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31 janvier 2022 1 31 /01 /janvier /2022 14:16

    Parmi les interrogations sur l'avenir de l'humanité soulevées par les conséquences du changement climatique en cours et l'épidémie du covid-19 (l'arbre qui dans les médias actuellement cache la forêt...) figurent les implications sociales, économiques et politiques (sans compter les éléments purement stratégiques entre puissances). Plus précisément et il faut le préciser sinon cela ne fait que refléter l'état d'esprit de la partie la plus consciente de cette humanité, est-il possible, après une phase importante de changement climatique et une endémie appelée à durer, que les sociétés telles que nous les connaissons continuent d'exister? Une grande partie des élites pensent (même quand elle prend au sérieux ces menaces) qu'il s'agit d'un mauvais cap à passer avant que tout rentre dans l'ordre (c'est-à-dire en désordre...). Mais l'hypothèse d'impossibilité d'y revenir gagne de plus en plus de crédibilité. Après cette phase climatique et cette pandémie, il est possible que rien ne sera comme avant. Qi'en-est-il, dans l'état actuel de nos connaissances pour les événements passés du même genre?

   L'exercice d'investigation sur des précédents est difficile tant les phases de changement climatique sont massives et destructrices. Il l'est un peu moins sans doute en ce qui concerne les épidémies ou pandémies. L'histoire connue (de l'Antiquité à nos jours comme on dit...) contient plusieurs épisodes épidémiques d'ampleur, même si toute la planète n'est pas touchée comme c'est le cas (victoire de la mondialisation...) de nos jours. On sait le risque historiographique encouru quand on veut explique le passé avec les connaissances du présent. Il l'est de plus en plus lorsqu'il s'agit de reconstituer des ères disparues, des comportements de nos ancêtres très lointains, que l'on a tendance à faire en les rapprochant des réalités d'aujourd'hui...

 

La place des épidémies et des changements climatiques dans l'histoire des sociétés

    Tout d'abord, on ne peut qu'être frappé dans les différents récits de notre histoire par l'absence des épidémies. Même pour l'histoire de l'Europe, comment peut-on encore évoquer le "Moyen-Âge" dans la Grande Peste Noire? Aucune enquête historique ne place cette épidémie au premier plan pour expliquer les bouleversements dans les moeurs, dans les religions, dans les institutions politiques, dans les évolutions économiques... A chaque fois que la Grande Peste est évoquée, les historiens mettent en garde contre une "exagération" des répercussions de cette épidémie qui envoya dans l'au-delà tout de même un bon tiers de la population européenne. On peut mettre l'accent parfois sur le déclin des empires musulmans en Méditerranée causée par cette épidémie. Mais il n'y a pas d'articulations entre événements épidémiologiques et évolution des pratiques agricoles, puis économiques, évolution des moeurs, changements religieux et politiques, qui mettent réellement en valeur l'influence de ces épidémies.

A une très grande exception près : l'effondrement des royaumes aztèque et maya en Amérique Latine suite à l'intrusion des conquistadores, propageant la variole d'un bout à l'autre du sous-continent. La sidération des populations fut telle : leur intrusion parallèlement à la propagation de cette maladie contagieuse et mortelle provoquent non seulement un effondrement politique et social, mais également une destruction du moral, la perte de tout repère psychologique. Des enquêtes sur les sentiments religieux actuels des habitants, qui mélangent héritage de la tradition et apports du christianisme au point que l'on peu parler d'un christianisme latino-américain (chose que combattent en vain des autorités ecclésiastiques, elles tenant au dogme romain).

Bref, il semble qu'en s'en tient encore, malgré les progrès dans l'étude de l'histoire qui tend à en faire une histoire économique et sociale liée à l'histoire "traditionnelle" politique des familles royales prolongée en quelque sorte ensuite dans l'histoire des nations, à ne pas faire le lien entre les épidémies, considérées alors comme événements passagers, et étapes de l'évolution des sociétés... Nous formulons l'hypothèse inverse : les épidémies constituent des faits centraux de notre histoire... Dans la foulée, nous formulons une autre hypothèses : les changements climatiques constituent des marqueurs de l'évolution de l'humanité. Nous avons toujours été frappé par l'histoire de l'Antiquité, et notamment de l'Antiquité égyptienne : on fait commencer l'Histoire en Mésopotamie... Entre la Préhistoire et l'Antiquité, il y a comme un blanc, qui ressemble à un avant et un après un cataclysme d'ampleur... biblique. Pour en revenir à l'Égypte, les Pyramides apparaissent là, issues d'un lointain passé, de plus en plus reculer au fur et à mesure des recherches archéologiques.. Ne devrait-on pas par exemple relier l'érection de ces monuments (dont on devrait sans doute être moins admiratifs...) et l'apparition tout autour de ce désert? Combien y-a-t-il fallu de bois et de feuillus pour dresser ces pyramides?... Cette dernière hypothèse est reflétée dans plusieurs ouvrages, mais même l'archéologie et l'anthropologie versant académique n'ont font guère tapage....

   Plusieurs études permettent de se faire une idée de l'impact des épidémies et à plus grande échelle des changements climatiques sur les sociétés et sur les civilisations.

- La démarche la plus immédiate est faite, mais surtout dans une perspective de "sciences naturelles", d'étudier les effets des épidémies sur les évolutions des populations, via la démographie historiques ;

- Une approche semblable est effectuée pour le monde gréco-romain, une antiquité en détresse où les sociétés rebondissent après les catastrophes naturelles. Pestes et épidémies au Moyen-âge font l'objet de nombreuses études : elles constituent avec les guerres des fléaux récurrents, dotés d'un grand pouvoir de destruction et sont aussi de grands facteurs de changements politiques et sociaux.

