le régime nazi. Dans une région emblématique, la Bavière, où Adolf Hitler fit ses premières armes, l'histoire indique plutôt un mélange changeant d'inertie, d'adhésion, de peur ou de renoncement. L'auteur s'efforce de répondre aux question entourant les réactions de "l'homme de la rue" aux défilés nazis, au boycott des commerces juifs, aux attaques contre le clergé, à la brutalité des SS et à la répression des opposants, comme à celles des églises, des ouvriers, des classes moyennes, du patronat et de l'aristocratie...

 

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14 mai 2020 4 14 /05 /mai /2020 07:50

    La théorie de la structuration sociale est une théorie sur la création et le maintien des systèmes sociaux qui s'appuie sur l'analyse des structures et des agents, sans donner la primauté à l'un de ces ensembles. Ni l'analyse macrosociologique (qualifiée parfois d'holiste), ni l'analyse microsociologique (plus ou moins proche de l'individualisme méthodologique) n'est suffisante. La théorie vise donc à articuler l'agent et les structures. Issue des travaux du sociologue Anthony GIDDENS, qui en a développé la plupart des aspects dans The Constitution of Society, qui analyse l'intersection des agents et des structures selon 3 axes : la phénoménologie, l'herméneutique et les pratiques sociales. Les partisans de cette théorie ont adopté et élargi cette position (par exemple R. STONES, Structuration Theory : Traditions in Social Theory, New York, Palgrave Macmilian, 2004). Même si la structuration sociale est beaucoup critiquée (parfois d'ailleurs à cause de la recherche d'une "troisième voie" politico-économique), elle est encore utilisée en sociologie contemporaine au début du XXIe siècle (voir Christopher G.A. BRYANT et David JARY, "Coming to terms with Anthony Giddens, dans leur ouvrage Giddens' theory of structuration : A critical appreciation, New York, Routldge, 1991).

 

Une théorie féconde et marquante dans la sociologie contemporaine

  Contrôle des organisations

     Jocelyn HUSSER, Maître de conférences à l'université Bordeaux IV, professeur associé à l'ESCEM, examine surtout l'éclairage que peut apporter la théorie de la structuration dans "le contrôle des organisations". La théorie de la structuration, écrit-t-il, intéresse les sciences de gestion dans la mesure où elle propose un cadre d'analyse fécond intégrant simultanément la structure et l'individu, l'action et l'interaction dans un mouvement dynamique. Son positionnement original lui permet de considérer l'entreprise, l'organisation, non pas comme un lieu figé où la structure formelle agit comme une contrainte, mais comme un lieu de construction, de structuration, un lieu en mouvement perpétuel. La théorie de la structuration instruit ainsi de façon pertinente le champ des sciences de gestion car elle propose un prisme innovant s'intéressant notamment aux processus organisationnels dans leurs aspects complexes intégrant actions, acteurs compétents et mécanismes structurels. Elle présente également l'intérêt d'avancer des propositions de compréhension des changements organisationnels à travers les interactions des acteurs au sein des organisations. Une théorie, indique t-elle, ne peut présenter un intérêt que si elle mobilise des critères permettant de l'ancrer dans les faits empiriques et permettant une opérationnalisation des concepts. Autrement dit, la théorie globale de la structuration de GIDDENS ne "fait ses preuves", que par ses applications dans les domaines les plus divers des sciences sociales, ce qui avait été en son temps le critère principal de "validité" de la réflexion théorique de DURKHEIM sur la société. Et notre auteure s'efforce de confronter cette théorie globale au contexte bien concret, empirique, des organisations. Elle considère que ce courant recherche théorique emmené par GIDDENS est adapté au contexte des organisations, et apporte des arguments dans ce sens.

    Plusieurs auteurs, à la suite des travaux de GIDDENS, suivent sa voie ou les commentent, souvent pour les prolonger.

Pour D. AUTISSIER et F. WACHEUX (Structuration et management des organisations, L'Harmattan, 2000), la théorie de la structuration est une métathéorie de l'action : "en préconisant une résolution par dualité, elle permet d'agencer des données empiriques et théoriques multiples, complexes et même parfois apparemment contradictoires". L'intérêt perçu quant à cette théorie est triple :

- elle ne considère pas l'organisation comme une structure de nature "macro-sociale" de la récursivité de l'action et de la structure ;

- elle ne considère pas l'organisation comme une structure formelle mais comme un lieu de structuration :

- elle permet de combiner de nombreux courants de recherche en sciences humaines et de les organiser en fonction de leur capacité à renseigner la structuration de l'individu, des interactions entre actions et de l'organisation elle-même.

    Pour J. ROJOT (Théorie des organisations, Edition ESKA, 2003), il s'agit avant tout d'une théorie qui se place dans "le cadre de la sociologie politique" ; elle viserait les rapports de l'individu et de la société. Elle présente l'intérêt de relier en un tout cohérent un ensemble d'axes théoriques épars exploités par d'autres chercheurs, axes théoriques signifiants et pertinents par eux-mêmes, mais qui ont du mal à proposer ne articulation évidente permettant une synthèse à propos des organisations." Les concepts fondamentaux intéressant directement les organisations peuvent être recensés en 5 grandes catégories :

- La dualité du structurel est au centre de la construction de GIDDENS. Elle introduit l'idée selon laquelle "les propriétés structurelles des systèmes sociaux sont à la fois des conditions et des résultats des activités accomplies par des agents qui font partie de ces systèmes" (GIDDENS, 1987). Au niveau des organisations, GIDDENS nous incite à prendre en considération la force et la dynamique des systèmes. Les managers ne peuvent agir que par la conscience de l'existence d'une structure, certes évolutive, mais toujours prééminente. La dualité du structurel se caractérise ainsi par sa volonté de lier les niveaux individuel et institutionnel du système étudié. Sa fécondité réside dans l'appropriation simultanée de l'objet et de l'individu par l'interaction. Elle permet un choix d'analyse (structure, interaction, individu) laissant une liberté d'observation pour le chercheur.