- Les interactions entre épidémies et sociétés sont l'objet également d'études dont l'importance croît actuellement à cause des ravages de la pandémie de Covid-19. Persécution, contrôle social, entreprise coloniale, révoltes, exploitation, religion et ordre moral, mortalité différentielle et racisme, mobilisations politiques et militaires, rapports de genre, activisme, tant d'éléments qui changent lors d'épidémies...

- De la peste à la pandémie de Covid-19, les religions face aux épidémies sont animées de comportements récurrents, tant et si bien que les représentations de ces épidémies peuvent avoir plus d'effets sur les mentalités (religieuses mais pas seulement) que les épidémies elles-mêmes.

- Les parcours et survols de  l'histoire des Empires montrent des conditions de naissance et d'effondrement sous l'influence des épidémies. Les changements climatiques peuvent avoir des effets plus radicaux et définitifs, redessinant la carte des régions habitables et non habitables. Nous sommes bien entendu plus documentés sur les épidémies que sur les changements qui opèrent à échelle plus large : tout ce qui subsisterait alors des civilisations anciennes est perdu à jamais. Parfois des bribes de connaissance se retrouvent dans les textes les plus anciens conservés par l'humanité, mais de manière souvent diluée (dans des considérations religieuses) et déformée...

 

SOCIUS

 

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5 décembre 2021 7 05 /12 /décembre /2021 11:13

    Philosophe français, professeur de pensée politique à l'Institut d'études politiques de Paris et chercheur au CEVIPOF, Frédéric GROS, parfois présenté comme un spécialiste de Michel FOUCAULT, est l'auteur d'ouvrages sur la violence, la désobéissance civile...

   Il faut retenir ses trois ouvrages sur Michel FOUCAULT (Michel Foucault, PUF, 1996, dans la collection Que sais-je? ; Foucault et la folie, PUF, 1997 ; Foucault, Le courage de la vérité, PUF; 2002, ouvrage collectif qu'il dirige), États de violence : essai sur la fin de la guerre, Gallimard, 2006, Le Principe sécurité, Gallimard, 2012, Désobéir, Albin Michel, 2017 et La honte est un sentiment révolutionnaire, Albin Michel, 2021.

   Ancien élève de l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm, il enseigne à Science-Po les humanités politiques en tant que professeur des Universités en première année de Collège. Ses recherches portent sur la philosophie politique contemporaine, les fondements du droit du punir, les problématiques de la guerre et de la sécurité, l'éthique du sujet politique (à travers notamment le problème obéir/désobéir.

 

États de violence - essai sur la fin de la guerre

     La philosophie occidentale a longtemps pensé la guerre  dans une formulation fameuse, comme "conflit armé, public et juste". 

Elle a tendu à définir l'identité de la guerre et à la distinguer de la violence informe. Trois critères - éthique, politique et juridique - ont permis de qualifier l'échange de mort comme guerre et de lui conférer une consistance conceptuelle et un horizon de sens. De la circonscrire aussi en la codifiant et en l'ordonnant à des fins qu'elle doit servir. La guerre ainsi définie par Alberico GENTILIS en 1597 comme un "conflit armé, public et juste", est légitimée en ce qu'elle est un moyen d'assurer la consistance de l'unité politique, Cité, État, Empire.., et de poursuivre la justice. Cette mort échangée, cet État soutenu, cette justice visée constituent les trois foyers d'une conception de la guerre qui s'est progressivement élaborée au sein de la pensée politique et de la pensée religieuse de telle manière que la violence pure puisse faire place à une expérience intelligible, source de perfectionnement éthique, où la mort est ordonnée à une vie plus haute...

Mais la médiatisation en temps réel des malheurs qu'elle entraine, le scandale du malheur nu et les critiques qu'elle engendre sur elle-même quant à sa capacité à "résoudre" des conflits de toute nature, effectuent une radicale transformation qui exige de la philosophie de grandes vigilances et forcent à inventer de nouvelles espérances...

Le concept de guerre échoue aujourd'hui à penser les nouvelles formes de violence. L'auteur évoque les attentats terroristes, les factions armées sillonnant des pays ravagés, les envois de missiles intelligents pour les conflits à "zéro mort", pour entamer ou poursuivre une réflexion sur le sens (perdu) de la guerre... On pourrait ajouter la liste de plus en plus longue de régions où les États n'exercent plus qu'une autorité nominale.  La fin proclamée d'une guerre n'est plus la fin des violences... A un âge des violences "légitimes" succède peut-être, selon Frédéric GROS, un autre âge...

Depuis la publication de ce livre, la réflexion va beaucoup plus loin, de manière accélérée si l'on en juge l'explosion éditoriale visible aux États-Unis, mais encore peu visible en France. La remise en cause de la guerre comme autre moyen de faire de la politique est de plus en plus vivace...

   

 

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1 décembre 2021 3 01 /12 /décembre /2021 16:30

     Stéphane TAILLAT, docteur en histoire militaire et études de défense (université Montpellier III) et chercheur au Centre de recherche des écoles de Coëtquidan, écrit sur les acteurs du processus stratégique, que les études stratégiques sont confrontées au double défi de rendre compte des postures adoptées par eux dans un environnement conflictuel et de déterminer les choix préférables dans un contexte précis. Disons entre parenthèses que cette problématique n'est que peu explorée, et que l'on préfère très souvent raisonner en termes de systèmes stratégiques, suivant le temps et l'espace (voir par exemple le Traité de Stratégie d'Hervé COUTEAU-BÉGARIE).

 

   Notre auteur distingue trois questionnements, sur les variables qui vont orienter les choix et les actions d'une part, sur le processus de prise de décision d'autre part, au sujet des dynamiques pesant sur l'évolution de la stratégie enfin.

- La première problématique renvoie au débat sur l'influence respective des facteurs liés à la structure ou aux caractéristiques des acteurs. La stratégie s'explique t-elle mieux par les contraintes systémiques, culturelles ou matérielles pesant sur les agents, ou par leurs logiques intrinsèques?

- La seconde concerne le choix et l'articulation entre les différents nivaux d'analyse. L'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie donnée dépendent-elles plutôt de facteurs propres aux régimes politiques, de rivalités bureaucratique, de dynamiques organisationnelles, de relations politico-militaires ou bien encore de la personnalité des décideurs? Comment ces différents niveaux s'articulent-ils?

- La troisième s'intéresse plutôt aux aspects systémiques et probabilistes. Quelle est la part respective des choix d'un acteur ou de son adversaire, quelles dynamiques s'établissent par leur interaction, comme articuler les stratégies avec les conflits dans lesquels elles s'inscrivent, est-il possible d'élaborer des chaînes de causalité pour fonder une stratégie ou l'analyse rétrospective de celle-ci?

   Ces différents débats théoriques ainsi que leurs questionnements, hypothèses et résultats sont étroitement imbriqués. La combinaison des facteurs et des niveaux d'analyse est ainsi potentiellement plus fertile que les approches unidimensionnelles.

L'auteur suit la pensée de CLAUSEWITZ quant à l'articulation des pouvoirs civils et militaires. Le politique prime sur le militaire, mais le politique tient compte, par le jeu des passions et des probabilités, du terrain dans lequel agit le militaire, sans qu'on assiste - normalement - à une inversion de primauté.

C'est l'ampleur de la littérature qui oblige à un traitement successif de ces trois questionnements, dans le contexte toujours d'un conflit armé effectif ou potentiel. Nous suivons-là la logique du raisonnement tel que le présente Stéphane TAILLAT. Il examine successivement la Stratégie et structure du système international, le Processus de prise de décision et la Boite noire de l'État, et enfin la stratégie en tant que dynamique : contrôler les effets de la force.

A noter que le raisonnement de CROZIER concernant les positions de l'acteur dans un système, surtout utilisé en sociologie des organisations, est très peu utilisé pour comprendre le fonctionnement des organisations internationales (comme nous avons tenter de le faire avec l'ONU et la SDN) et encore moins les relations entre organismes nationaux.

  

Stratégie et structure du système international

   La tension entre les explications valorisant les caractéristiques endogènes des acteurs (visibles beaucoup dans les biographies d'"hommes célèbres"...) et celle insistant sur les contraintes extérieures se manifeste dans le débat agent/structure. Loin de la résumer, la focalisation sur la variable systémique en relations internationales en incarne cependant les principaux enjeux. Il s'agit de caractériser, selon toujours Stéphane TAILLAT, et d'expliquer les choix stratégiques en les déduisant de l'environnement des acteurs dans la mesure où celui-ci fonde en partie leurs attentes... La formulation la plus systématique provient des néoréalistes américains qui, à partir de Kenneth WALTZ, insistent sur la structure anarchique du système international et l'indifférenciation des unités politiques comme conditions premières du comportement des États. L'incertitude absolue née de l'état de nature (au sens de HOBBES) dans l'ordre international, en fixant la sécurité comme objectif commun, conditionne leur stratégie ; et non la pluralité de leurs valeurs et de leurs valeurs et de leurs régimes politiques. Si WALT en déduit que la stratégie par défaut est celle de l'équilibre (balancing), chaque État cherchant à contrebalancer la puissance des autres ou à obtenir des gains relatifs, d'autres (tel que Robert GILPIN ou Stéphane WALT) envisagent que des États choisissent au contraire le ralliement à une lus grande puissance (bandwagoning) sous certaines conditions (hégémonie sécurisante ou équilibre des menaces). Dans une formulation plus récente, John MEARSHEIMER déduit de la structure anarchique du système international le postulat que les États cherchent à maximiser leur puissance. Ceux-ci ne feront cependant le choix de la guerre qu'en dernier recours au bénéfice de stratégies indirectes ou d'usure et, confrontés à de potentiels agresseurs, préféreront toujours détourner la menace sur un autre État (buck-passing) plutôt que de contrebalancer cette dernière. De manière générale, ce qui fonde une autre stratégie, celle de l'offshore balancing par laquelle une grande puissance cherche à conserver l'équilibre entre ses rivaux situés sur un tout autre continent en entretenant leurs rivalités.

Cette dernière approche a dû prendre en compte des évolutions internes à la discipline. D'une part, le retour en grâce de l'approche libérale a mis de nouveau en lumière le caractère institutionnel de la structure (internationale, dans laquelle les acteurs ont des marges de manoeuvre plus ou moins importantes - faibles lors de l'hégémonie américaine pendant la guerre froide). L'irruption du constructivisme, d'autre part, contribue à faire prendre conscience que la structure résulte aussi des intérêts, des interactions et donc, des stratégies des acteurs. Une lecture relationnelle, intersubjective et plus conceptuelle de l'environnement politique international souligne aussi le rôle des identités et des relations d'autorité dans la délimitation des options et la prise de décision stratégique. L'étude des différentes décisions montre la part toujours importante prise par les différentes "boites noires" des États, même si les jeux à l'intérieur des organisations internationales les obligent à des positions de compromis, de collaboration. Faute de quoi, dans ces instances d'où peuvent partir quantité de forces et d'actions (de part leur poids), ces relations peuvent vite virer au conflit. Les différentes instances ont tendance, une fois fixé un objectif, à procéder par élimination des différentes options qui s'offrent à elles, sous la pression précisément des autres acteurs dans les mêmes instances internationales. Si leurs décisions sont constituées d'éléments bureaucratiques suivant une chaîne (quasi de commandement), suivant des intérêts qui se manifestent de bout en bout, maints responsables politiques tentent de contrôler des effets de la force déployée, et ce, de plus en plus. On l'a vu lors du déploiement des efforts, qu'ils soient civils ou militaires, dans les zones d'opérations visant à combattre les forces dites terroristes dans tout le Moyen-Orient, pris dans un sens large, depuis les attentats du 11 septembre 2001 jusqu'à aujourd'hui.