- L'importance des rencontres et des interactions dans la théorie de la structuration. Le point de départ est loin de se situer à un plan macro-social puisque ce sont les rencontres quotidiennes qu'ont les acteurs qui permettent aux structures d'évoluer. Selon ROMELAER (2000), elles méritent toute notre attention : "Pour éphémères et banales qu'elles paraissent, elles sont, par leur aspect routinier, des éléments constitutifs de la production des propriétés structurelles des systèmes sociaux". A travers ces rencontres, les routines vivent et perpétuent les propriétés structurelles des systèmes sociaux. Les rencontres sont le fil de l'interaction sociale, la succession ordonnée des engagements avec d'autres personnes dans le cycle quotidien des activités. Pour GIDDENS (1987), ces rencontres "prennent la forme typiques de routines". Cette appréciation intéresse les organisations à condition que le chercheur se situe comme un observateur-participant pour saisir l'éphémère et de façon indirecte la permanence à travers la reproduction sociale. Cette dimension incite à mobiliser la théorie des conventions pour étudier les phénomènes de stabilité et au-delà les conditions et modalités de changement des organisations. Cependant, comme le précise GIDDENS (1987), il s'agit d'une vision, qui devrait être couplée avec les dimensions supérieures d'une institution : "le tissu davantage ramifié des rapports sociaux doit se concevoir également à partir de l'intégration globale et de l'intégration systémique".

- La notion d'acteur compétent établit clairement un statut à l'acteur, c'est-à-dire des cadres et des personnes travaillant dans les organisations. Il ne s'agit ni d'un sujet passif, agi, ni d'un agent économique contraint, au service d'une simple pensée calculatoire, optimisante. Il ne s'agit pas non plus d'un acteur libre au sens de CROZIER et FREIDBERG (1977), jouant avec les règles et les zones d'incertitude. GIDDENS définit une personne comme étant un actant, car les structures sociales contraignent l'action individuelle. En effet, elles sont, pour COCULA et FRÉDY-PLANCHOT (Freins et motivations liés au télétravail chef EDF-GDF ; l'apport de la théorie de la structuration, dans Structuration et management des organisations, sous la direction de AUTISSIER et WACHEUX, L'Harmattan, 2000), les cartes qui définissent le territoire des acteurs. Mais ces derniers sont définis comme compétents car ils sont auteurs de leurs actes, renforçant mais aussi agissant sur la structure. Au final, GIDDENS (1987) leur accorde le passage de statut d'agent à celui d'actant dès lors qu'ils saisissent la capacité de "créer une différence." Ainsi, un agent devient actant s'il gagne la capacité à créer une différence, donc d'exercer un pouvoir.

- La routinisation et l'institutionnalisation : lors du déroulement d'une action, l'actant rechercherait une sécurité ontologique, une autonomie de contrôle avec des routines prévisibles qu'il tenterait d'institutionnaliser par des pratiques connues ou tacites et la recherche du pouvoir. Ce concept fondamental renvoie une fois de plus à un courant de recherche en gestion qui s'accorde sur l'insuffisance d'une seule explication par les superstructures. Il convient aussi de comprendre les phénomènes par les pratiques, les représentations et l'intelligence des acteurs.

- Le contrôle réflexif de l'action. Cette conception s'appréhende également à partir de la conscience de soi des acteurs. Elle représente la capacité de surveiller, contrôler le flot continu de la vie sociale qui se déroule et par là-même la capacité à se situer et s'évaluer. Le contrôle réflexif est inhérent à toute action ; il porte à la fois sur le contrôle personnel de sa propre conduite et sur celui des autres acteurs. Le contrôle réflexif implique une conscience pratique et une conscience discursive des acteurs. Il faut souligner la pertinence de l'apport de GIDDENS pour la gestion dans la mesure où cette dichotomie permet un éclairage nouveau sur les questions des pratiques, des savoirs et des savoir-faire avec un entremêlement des connaissances pratiques quotidiennes tacites et des connaissances scientifiques, plus structurées et apparaissant donc comme beaucoup plus conscientes aux acteurs.

Si GIDDENS, soutient notre auteur, ne s'est intéressé que de façon indirecte aux entreprises, la résonance et la pertinence de ces concepts pour ces organisations sont indéniables. Ils demandent désormais des confrontations empiriques beaucoup plus nombreux que ceux recensés jusqu'à présent.

Dans sa conclusion, il estime que pour atteindre les objectifs qu'elle s'assigne, la gestion mobilise des théories, des courants de recherche appartenant à des discipline connexes comme le droit, l'économie, la sociologie ou la psychologie. "Comme a pu le souligner G. KOENIG (dans Structuration et management des organisations, ibid), Giddens a multiplié les angles de recherche, "un peu à la manière de Gareth Morgan avec ses fameuses images de l'organisation". Pour répondre à ses ambitions, Giddens (de 1987 à 1993) a décidé de recourir à différents moteurs de recherche. Il a ainsi sollicité la linguistique, la sociologie phénoménologique, l'ethnométhodologie, la microsociologie, la psychanalyse, le structuralisme. Il a ouvert des voies de recherche pour les sciences de gestion sans pour autant en indiquer les écueils. Le défi consiste pour le chercheur à agencer plusieurs champs disciplinaires sans pour autant se situer dans une analyse, une pensée syncrétique ou encore choisir une "systématisation englobante" où certains axes théoriques ne sont mobilisés que de façon superficielle, sans lien défini avec les théories réellement exploitées. L'opérationnalisation de la théorie de la structuration ne peut être obtenue qu'au prix d'une démarche contextuelle et d'un agencement mûrement choisi de théories connexes complémentaire. A cette condition, la théorie de la structuration apporte des réponses descriptives et parfois prescriptives à propos de l'évolution des entreprises, des mécanismes organisationnels et humains à l'origine des routines et de leurs évolutions, des conditions et des modalités de changements des structures elles-mêmes." On dénote bien dans cette conclusion, une mise en garde contre une certaine tendance, après une spécialisation poussée dans les sciences sociales, faisant perdre tout sens de la globalité sociale, dans la tentation de reprendre un sens global aux activités, ici des organisations, à faire du syncrétisme, style relier les théories de Raymond BOUDON, proches de l'individualisme méthodologique et bataillant contre le holisme à des théories fortement globalisantes s'y opposant et défendant précisément ce holisme... Mais la recherche, en sociologie comme ailleurs, se défie souvent des frontières épistémologiques pour faire avancer la connaissance...