Comme l'écrit Stéphane TAILLAT, "l'analyse des acteurs et des processus stratégiques se trouve en première ligne des changements épistémologiques contemporains. le plus important d'entre eux est la prise de conscience de la prédominance de la corrélation sur la causalité. Alors que les sciences sociales et que la science politique se trouvent  modifiées dans leur rapport à la connaissance par la croissance exponentielle des données à traiter, les études stratégiques doivent nécessairement se tourner vers les probabilités si elles espèrent garder leur double aspect scientifique et prescriptif. Une seconde évolution est la réaffirmation de la primauté des conditions politiques comme moteur principal de la prise de décision et de la mise en oeuvre stratégiques. La tendance qui s'en dégage pour les stratégies contemporaines est le mise en lumière des difficultés du contrôle politique de la force et de ses effets. Toutefois, les obstacles à l'exécution d'une stratégie ne doivent pas être confondues avec le rejet de sa logique propre, ironique et paradoxale certes, mais également fondée sur des principes précis. En ce sens, la lecture et l'usage heuristique de la pensée de Clausewitz restent plus que jamais le point de départ pour envisager l'étude des guerres et l'analyse des stratégies. Enfin, la recherche actuelle trouve ses limites dans sa focalisation presque exclusive sur les États-Unis (ou les États occidentaux) comme sur l'analyse des entités étatiques."

 

Stéphane TAILLAT, Les acteurs du processus stratégique, dans Guerre et stratégie, Approches, concepts, PUF, 2015.

 

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20 octobre 2021 3 20 /10 /octobre /2021 13:06

    Le propos du livre du docteur en sciences politiques et enseignant à Sciences Po Paris, déjà auteur d'importants ouvrages, est tout simplement de savoir si l'on peut aujourd'hui encore gagner une guerre. Mettant en scène (fictivement) dans son Introduction Achille (la force), Ulysse (la ruse) et Hector (le témoin), dans un dialogue lors de la guerre de Troie, Gaïz MINASSIAN commence par indiquer pourquoi ce récit autour de cette guerre marque encore les esprits : parce que tout simplement ce récit parle de la guerre à un moment où précisément, le monde achéen est en train de changer. Le récit mobilise, aussi, les éléments essentiels de LA guerre en général, depuis 3 000 ans, autour des ressources qu'elle mobilise, autour des conditions de la Victoire, autour de ce qui est vécu par les combattants, autour des déconvenues de toutes les opérations militaires.

La "victoire", au-delà des chants autour des héros est un caméléon, une notion bien difficile à maitriser, tant les acteurs d'une guerre, de ses prémisses à ses conséquences, ont des perceptions bien différentes.

L'auteur se situe dans tout un courant récent qui prend pour objet cette victoire, sa conception, véritable défi théorique aux conséquences pratiques encore indiscernables. Dans l'histoire militaire, selon le professeur américain J. Boone BARTHOLOMEES, c'est le plus grand défi théorique pour les spécialistes de la guerre qui ne parviennent pas à la doter d'un cadre normatif universel.  (Theory of victory, dans Parameters, 38/2, été 2008). Remontant pourtant à l'Antiquité, cette expression atavique peine à convaincre encore plus aujourd'hui qu'hier. Si tant est qu'il y ait eu une guerre à bataille décisive, une guerre au vainqueur indéniable, à partir du sentiment de chacun des adversaires... rares sont ceux qui parviennent à rendre objective une victoire. Même chez les militaires, on a plutôt l'impression que la victoire est acquise... jusqu'à la prochaine guerre!  Mais le propos de MINASSIAN se focalise à notre époque contemporaine, époque qui selon lui et de nombreux autres auteurs, est marquée par un tournant civilisationnel, à l'image de celle des Achéens évoqués à l'ouverture. Il évoque dans sa longue introduction cette victoire dont les modalités semble de plus en plus échapper aux armées modernes.

   Il part de la définition donnée par Gabriella BLUM, en la complétant de considérations non militaires, pour mieux en cerner ses problématiques dans le monde actuel. En pratique, les "vainqueurs" de la seconde guerre mondiale s'inspirent du fait qu'une "victoire" précisément n'est acquise qu'avec le consentement inclusif des "vaincus"(et en préparant l'avenir avec eux), à l'inverse du sentiment de la "victoire", habituel de l'Antiquité à nos jours, lequel n'existe que par la négation de l'adversaire (cette "victoire totale", notamment après la première guerre mondiale, qui prépare la seconde...). Pour notre auteur, la pensée stratégique n'est plus vraiment sortie de cette double acception de la victoire, où gagner la guerre n'est possible qu'en gagnant la paix. Pour le colonel et professeur Richard HOBBS, il est normal que "gagner la paix" est très aléatoire, car "la victoire n'est qu'un mythe, elle ne peut être que relative" (The myth of victory : What is victory, Boulder, Colorado, Westview Press, 1979). Mythique, la victoire n'existe que si ce sentiment se prolonge dans la postérité.     

Pour le politologue Bertrand BADIE, la victoire soulève un problème nodal qui n'a pas été apprécié à sa juste valeur. La proclamation de la victoire militaire déjà n'est presque jamais partagée chez tous les acteurs d'un conflit armé. Si elle fait l'objet de liesses populaires puis de commémorations, elle est toujours contestée de manière interne (chez le vainqueur) par les rivaux et de manière externe (chez le vaincu) par les adversaires, même si elle se solde immédiatement par des cessions de territoires et des acceptations de tributs. Autant dire qu'il ne s'agit pas simplement d'un flou sémantique ; les faits tordent souvent les représentations, surtout immédiates. Pire, de nos jours, le question "peut-on gagner la guerre?" "se glisse dans (une) nouvelle configuration des rapports de force  et prend un sens encore plus aigu en raison de deux facteurs d'explication complémentaires."

Ces deux facteurs d'explication, et laissons-là l'auteur s'exprimer, sont d'ordre l'un structuraliste et l'autre fonctionnaliste. "Le premier, d'approche structuraliste, se fonde sur une lente rupture de l'histoire d'un monde passé de la confrontation entre les nations à la coexistence entre les sociétés, selon l'expression de Bertrand Badie. L'ensemble des concepts et des domaines d'activité, à commencer par le système inter-étatique, les relations internationales et donc la guerre, subit ces bouleversements dans lesquels la conflictualité change de nature. Sous le poids des normes internationales toujours plus contestées, d'un monde décloisonné toujours plus fuyant, d'une coopération économique internationale toujours plus fluide et d'une impuissance des États toujours plus frappante face aux nouveaux enjeux globaux, les conflits interétatiques se réduisent et cèdent leur place aux "conflits extractions sociales". Ce passage de l'international à l'intersocial enrichit la grammaire de la violence, relativise la puissance, procure de nouveaux moyens aux plus faibles et revisite les notions de victoire militaire et politique. Cette expansion de la sphère publique internationale, explique le politologue Guillaume Devin, a acquis une place plus grande encore. Tout cet appareil qui consiste à être évalué sur la sphère mondiale, à être mis en demeure de se justifier et à être plus ou moins contrôlé, pèse sur le dénouement des crises et des guerres. Par ailleurs, la puissance étant désormais plus dispersée, éclatée ou affaiblie, même les petits ont des capacités de nuisance telles qu'une victoire militaire sur eux se révèle très coûteuse politiquement. Ainsi, si les guerres interétatiques sont en net recul - cela ne signifie pas qu'elles ne peuvent plus resurgir - elles n'ont pas automatiquement entrainé une progression de la paix ou favorisé la création d'un monde moins violent. Au contraire, la prolifération des guerres infraétatiques, notamment dans les États faillis, a déplacé le centre de gravité des conflits. D'espaces pauvres, marginalisés et ruraux, les théâtres de feu et de sang gagnent désormais les pays riches et les milieux urbains. Ceci accélère la bellicisation des sociétés, la contagion de guerres sans front et la planétarisation de la violence."

"Cet affolement du monde renvoie à un second facteur, d'approche fonctionnaliste cette fois-ci, mais résultant du premier. Parce qu'elle concerne toute l'humanité, la question "gagner une guerre" ne connait ni hymne ni frontière. Elle investit l'ensemble du système international, s'installe dans tous les creux de l'espace mondial et le bouscule jusqu'aux entrailles, comme si dans ce monde multidimensionnel et interconnecté, l'idée de gagner une guerre pouvait se poser comme un référendum local, national, régional ou mondial dont l'intitulé serait de nature à avoir un effet préventif, répulsif ou dissuasif pour la paix. Dans ce monde ouvert, où les progrès de la mondialisation ont remis en question la centralité de l'État, l'histoire ne s'écrit plus avec la plume de la souveraineté trempée dans l'encrier de la puissance. L'humanité s'émancipe du poids des États sans s'en libérer totalement. Elle trouve dans l'autonomisation individuelle et des sociétés civiles mises en réseau de nouvelles sources de jouvence, sans atteindre encore pour autant un épanouissement absolu. De ces phénomènes d'attractions mondiales émergent de nouvelles solidarités sans frontières, mais aussi des préoccupations universelles, qui entrent en résonance de façon instantanée et renversent les symboles de l'ordre établi. Ainsi, dans ce monde globalisé, l'État est une enveloppe mais n'est plus le seul acteur de nos destinées? Chaque sujet d'actualité devient une forme de sondage à l'échelle mondiale, où l'individu, riche ou pauvre, urbain ou rural, du Nord comme du Sud, pianoté, navigue et "like" comme s'il fallait sans cesse convaincre, obtenir le plus de suffrages pour légitimer sa voie et se faire reconnaître en tant que tel. Le monde devient une vaste caisse de résonance, à l'image de l'icône de connexion du signal wifi Internet, où tous les entrepreneurs de paix comme de violence tentent leur chance de légitimation. Parmi ces compétitions, celle sous-tendue par la question "peut-on gagner une guerre" provoque le plus d'irritation, car la guerre est un prurit. Dès qu'on prononce son nom, chacun se met en branle. L'irruption devenant plus vigoureuse comme si depuis que l'humanité s'est autonomisée de l'État et l'individu de la norme, on prenait peu à peu nos distances avec ce qui nous façonnait jusque là : hiérarchies, valeurs, État."

   Dans d'épais chapitres faisant beaucoup appel à l'Histoire, MINASSIAN propose une autre grille de lecture des événements, bien éloignée de celle clamée à longueur de médias par des autorités officielles, et qui rejoint notre propre manière de penser.

 

   Gaïdz MINASSIAN, journaliste au journal Le Monde, expert international associé au CERI-Sciences Po, est aussi l'auteur d'autres ouvrages : L'Eurasie, au coeur de la sécurité mondiale, Rêve brisé des Arméniens, Zones Grises, Quand les États perdent le contrôle.

 

Gaïdz MINASSIAN, Les sentiers de la victoire, Peut-on encore gagner une guerre?, Passés/composés, 2020, 715 pages

 

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13 octobre 2021 3 13 /10 /octobre /2021 13:33

  Cette autre histoire de la stratégie, écrite par le docteur de l'EHESS Jean-Vincent HOLEINDRE, professeur de science politique à l'université de Poitiers et directeur scientifique de l'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire), président par ailleurs de l'Association pour les études sur la guerre et la stratégie (AEGES), se situe dans un courant critique de la stratégie qui entend approcher celle-ci sur l'histoire longue et multiculturelle.

Scindé en trois grandes partie, Formation, Modernité et Devenir, l'ouvrage est écrit pour renouveler précisément l'histoire de la  stratégie, et pas seulement vue du côté occidental. L'auteur part, au-delà de leurs modalités pratiques, d'un modèle occidental de la guerre, façon HANSON (d'après son livre de la même expression, qu'il juge d'ailleurs contestable) et de  l'usage des ruses qui défient la volonté de trouver la "bataille décisive". Pour en contester la représentation de l'une comme de d'autre.