    Gestion des connaissances

      Amel CHAABOUNI et Imène Ben YAHIA, maître assistantes, l'une à l'Institut des Hautes Etudes Commerciales, l'autre à l'Institut Supérieur de Finances et de Fiscalité, tous deux situés à Sousse en Tunisie,  traitent de l'application de la structuration aux systèmes de connaissance. L'attention, écrivent-elles, portée à la technologie comme source d'avantages concurrentiels inciterait à saisir ce qui se passe "au coeur de l'action", c'est-à-dire ce que les utilisateurs font réellement de la technologie dans leur travail quotidien : que signifie tout cela en pratique ? Qu'il ne faut pas se contenter de consacrer de l'énergie à la seule gestion de la technologie, mais qu'il faut aussi en dégager pour celle de ses usages. Ce qui suppose de prendre au sérieux la différence entre les technologies que nous achetons et l'usage réel qui en est fait (W. ORLIKOWSKI, Using Technology and Constituting Structures : a Practice Lens for Studying Technology in Organizations", dans organization Science, 2000, volume 11, n°4).

Trop souvent, poursuivent-ils, l'organisation se contente de choisir et de mettre en place la "bonne" technologie, sans se soucier de l'usage qui en est fait (MARKUS et ROBEY, 1988). Or, c'est par la gestion des usages que l'organisation contrôlera mieux la performance de ses technologies. Une technologie n'est pas en elle-même rentable, c'est la manière dont on s'en sert qui constitue un avantage concurrentiel (ORLIKOWSKI, JONES et KARSTEN, 2008). Malgré la prise de conscience croissante de la nécessité d'accompagner les usages tout autant que l'implantation des outils, les recherches sur l'utilisation des TIC (Technologies de l'Information et de la Communication) se réduisent souvent à des questions d'accès à la technologie (CONSOLI, 2012 ; PEDRO et collaborateurs, 2012). Toutefois, l'usage dépasse le rapport fonctionnel de l'individu à la technique, il recouvre aussi les comportements, les attitudes et les représentations des individus qui se rapportent directement ou indirectement à l'outil (JONES et KARSTERN, 2009). Les recherches négligent aussi la gestion des connaissances durant l'usage des TCI. Or, la connaissance créée et partagée par les acteurs devrait être convenablement gérée (MCGINNIS et HUANG, 2007).

C'est dans ce sens que les systèmes de gestion intégrés tels que les ERP (Entreprise Resource Planning) connaissent un véritable succès auprès des entreprises (MUNIR et CUENCA, 2003 : PEDRO et collaborateurs, 2012, CHANG et collaborateurs, 2012). Toutefois, cet engouement ne doit pas taire la complexité de ces systèmes ; ils sont considérés comme des outils de gestion qui posent problèmes : ils modifient la structure, explosent les budgets et dépassent les délais (MUNIR et collaborateurs, 2013 ; PEDRO et collaborateurs, 2012). Actuellement, les PME/PMI manquent d'information sur les critères de réussite des projets de mise en place de ces systèmes. De plus, face à la multiplication de l'offre de progiciels, le choix du bon produit devient un véritable casse-tête pour les décideurs.

La théorie de la structuration de GEDDENS (1987) apporte, dans ce cadre, un éclairage à la compréhension de la dynamique liée à l'usage de l'ERP. En effet, elle explique comment, via les usages des TIC, les structures sociales, caractérisées par les propriétés structurelles de signification, de domination et de légitimation, sont affectées (ROJOT, 2010). L'idée essentielle de cette théorie, étant que ces propriétés orientent les activités ; de même les activités à leur tour orientent ces propriétés et leur donnent du sens. Cette rétroaction est au centre de la dualité structurelle (M. S. POOLE, Response to Jones and Karsten, Giddens's structuration theory and information systems research, MIS Quarterly, volume 33, n°3, 2009).

Dès lors, l'objectif de la recherche de nos deux auteures est d'attirer l'attention sur l'importance de la gestion des connaissances lors de l'usage d'un ERP en mobilisant la théorie de la structuration. Plus précisément, il s'agit de montrer comment les propriétés structurelles de signification, de domination et de légitimation, appuyées par les pratiques de gestion de connaissances, favorisent ou inhibent l'usage d'un ERP.

 

Amel CHAABOUNI et Imène Ben YAHIA, Application de la théorie de la structuration aux systèmes ERP : importance de la gestion des connaissances, dans Recherches en Sciences de Gestion, n°96, 2013/3. Jocelyn HUSSER, La théorie de la structuration : quel éclairage pour le contrôle des organisations?, dans Vie et Sciences de l'entreprise, n°183-184, 2010/1-2.

   

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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 14:34

    Revue belge fondée en 1945, dirigée à l'origine par André MOLITOR, héritière de La cité chrétienne fondée par Jacques LECLERCQ, et comme elle indépendante mais d'inspiration catholique et d'orientation progressiste, La Revue nouvelle, ouverte aux intellectuels laïcs, a pour vocation d'être un lieu de réflexion engagée sur la société actuelle, avec un refus de coller à l'événement, donc aux modes du moment, préférant largement se donner le temps de la réflexion autour d'un dossier thématique.

    Ses numéros se structurent autour d'un tel dossier et d'une rubrique "Le Mois" décodant l'actualité du mois précédent la parution. S'y ajoutent un éditorial, un billet d'humeur, des articles divers, une rubrique "Italiques" publiant de la fiction et de la poésie et "Le Livre" proposant des compte rendus de lecture d'ouvrages.

   Paraissant sans discontinuer depuis plus de 70 ans, quoique avec une périodicité changeante (actuellement 8 numéros par an), La Revue nouvelle est une source d'information exceptionnelle sur la société belge et européenne de l'après-guerre.

   Avec un comité de rédaction fourni d'une trentaine de membres, La revue nouvelle poursuit un patient travail d'information et de réflexion qui a déjà une longue histoire.

Familiarisant le public avec des idées nouvelles sur l'organisation et les finalités de l'Église, telles celles de Joseph COMBLIN dans Échec de l'Action catholique? (Paris, 1961), préparant en quelque sorte des idées et des réalisations qui deviendront banales sous Jean XXIII, militant pour l'émancipation du Congo belge, la Revue nouvelle prend également position dès 1966 en faveur d'un rassemblement de progressistes et d'une plus grande autonomie des régions belges de Wallonie et de Bruxelles. Ces positions sont durant un temps défendues par "Trencavel", signature collective d'une équipe politique réunissant notamment Marc DELEPELEIRE (alors rédacteur en chef), Vincent GOFFART, François MARTOU et Michel MOLITOR.

    Jean DELFOSSE, Michel MOLITOR, Théo HACHEZ et Luc Van CAMPENHOUDT se sont succédé à la tête du large comité de direction de la revue. Depuis janvier 2014, elle est dirigée par Thomas LEMAIGRE et Christophe MINCKE. Son rédacteur en chef est Renaud MAES.

    Après une formule rénovée au début de 2008, la Revue a créé en 2013 des blogs destinés à compléter son offre d'information.

  Dans son n°1/2020 de janvier, la revue propose de se pencher sur la façon dont les communautés musulmanes de Belgique, confrontées à la "mise en acte violente d'une lecture idéologique de l'islam" continuent à vivre leur religion après les attentats commis en 2014 et 2016 dans la capitale.

Dans son site Internet, le journal se fait bien entendu l'écho de réflexions sur la crise du Covid-19, avec une série de points de vue, "pas toujours congruents" (Une revue face à la crise).

  

 

La Revue nouvelle, Rue du Marteau 19, 1000 Bruxelles, Site Internet revuenouvelle.be

 

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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 13:04

    Anthony GIDDENS, nommé Lord, donc baron GIDDENS (depuis 2004, précision pour ceux qui aiment les titres de noblesse : cela implique par ailleurs qu'il siège de droit à la Chambre des Lords......), sociologue britannique est l'auteur d'une théorie sur la structuration, qui bat en brèche, peut-on dire, toutes les théories dérivées de l'individualisme méthodologique. Considéré comme l'un des plus importants contributeurs de la sociologie contemporaine, professeur de sociologie à l'université de Cambridge, il est souvent sollicité pour êtres conseiller politique au tournant des années 2000 (Tony BLAIR, Bill CLINTON, Luis Rodriguez ZAPATERO...). Il est en 2013 professeur émérite à la London School of Economics.

   Son oeuvre est généralement présentée comme se déclinant en trois périodes :

- d'abord, il présente une nouvelle vision de ce qu'est la sociologie, en se basant sur une relecture critique des classiques : Capitalism and Modern Social Theory (1971) et New Rules of Sociological Method (1976) ;

- il développe ensuite sa théorie de la structuration, une analyse de l'agent et de la structure, dans laquelle la primauté n'est reconnue à aucun des deux : Central Problems in Social Theory (1979) et Constitution of Society (1984). Ces deux ouvrages lui assurent une renommée internationale.

- il ouvre plus récemment une réflexion sur la modernité, la globalisation et la politique, et en particulier l'impact d'une modernité sur la vie personnelle et sociale. Il formule une critique de la postmodernité, discutant d'une troisième voie "utopique réaliste" en politique, exposée dans The Consequences of Modernity (1990), Modernity and Self-Identity (1991), The Transformation of Intimacy : sexuality, Love and eroticism in modern societies (1992), Beyond Life and Right (1994), The Third Way : The Renewal of Social Democracy (1998).

Son ambition est à la fois de refonder la théorie sociale et de réexaminer notre compréhension du développement et de la trajectoire de la modernité. Il est des intervenants les plus assidus du débat politique au Royaume-Uni, soutenant la politique de centre gauche du Parti travaillistes lors de ses multiples apparition médiatiques, et dans ses nombreux articles, dont beaucoup sont publiés dans le New Statesman. Il contribue aujourd'hui régulièrement à la recherche et aux activités du Think tank de la gauche progressiste Policy Network.

   Auteur de plus de trente livres importants et de centaines d'articles (il est un des plus lis au monde... dans le monde anglophone surtout...), il contribue aux développements notables intervenus dans les sciences sociales au cours des dernières décennies, à l'exception des protocoles de recherche. Il a écrit des commentaires sur la plupart des écoles et des figures dominantes des sciences sociales (notamment WEBER, DURKHEIM...) et a utilisé la plupart des paradigmes sociologiques, aussi bien en microsociologie, qu'en anthropologie, en psychologie, en histoire, en linguistique, en économie, dans le travail social et, plus récemment, en sciences politiques. Il a publié aussi un Manuel de sociologie (Sociology) vendu à plus de 600 000 exemplaires depuis sa première parution en 1988.

Anthony GIDDENS est connu notamment pour sa théorie de la structuration, qui précise le rôle des structures sociales et des agents sociaux, il s'oppose à tout déterminisme, car les agents même les plus conscients agissent dans des structures sociales pré-existantes à eux et aux contours qu'ils ne maitrisent pas. Ni structuraliste ni fonctionnaliste, il combine les apports de diverses écoles : c'est une "dualité de structure" ("la constitution des agents et des structures") qui donne aux systèmes sociaux leur caractère "à la fois contraignant et habilitant" pour les agents sociaux, dont routinisation et socialisation reproduisent les institutions sociales.

 

Anthony GIDDENS, La constitution de la société, PUF, 1987; Les conséquences de la modernité, L'Harmattan, 2000 ; La Troisième voie : Le Renouveau de la social-démocratie, Seuil, 2002 ; La Transformation de l'intimité : Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes, Éditions du Rouergue, 2004 ; Le nouveau modèle européen, Hachette Littératures, 2007.

Jean NIZET, La sociologie de Anthony GIDDENS, La Découverte, collection Repères, 2007. P. RUITORT, Précis de sociologie, PUF, 2004.

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9 mai 2020 6 09 /05 /mai /2020 08:18

    John REX, sociologue britannique d'origine sud-africaine, d'inspiration marxisante, militant de gauche de premier plan dans le monde universitaires en Grande Bretagne, se spécialise dans l'étude du racisme et des préjugés raciaux.