Dans l'historiographie occidentale, l'orientalisme militaire "relève d'une propagande politique dont les origines remontent à l'Antiquité. Lorsqu'il oppose la force "vertueuse" des Occidentaux et la ruse "perfide" des "Barbares", Hanson reproduit une opposition élaborée par les anciens Grecs, et surtout, par les Romains. Leur rejet déclaré de la ruse est le pendant d'une glorification de la force qui constitue un élément essentiel du discours de la "guerre juste" forgé au IIe siècle avant notre ère pour nourrir une ambition expansionniste. La dénonciation de la ruse ennemie apparaît comme un élément de ce discours, qui agit comme un puissant instrument de légitimation de la force (nous dirions de la violence)." L'auteur veut mettre en lumière les origines et les implications de ce discours afin de mettre en perspective la situation stratégique contemporaine, marquée par des guerres dites asymétriques opposant des armées "régulières" à des groupes armés "insurgés, "terroristes" ou "rebelles". En fait, les armées nationales développent, à travers l'histoire, des cultures militaires diverses liant plusieurs paramètres politiques, sociaux et géographiques. Qui mêlent la ruse et la force. Tout en voulant détailler ce qui relève de la force et de la ruse dans les pratiques militaires, il fait apparaitre que l'Orient "si tant que cette notion ait un sens", n'est pas plus une civilisation de la ruse que l'Occident n'est une civilisation de la force. Il convient d'identifier historiquement et conceptuellement ces problèmes plutôt que de postuler d'emblée des différences culturelles conduisant invariablement les armées à choisir la force contre la ruse (ou l'inverse). Il s'agit de saisir la circulation complexe des concepts et des questionnements dans l'histoire, selon des logiques de situations et d'opportunités qui orientent les choix stratégiques. Tout en refusant de partir d'abord d'une logique de la force (et inversement).

l'auteur veut suivre une généalogie - tout en analysant les sources - qui permette de comprendre ces logiques et leur circulation. Aussi la première partie porte sur la formation de la stratégie dans le contexte antique (Rome et le monde judéo-chrétien), la deuxième sur la modernité (à partir de MACHIAVEL jusqu'à CLAUSEWITZ, et la troisième sur le devenir de la ruse et de la force dans les conflits contemporains.

   La plus forte originalité de l'ouvrage se concentre - préparée par les deux premières parties - sur ce devenir. "L'enjeu n'est plus seulement de confronter les sources théoriques à la réalité historique, il est d'interpréter l'histoire contemporaine de la guerre au regard des schémas stratégiques dont les chefs de guerre héritent ou qu'ils élaborent, et en fonction de la grille d'analyse qui a été forgée. L'histoire récente est divisée en trois séquences : les deux guerres mondiales, qui voient la ruse et la force se combiner dans une logique de guerre totale et d'ascension aux extrêmes ; la guerre froide où plane l'ombre d'Achille à travers la bomba atomique et où la ruse prend la forme du bluff et de l'espionnage, dans le contexte de la dissuasion nucléaire ; la période actuelle marquée, depuis les attentats du 11 septembre 2001, par le regain des conflits asymétriques et du terrorisme, où la ruse du faible vient mettre en échec la force des grandes puissances occidentales. L'auteur propose donc une grille de lectures où peut-être le récent échec des États-Unis en Afghanistan (mais sans est-elle plus générale dans tout le Moyen-Orient) peut devenir intelligible.

Sans doute (en regard de l'ouvrage et de notre point de vue) la meilleure ruse du terrorisme est-elle de se faire passer pour une menace de type militaire. Il aurait sans doute été plus avisé de le prendre pour une entreprise criminelle, de le détacher de sa phraséologie combattante religieuse et de le traiter d'une manière policière. Le prendre au mot, tiré d'une ruse calculée, était peut-être de tomber dans un piège.

   En tout cas, voilà un ouvrage qui permet de prendre les questions de guerre et de paix sous un autre angle que celui présenté par les médias de manière générale, et singulièrement les questions bien actuelles des conflits asymétriques. Son propos rejoint celui d'une autre ouvrage, plus global, sur la possibilité de gagner les guerres, que nous présentons ensuite...

 

Jean-Vincent HOLEINDRE, La ruse et la force, Une autre histoire de la stratégie, Perrin, 2017, 465 pages

 

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14 septembre 2021 2 14 /09 /septembre /2021 16:49

    Jeremy KUZMAROV, spécialiste de la politique étrangère et de l'histoire contemporaine des États-Unis et John MARCIANO, professeur émérite de la State University of New York à Cortland entendent ici écrire une contre-histoire de la guerre froide, loin de l'hystérisation médiatique des relations Etats-Unis-Russie. Rompant avec une historiographie trop répandue, ils prennent une certaine hauteur pour livrer, comme le sous-titre de leur livre l'indique, une histoire des États-Unis face à la Russie de 1917 à nos jours. S'ils partent de manière générale de la naissance de l'URSS, ils évoquent leurs relations bien avant, aux différentes tentatives des États-Unis de s'accaparer des territoires auparavant sous l'influence russe.

  Plutôt qu'une histoire de la guerre froide à la manière de celle d'André FONTAINE, les auteurs préfèrent l'aborder par thème, après un chapitre consacré à "l'hystérie antirusse dans la propagande et dans les faits" en examinant pour commencer des accusations contre la Russie de Vladimir POUTINE, parues dans le New York Times, alléguant en 2016, des menées d'un impérialisme russe. L'historiographie, comme la presse aux États-Unis  fourmille de fausses informations, souvent alarmistes, qui opèrent un double effet : l'occultation des véritables opérations américaines et la vision déformée de ce qui se passe en Russie. La propagande russe n'arrange rien, souvent très maladroite. De la chute de l'URSS à aujourd'hui, les deux auteurs estiment rien de moins que les États-Unis ont refusé un consensus bipartite et provoqué la nouvelle guerre froide.