     Radicalisé lors de son travail pour la Saouth African Bantu Affaires Administration avant de déménagé en Grande Bretagne, il est chargé de cours dans les universités de Leeds (1949-1962), Birmingham (1962-1964), Durham (1964-1970), Warwick (1970-1979 et 1984-1990), Aston (1979-1984), puis Toronto (1974-1975), Le Cap (1991) et New York (1996). Membre du Comité International d'experts de l'UNESCO sur le racisme et les préjugés raciaux (1967), il est ensuite président du Comité de recherche sur les minorités raciales et ethniques de l'Association internationale de sociologie (1974-1982).

    Son travail académique implique l'analyse des conflits comme problème clé de la société et de la théorie sociologique. Son livre de 1961, Key Problems of Sociological Theory, est son premier ouvrage majeur où le conflit est plus réalistes que dans les théories fonctionnalistes britanniques passées de l'ordre social et de la stabilité du système. Connu pour ses études sur la race et les relations ethniques, il analyse la tradition classique de la sociologie, avec les travaux de Karl MARX, Georg SIMMEL et Émile DURKHEIM (notamment dans son livre Discovering Sociology de 1973).

   La théorie et la pratique ont toujours pour lui une relation dynamique qui le conduit dans ses recherches et ses commentaires "objectifs". Tant dans ses travaux universitaires que dans son engagement dans la Campagne pour le Désarmement Nucléaire (CND) du Royaume-Uni et dans la Revue de la Nouvelle Gauche. (Herminio MARTINS, Université d'Oxford, 1993)

   John REX a une contribution importante dans le débat sur le multiculturalisme, notion où tous les bords idéologiques apportent leur propre vision. Il est partisan d'un multiculturalisme égalitaire (démocratique), en distinguant deux sphères/domaines de la vie politique : celle de la "culture partagée du domaine public" à laquelle tous les participants dans une société doivent se conformer ; celle du domaine privé, espace des particularités communautaires qui doivent être respectées et même soutenues par les institutions étatiques (Ethnic Minorities in the Modern Nation State : working papers in the theory of multiculturalism and political integration, London, MacMillan, 1996). John REX prône le respect mutuel entre les tenants de la culture commune et les tenants des cultures particulières/ethniques. Sur ce point, il ne se différencie pas de la position de W. RYMLICKS et de C. TAYLOR : il y a dans tous les cas une confiance en la capacité du système démocratique libéral d'absorber de manière créative toutes les déviances d'ordre culturel. (Dimitri PARSANIGLOU, de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris ; Socio-anthropologie, 15/2004).

 

John REX, Race, Colonialism and the City, Routledge, 2013 ; Ethnicité et citoyenneté, La sociologie des sociétés multiculturelles, L'Harmattan, 2006 ; Key Problems of Sociological Theory, Routledge, 2006.

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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 08:50

    Thomas Burton BOTTOMORE, sociologue marxiste britannique, secrétaire de l'Association internationale de sociologie (1953-1959), est un éditeur prolifique et traducteur d'oeuvres marxistes, avec notamment ses collections publiées en 1963, Marx's Early Writings et Seleted Writings in Sociology and Social Philosophy.

Lecteur en sociologie à la London School of Economics de 1952 à 1964, chef du Département de sciences politiques, de sociologie et d'anthropologie à l'Université Simon Fraser de Vancouver de 1965 à 1967, qu'il quitte à la suite d'un différend sur la liberté académique, il est ensuite professeur de sociologie à l'Université du Sussex de 1968 à 1985.

Il exerce une grand influence à travers de nombreuses revues de sociologie et de sciences politiques et est bien connu pour avoir édité en 1983 un Dictionary of Marxist Throught et avec William OUTHWAITE, The Blackwell Dictionary of Twentieth Century Social Thought, publié à titre posthume en 1993.

Il est par ailleurs membre du Parti travailliste britannique.

   Sociologue le plus connu et le plus apprécié de Grande Bretagne, de réputation internationale, il écrit des livres qui rendent accessibles les conceptions marxistes. Il permet à nombres d'érudits de poursuivre des travaux fructueux, sans contraintes dogmatiques. Même des non marxistes aiment à se référer notamment à ses Dictionnaires. Thomas BOTTOMORE garde son calme et sa tempérance même dans le monde surchargé de la sociologie après les révoltes étudiantes de 1968 et les débats théoriques intenses des années 1970. Il défend en particulier le marxisme "démocratique et civilisé" de l'école autrichienne, dont il aime le pays. Il ne croit jamais à "l'extrémisme révolutionnaire violent de certaines composantes de la gauche et est persuadé que le libéralisme économique "de droite" très à la mode dans les années 1980 allait disparaitre.

    L'effort qu'il consacre à son enseignement et à ses recherches ne l'empêche pas d'accepter pendant plusieurs années la tâche très lourde de secrétaire de l'Association internationale de sociologie où il assure la préparation des Congrès d'Amsterdam et de Stresa et trouve ainsi l'occasion de renforcer ses liens avec les Français (en particulier durant la présidence de Georges FRIEDMANN). Ces bonnes relations se concrétisent pas le rôle qu'il joue, en 1960, dans la fondation des Archives européennes de sociologie, aux côtés de Raymond ARON, de Michel CROZIER et de Ralf DAHRENHOF, sous la houlette d'Éric de DAMPIERRE. (Jean René TRÉANTON, Revue français de sociologie, 1994, 35-4, persee.fr)

 

Thomas BOTTOMORE, Theories of Modern Capitalism, Routledge, 2010 (réédition du livre publié en 1985) ; Elites and Society, Routledge, 2006 (seconde édition).

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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 14:51

   Médiacritiques, trimestriel d'Acrimed, parait depuis octobre 2011, pour réaliser une critique des médias quant à leurs objectifs, leur fonctionnement et leur place dans la société. La critique des auteurs qui s'y expriment est une critique explicative (qui s'intéresse à toutes les conditions sociales, économiques, politiques de leur présence), une critique normative (évaluation des transformations et évolutions des médias), intransigeante (indépendante et non intimidée par toutes les formes de pression qu'ils peuvent subir), politique mais non sectaire (ils ne prennent pas parti dans les opinions exprimées mais surtout sur la manière qu'ont les médias de le faire). L'association ACRIMED est elle-même indépendante, démocratique (fonctionnant strictement sur des règles associatives) et critique vis-à-vis des médias dominants. Elle leur oppose le droit à l'information, contre des politiques d'opacité et de "conservation des secrets industriels et financiers), chaque journaliste étant investi de l'injonction de confiance, maitrisant de la rédaction ou du montage des propos qu'il rapport ou qu'il tient lui-même. tout en respectant ses confrères appartenant aux médias critiqués. L'Acrimed, à travers la revue Médiacritiques, mais aussi des multiples publications propres ou qu'elle inspire, s'inscrit dans le fil droit de son Appel pour une action démocratique sur le terrain des médias de 1996. Elle tient beaucoup à rester en liaison étrotite avec une sociologie rigoureuse des médias.

    Concrètement, Acrimed est né du mouvement social de 1995, dans la foulée de l'Appel à la solidarité avec les grévistes. L'idée de l'association, émise dans l'entourage de la revue Esprit et de la CFDT,  est reprise par Henri MALER et Yvan JOSEN (décédé en 2007) qui rédige l'Appel pour une action démocratique sur le terrain des médias. L'association loi 1901, pour remplir les fonctions d'un observatoire des médias, s'est constitué, depuis sa création, comme une association-carrefour.

Elle réunit des journalistes et salariés des médias, des chercheurs et des universitaires, des acteurs du mouvement social et des "usagers" des médias. Parmi les fondateurs les plus actifs de l'association, on relève les noms de Patrick CHAMPAGNE, Yvan JOSSEN, Henri MALER, Éric MARQUIS, Jacques SONCIN et de quelques autres qui désirent garder l'anonymat.

Elle cherche, selon ses propres termes "à mettre en commun savoirs professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants au service d'une critique indépendance, radicale et intransigeante.

    Ses vingt ans sont l'occasion de constater, notamment dans une conjoncture peu propice aux forces de gauche de manière générale et à la sempiternelle querelle d'égos qui règne sur cette partie de l'échiquier politique (qui a coûté entre autres la tentative de fondation d'un nouveau média à la gauche de la gauche...), que la création Acrimed improbable (faire agir des gens si différents...), fragile (recourant souvent à des expédients financiers) tient, se tenant constamment à (grande) distance des luttes politiciennes. Notons que la critique des médias n'est pas une création récente, et le chercheur Stéphane ARPIN considère que son essor va de pair avec l'industrialisation de la presse dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Stéphane ARPIN, La critique des médias à l'ère postmoderne, dans Le Débat, n°138, 2006), sans compter la référence souvent implicite, quel que soit d'ailleurs le bord politique d'où vient la critique (de l'extrême droite à l'extrême gauche), aux multiples écrits contre l'Ancien Régime depuis le XVIIe siècle (presse clandestine). Contre un certain poujadisme et une forme de dénigrement et de défiance envers les médias, Médiacritiques tente, d'une certaine manière de réhabilité le journalisme, notamment le journalisme d'investigation.

    Les ressources d'Acrimed reposent avant tout sur la générosité de ses 2 500 membres et donateurs et donatrices, en plus des ventes du trimestriel (directes en boutique en ligne ou abonnements). A part son directeur de publication officiel Mathias REYMOND (vu la législation), Acrimed compte trois salairé(e)s à plein temps (rédaction et administration), l'essentiel des énergies d'écriture provenant d'une cinquantaine de contributeurs, pratiquement tous occasionnels, suivant les thèmes de la revue.

   Dans son numéro 34, de janvier-mars 2020, Médiacritiques propose une étude sur les journaux télévisés de France 2 du 5 au 31 décembre 2019, pendant la grève des transports. Bilan : la "galère des transports" a accaparé 43% du temps consacré à la réforme des retraites.

 

Médiacritiques, Acrimed, 39, rue du Faubourg Saint Martin, 75010 Paris. Site internet : acrimed.org

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5 mai 2020 2 05 /05 /mai /2020 08:36

   L'économiste américain d'inspiration marxiste Paul M. SWEEZY est également un militant politique, éditeur et fondateur du magazine socialiste Monthly Review. Principalement connu pour ses contributions à la théorie économique et comme l'un des économistes majeurs de la seconde moitié du XXe siècle, il s'engage dans un large éventail de causes progressistes : porte parole du Comité de défense de membres poursuivis du parti communiste, opposition à la guerre du Vietnam, engagement en faveur du Tribunal Russell contre les crimes de guerre des États-Unis...

 

Une carrière académique interrompue

 Élève à la Phillips Exeter Academy, avant d'intégrer Harvard, où il est rédacteur en chef de The Harvard Crimson, Paul SWEEZY y est diplômé magna cum laude en 1932. Après avoir complété son cursus de premier cycle, ses intérêts se détournent du journalisme pour l'économie. Il suit en 1931-1932 les cours de la London School of Economics, voyageant à Vienne pour étudier pendant ses vacances. C'est là qu'il découvre pour la première fois les idées économistes marxistes? Il rencontre également Harold LASKI, Joan ROBINSON, et d'autres jeunes penseurs de la gauche britannique de l'époque.

Une fois revenu aux États-Unis, il se réinscrit à Harvard, dont il reçoit son doctorat en 1937. Durant ses études, il devient le "fils de remplacement" du célèbre économiste autrichien Joseph SCHUMPETER, même si leurs vues intellectuelles s'opposent radicalement. Plus tard, alors qu'ils sont collègues, leurs débats sur les "lois du capitalisme" acquièrent un statut légendaire pour toute une génération d'économistes à Harvard. Il y fonde la Review of economic studies et publie des essais sur la concurrence imparfaite, le rôle des anticipations dans la détermination de l'offre et de la demande, et le problème de stagnation économique.

       Devenu enseignant à Harvard en 1938, il y établit une branche de l'American Federation of Teachers, la Harvard Teachers' Union. C'est pendant cette période qu'il écrit des leçons qui donnent plus tard naissance à l'un de ces travaux économiques les plus importants, The Theory of Capitalist Development (1942), un livre qui résume la théorie de la valeur travail développée par MARX et ses successeurs. C'est le premier livre en anglais à aborder certains sujets de manière détaillée, comme le problème de la transformation du capitalisme.