Précisément dans le deuxième chapitre de leur livre qui en compte en tout 6, ils exhument les agissements des Américains à l'origine de la guerre froide, dès la fin des années 1910. Au fil des chapitres - Provoquer la confrontation. Les États-Unis et les origines de la guerre froide (années 1940, Seconde guerre mondiale) - La guerre froide et les coups portés à la démocratie états-unienne (complexe militaro-industriel - Truman, le maccarthysme et la répression intérieure - Une guerre menée contre les pays du Sud : La guerre froide dans le Tiers monde (guerre de Corée, guerre du Vietnam, Rambo Ragan), on assiste à un procès à charge, qui aurait au minimum été plus crédible si l'on avait mis en regard les manoeuvres soviétiques puis russes.

  Avec les notes abondantes qui couvrent presque le tiers du livre, le lecteur pourra se faire une meilleure idée des faits et des représentations courantes aux États-Unis. Les auteurs ont au moins le mérite d'éveiller le lecteur sur le gouffre qui sépare les réalités aux justifications de nombreuses entreprises militaires ou civiles, à l'intérieur ou à l'extérieur des administrations successives des États-Unis. Et sur la nature de l'impérialisme américain. Souvent, ces administrations ont agi plus à partir de représentations erronées des intentions et des réalisations soviétiques. Dans le monde soviétique, puis russe, comme dans le monde américain, on continue à agir selon des rumeurs. Et les services de "renseignement", dans l'un et l'autre camp alimentent (ne serait-ce que par la volonté de rendre opaques bien des agissements et des réalités) des paranoïa collectives.

On pourra regretter que les événements commentés fassent surtout partie des décennies 1950-1990, et que les auteurs n'approfondissent pas au-delà. En se centrant complètement sur les États-Unis, ils n'évitent pas le reproche d'avoir élaboré un ouvrage, certes critique, mais à sens unique, le faisant du coup apparaître, à l'inverse de nombreux ouvrages qui renouvellent profondément toute l'historiographie des relations internationales, comme un livre engagé, trop engagé, à la limite d'une certaine propagande.

Restituons l'esprit des auteurs en reproduisant ici une partie de leur conclusion, Éviter une troisième guerre mondiale : "Aujourd'hui comme durant la guerre froide, la campagne de calomnie contre la Russie convient très bien au programme politique de l'élite. Elle est conçue pour détourner l'attention du public de tous nos problèmes nationaux  en faisant d'un pays étrangers notre bouc émissaire, suscitant la perspective d'une menace militaire et sécuritaire qui peut servir à mobiliser le soutien public en faveur de budgets et d'interventions militaires accrus. Des stratèges impérialistes comme le défunt Zbigniew Brzezinski ont longtemps soutenu que le contrôle de l'Eurasie et ses riches ressources en pétrole et en gaz était capital pour la domination mondiale. L'histoire de la guerre froide nous montre les terribles conséquences qu'il y a à tenter de diriger le monde par la force, et toute l'arrogance aux coeur de l'affirmation "le monde nous appartient". Nous pensons qu'il est désormais impératif de tirer les leçons de l'histoire que nous avons racontée dans ce livre, et de résister à la propagande nous conduisant à une nouvelle confrontation dangereuse qui menace à la sécurité et la paix mondiales. Nous devons nous éduquer et engager nos concitoyens, particulièrement les jeunes, et développer des programmes alternatifs qui peuvent nous aider à préserver l'avenir de ces derniers, alors que les États-Unis commencent à craquer après toutes ces années de conquêtes impériales. (...)".

Jeremy KUZMAROV et John MARCIANO, Guerres froides. Les états-Unis face à la Russie de 1917 à nos jours, Éditions critiques, 2020, 310 pages

 

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12 juillet 2021 1 12 /07 /juillet /2021 11:26

  La série norvégienne de 2015 en 3 saisons, dont 2 accessibles en Français, est un thriller politique imaginé par le maitre du polar norvégien Jo NESSO. Elle se veut une relation des réactions - collaborations et résistances - suscitées dans une société moderne par l'invasion venue d'un pays plus puissant.

    Ayant décidé de stopper l'exploitation de son pétrole, la Norvège est envahie "pacifiquement" par la Russie, avec la bénédiction de l'Union européenne. Dans le pays occupé, le chaos menace. La population est dévorée par la peur de la guerre. Collaboration aveugle (de la part des dirigeants) ou résistance sanglante (notamment par des éléments de l'armée) sont les deux extrêmes dans une zone grise ou chacun cherche des marques. Comment faire confiance et à qui? Les scénaristes et les réalisateurs de cette fiction explorent les convulsions d'un nation européenne en crise et bousculent toutes les conventions du genre.

   Bien entendu, l'ambassade de Russie en Norvège a protesté contre la diffusion de la série, même si ses auteurs disent avoir choisi ce contexte seulement en fonction de l'actualité : l'invasion de la Crimée par la Russie, possible prélude d'une nouvelle guerre froide. C'est surtout l'arrière fond de la crise climatique qui les intéresse en même temps que cette interrogation sur les réactions d'une population en arrière-fond. C'est parce que les dirigeants danois remettent en cause le modèle pétrolier que les oligarques russes et européens réagissent en laissant faire la Russie. Si la première saison met bien en relief ce contexte (centrale au thorium contre pétrole), la deuxième met plutôt en avant les méandres politiciennes de la situation. Nous n'avons pas visionné la troisième saison, pour donner un sentiment définitif sur la série.

   La série n'a pas connu un énorme succès à l'audience, alors qu'elle est une des séries norvégiennes les plus coûteuses produites ces dernières années, et en novembre 2017, la chaîne de télévision TV2 hésitait à donner son feu vert pour une troisième saison.