Il travaille alors pour plusieurs agences du New Deal, analysant la concentration du pouvoir économique ainsi que les dynamiques de concurrence et de monopole. Ces recherches incluent l'étude influente pour le National Resources Committee, "Interest Groups in the American Power", qui identifie les huit alliances industrielles et financières les plus puissantes dans le monde des affaires américain.

De 1942 à 1945, Paul SWEEZY travaille à la division "recherches et analyses" de l'Office of Stretegic Services. Il est envoyé à Londres, où il suit la politique économique britannique pour le compte du gouvernement américain. Il participe à la publication mensuelle de l'OSS, l'European Political Report. Récompensé, il peut se permettre d'écrire de nombreux articles pour la presse de gauche, y compris dans des publications comme The Nation et the New Republic. Il écrit également un livre, Socialism, publié en 1949, ainsi que plusieurs textes plus courts rassemblés dans le recueil The present as history en 1953. En 1947, SEWEEZY quitte son poste d'enseignant à Harvard deux ans avant le terme de son contrat, pour se consacrer pleinement à ses activités de recherche et d'édition.

En 1949, Paul SWEEZY et Leo HUBERMAN créent un nouveau magazine, Monthly Review, grâce à un apport de fond de l'historien et critique littéraire F.O. MATTHIESEN. Le premier numéro parait en mai et inclut l'article d'Albert EINSTEIN intitulé "Pourquoi le socialisme?". Le magazine, créé à l'apogée du Maccarthysme, se décrit lui-même comme socialiste et "indépendant de toute organisation politique". La revue se met rapidement à la production de livres et de pamphlets, grâce à sa maison d'éditions, appelée Monthly Review Press. Au fil tu temps, elle publie des articles représentant différentes sensibilités de gauche, avec des articles d'Albert EINSTEIN, W.E.B. Du BOIS, Jean-Paul SARTRE, CHE GUEVARA et Joan ROBINSON.

 

Militant et Théoricien économique

  En 1954, assigné par le procureur général du New Hampshire, Paul SWEEZY refuse de répondre à ses demandes d'information sur ses amis politiques et est brièvement emprisonné... avant que la Cour Suprême annula sa condamnation, dans un arrêt qui fait jurisprudence sur la liberté académique. Ce "démêlé" judiciaire renforce ses convictions et sa combativité, d'autant que ses travaux économiques sont de plus en plus reconnus.

   Le travail de SWEEZY se concentre sur l'application de l'analyse marxiste, notamment sur les tendances dominantes du capitalisme moderne : monopolisation, stagnation et financiarisation.

Sa première publication officielle en économie est une article de revue de 1934, La théorie du chômage du professeur Pigou, dans le Journal of Political Economy. Au cours du reste de la décennie, il écrit de manière prolifique et durant des années il effectue des travaux pionniers concernant les anticipations et les oligopoles, introduisant pour la première fois le concept de demande coudée pour expliquer la rigidité des prix sur les marchés oligopolistiques. En 1938, Harvard publie la thèse de SWEEZY, Monopole et Concurrence dans le commerce du charbon en Angleterre, 1550-1850. En publiant en 1942 The Theory of capitalist development, il s'impose comme le "chef de file des marxistes américains" et pose les bases du travail ultérieur des marxistes sur ces sujets. En plus de présenter la première discussion du "problème de la transformation" en anglais, le livre souligne aussi bien les aspects "qualitatifs" et "quantitatifs" de la théorie de la valeur de MARX, distinguant la méthode de MARX de celle de ses prédécesseurs en économie politique?

En 1966, il publie Le capital monopoliste, un essai sur la société industrielle, en collaboration avec Paul A. BARAN. Le livre la démonstration et les conséquences de la théorie de la stagnation de SWEEZY, aussi appelée stagnation séculaire. Le principal dilemme du capitalisme moderne est, d'après eux, de trouver des débouchés profitables pour investir le surplus économique créé par l'accumulation du capital. En raison de la tendance croissante des marchés à fonctionner de manière oligopolistique, ce problème aboutit à la stagnation, les entreprises réduisant leur production plutôt que leurs prix pour faire face à la surcapacité. La formation d'oligopoles entraine une augmentation du surplus, mais ce surplus n'apparait pas nécessairement dans les statistiques économiques comme étant du profit, il prend également la forme de gaspillage et de capacités de production excédentaires. L'augmentation des dépenses militaires, de marketing et des différentes formes d'endettement peut alléger le problème de la suraccumulation. Néanmoins, toujours pour ces deux auteurs, ces remèdes aux difficultés du capitalisme sont intrinsèquement limités et tendent à voir leur efficacité décroitre au cours du temps, de telle sorte que le capitalisme monopoliste tend à la stagnation. Ce livre est considéré comme la pierre angulaire de la contribution de SWEEZY à l'économie marxiste.

Paul SWEEZY s'est intéressé à la montée en puissance du capitalisme financier comme réponse à la crise. Sa théorie combine et intègre les effets microéconomiques du monopole avec les analyses macroéconomiques de la théorie keynésienne. Elle savère particulièrement efficace pour comprendre la stagflation des années 1970. Les travaux suivants de SWEEZY, écrits en collaboration avec Harry MAGDOFF, examinent l'importance de "l'explosion financière" comme réponse à la stagnation.

     Certainement le plus grand auteur marxiste classique - bien plus orthodoxe qu'on veut bien le dire - d'expression anglaise, traduit en espagnol, mais très peu en français, il établit avec une grande clarté la problématique marxiste et éclaire tous les débats du marxisme jusqu'en 1940 et les problématiques économiques jusque dans la fin des années 1970, à l'orée du sur-développement du capitalisme financier.

 

Paul SWEEZY, avec Maurice DOBB, Du féodalisme au capitalisme, François Maspero, Petite Collection Maspero, 2 volumes, 1977 ; Le capitalisme monopoliste : un essai sur la société industrielle américaine, avec Paul A. BARAN, François Maspero, 1968 ; Lettres sur quelques problèmes actuels du socialisme, avec Charles BETTELHEIM, François Maspero, 1970 ; Le socialisme cubain, avec Leo HUBERMAN, François Maspero, 1970 ; Le capitalisme moderne, Seuil, 1976 ; The Theory of Capitalist Development, 1942, réédité plusieurs fois depuis (nous le mentionnons car nous avons constaté, avec surprise d'ailleurs, qu'il n'a pas beaucoup vieilli, notamment sur l'émergence du fascisme...).

 

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4 mai 2020 1 04 /05 /mai /2020 09:22

   Josip Broz TITO, né Josip BROZ (il adopte le nom de TITO en 1934), homme d'État yougoslave, d'origine croate, est aussi un stratège militaire, tant par son rôle dans la résistance yougoslave à l'occupant nazi et dans la libération de son pays que dans l'établissement du mouvement des non-alignés lors de la guerre froide, contribuant à la formation d'une "troisième force" dans les instances internationales. Il participe dès l'entre-deux-guerres aux activités du Parti communiste yougoslave clandestin avant d'en prendre la tête dans les années 1930.

   L'essentiel de ses écrits se concentrent - hormis bien entendu des multiples textes administratifs et de politique interne au PCY - dans ses Mémoires et, notamment pour le grand public dans son livre De la résistance à l'indépendance publié en France en 1977. Un ouvrage intitulé Tito parle, sous la direction de Vladimir DEDIJER, est paru en France en 1953, mais l'auteur a écrit un ouvrage beaucoup plus scientifique paru en 1983-1984 dans son pays, Novi Priozi za biografiju josipa broza Tita (Nouveaux éléments pour une biographie de Josip Broz Tito), jamais traduit en français.

 

    Fils d'un paysan croate, Josip BROZ participe à la Première Guerre mondiale où il combat dans l'armée austro-hongroise. Fait prisonnier en 1915 par les Russes, il rejoint l'Armée rouge peu après la révolution d'Octobre, puis retourne en 1920 au royaume des Slovènes, des Croates et des Serbes récemment fondé. Membre du Komintern, il est arrêté et emprisonné de 1928 à 1933. Il travaille par la suite au secrétariat du Komintern à Moscou (section Balkans). Dès le début de la guerre d'Espagne, il recrute à Paris des volontaires pour les Brigades internationales puis retourne en Yougoslavie.

Après la rupture du Pacte germano-soviétique - la Yougoslavie étant déjà occupée - il organise les partisans communistes et, conjointement aux forces de MIHAILOVIC, combat énergiquement les Allemands en Serbie (entre temps, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine forment un État fasciste appuyé par l'Allemagne). la contre-insurrection allemande force TITO à replier ses forces vers le Monténégro et les régions montagneuses de Bosnie. Durant l'été 1941 et la fin de 1943, date à laquelle il est reconnu par les Alliés comme le dirigeant légitime de la résistance, il mène la plus efficace des guerres de partisans de l'Europe occupée. A l'été 1944, il passe à l'offensive et, en octobre, entre à Belgrade en même temps que les chars russes. Son prestige, nourri du fait qu'il a su, en comptant sur ses propres forces, libérer la Yougoslavie, lui permet de résister à STALINE en 1948 et à ne pas dépendre de Moscou comme les autres "démocraties populaires". Il reste au pouvoir jusqu'à sa mort en parvenant à maintenir le non-alignement grâce à une politique extérieure active qui cherche des alliés dans le tiers-monde. (BLIN et CHALIAND)

    L'organisation politique du pays après la seconde guerre mondiale suit de près l'expérience acquise pendant la Résistance. Tant dans les instances civiles qu'au sein de la Défense Populaire Généralisée de la Yougoslavie, on s'y réfère constamment, pratiquement jusqu'à sa mort, même si les ressorts s'en sont distendus avec le temps. En 1946, une nouvelle Constitution, copie de celle de l'URSS de 1936, elle aussi une fédération, consacre le fédéralisme de la Yougoslavie (6 républiques avec des autonomies diverses mais réelles) et le pouvoir de TITO. L'opposition est neutralisé avec sévérité et déclarée illégale ; c'est qu'elle est amalgamée pour le pouvoir aux tendances monarchistes et nationalistes (qu'elles soient croates ou serbes notamment) qui tentèrent de prendre le pouvoir lors de la Libération). Si l'idée de base au départ est de réaliser un État unifié, notamment par le biais des instances économiques et d'infrastructures centralisées et surtout des organisations de jeunesse yougoslaves, force est de constater que, jusqu'aux ramifications locales de l'armée (les armements resteront disséminés sur tout le territoire par exemple, ce qui exemple leur "disponibilité" lors des guerres civiles qui suivirent la chute de l'URSS), les autonomies régionales se renforcent de décennie en décennie. Malgré une grande réforme politique en 1963, le pouvoir titiste se renforce, même s'il repose de plus en plus sur un équilibre entre forces plus ou moins antagoniques présentes dans les différentes républiques. La référence à l'autogestion des paysans et des ouvriers n'est pas pour TITO une simple propagande - de vastes tentatives sont effectuées dans ce sens, tout un programme est mis sur pied, notamment sur la propriété social et des droits et devoirs des travailleurs, toujours en partant de la réalité concrète et des besoins des populations. Mais le poids des habitudes régionales (construction politique multiséculaire sous les monarchies) et les vives ambitions des responsables à la tête des institutions régionales, marquées par un esprit nationaliste qui est resté fort, n'a pas permis la réalisation sur le terrain, en fin de compte, sauf dans de notables exceptions éparses, de l'idéal marxiste socialiste révolutionnaire autogestionnaire... Le bilan reste à faire et de l'expérience yougoslave et de l'action de Josip BROZ, dont les écrits ont exercé tout de même une influence notable chez une grande partie des intellectuels marxistes occidentaux. C'est souvent en appui aux présentations des réalisations yougoslaves que des théories autogestionnaires ont été soutenues.

Les plus grands succès de TITO se situent en politique étrangère, par sa politique de non-alignement, politique active de soutien aux forces anti-colonialistes, notamment en Afrique.

 

Josip Broz TITO, De la résistance à l'indépendance, Anthropos, 1977.

Joze PIRJEVEC, Tito, une vie. Préface de Jean-Arnaud DÉRENS, Traduit du slovène par Florence GACOIN-MARKS, CNRS Editions, 2017. Milovan DJILAS, Tito mon ami, mon ennemi, Fayard, 1980.

Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016.

  

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