   Diffusée tout de même dans une dizaine de pays (sur ARTE en France), renouvelé en février 2018 pour cette troisième saison, elle figure parmi les séries nordiques n'hésitant pas à s'attaquer à des problèmes contemporains avec une vision critique du monde politique.

  Ajoutons en cette année 2022 qu'il y aurait une certaine cruauté mentale à rapprocher les critiques de l'ambassade russe en Norvège de la réalité de la guerre en Ukraine... Car tout de même, il y a bien des éléments dans cette série (qui apparait avec le temps... minimaliste) qui rappellent des choses : la place des énergies pétrolières et gazières, la place des grands oligarques, une certaine intransigeance russe, le rôle des industries d'armement, le piège de la numérisation à un point qu'on ne sait plus qui manipule qui, le rôle des médias, les tensions entre industries de l'énergie et États qui obéissent à des logiques contradictoires... Bien entendu la place de l'OTAN (que les États-Unis ont quitté) n'est pas du tout la même (et même pas du tout du tout!). Sans doute, la Russie n'entend pas occuper l'Ukraine en mars, chose qu'elle ne disait pas en février (dénazifions, disait Poutine, ce Hitler d'une possible guerre mondiale, chassons ce gouvernement nationaliste, remplaçons-le par un gouvernement correct aux critères dictatoriaux...)

 

Occupied (Okkupert), réalisation Erik SKJOLDBJAERG, John Andreas ANDERSON, Pâl SLETAUNE, Erik Richter STRAND et Eva SORHAUG, Production Yellow Bird Norway, Gétévé Productions, épisodes de 45 minutes, 18 épisodes pour les deux premières saisons, diffusion en 2015.

 

Relu le 23 mars 2022

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5 juillet 2021 1 05 /07 /juillet /2021 14:07

    L'homme politique prussien Ferdinand LASSALLE est socialiste de premier plan et écrivain. Membre de la Ligue communiste et fondateur en 1863 de l'Association générale des travailleurs allemands, il suit une autre ligne que Karl MARX qui n'y adhère pas. Même si plus tard en 1875, ce même ADAV fusionne avec les marxistes du Parti ouvrier social-démocrate pour former le SPD.

   Il suit des cours à l'Université de Breslau, puis à celle de Berlin, influencé surtout par FICHTE et HEGEL pour la philosophie et par LIST pour l'économie. Il est alors favorable à une sorte de socialisme d'État : c'est à l'État qu'il appartient de faire régner la justice sociale. Agitateur et homme d'action plus que théoricien, il devient célèbre en assurant la défense de la comtesse HATZFELD dans ses long démêlés avec son mari.

Arrêté en novembre 1848 à Düsseldorf et condamné à la prison à la suite de manifestations qu'il a organisées contre la dissolution du Parlement de Francfort, il fait la connaissance de Karl MARX, incarcéré comme lui. Leur amitié dure jusqu'en 1862, et LASSALLE aide matériellement MARX quand celui-ci est dans la misère à Londres. Pourtant, dès 1859, des désaccords naissent entre eux à propos de la politique étrangère de la Prusse. Pendant la guerre des Duchés et la guerre austro-italienne, LASSALLE  soutient la politique de BISMARK au nom des "intérêts nationaux prussiens". De plus, son patriotisme s'alimente d'une conception de l'État comme représentant de la nation toute entière, un État au-dessus des classes sociales. Il entretient d'ailleurs une correspondance avec BISMARK, dont il partage la sympathie pour un certain "sésarisme social".

En 1862, LASSALLE développe à Berlin, a cours d'un meeting, son "programme ouvrier" :il y propose la conquête pacifique du pouvoir d'État par le suffrage universel. Il y définit aussi sa célèbre "loi d'airain" combattue par MARX comme une aberration économique : le salaire perçu par l'ouvrier se borne dans le système capitaliste à ce qui lui est indispensable pour assurer sa subsistance et il décline inexorablement avec le progrès technique.

Il fait de ces idées, des axes politiques de l'Association générale allemande des travailleurs, lorsqu'il la fonde en mai 1863. Il préside alors le premier parti socialiste d'Europe. Son programme affirme donc l'autonomie du prolétariat face à la bourgeoisie, la nécessité du suffrage universel, la création avec l'aide de l'État de coopératives de production. Lorsque LASSALLE disparait à la suite d'un duel provoqué par une rivalité sentimentale, le développement de son parti est encore limité. Mais l'empreinte de ses idées est ensuite profonde sur le mouvement socialiste allemand. Mgr KETTELER, évêque de Mayence et inspirateur du catholicisme social allemand, reprend certaines propositions de LASSALLE. D'autre part, l'organisation centralisée et autoritaire du parti exerce une incontestable influence sur Karl MARX lorsque celui-ci aborde la question de l'organisation du prolétariat. Cependant, les disciples allemands de MARX dénonceront violemment les aspects antidémocratiques et prussophiles du lassallisme. (Paul CLAUDEL)

 

Ferdinand LASSALLE, Discours et pamphlets, Collection XIX, format kindle, 2015 ou broché BnF ; Capital et travail, suivi de Procès de haute trahison intenté à l'auteur (1904), collection Bibliothèque socialiste internationale, BnF ;  Qu'est-ce qu'une constitution? (1900) Éditions Sulliver, 1999 ou dans Marxists.org. La plupart de ses écrits, non traduits en français, sont en polonais ou en allemand.

Paul CLAUDEL, Ferdinand Lassalle, dans Universalis Encyclopedia, 2014. Eduard BERNSTEIN, Ferdinand Lassalle, Le Réformateur social. Sonia DAYAN-HERZBRUN, Mythes et mémoires du mouvement ouvrier, Le cas Ferdinand Lassalle, L'Harmattan, collection Logiques sociales, 2003.

    

Complété le 7 juillet 2021

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5 juillet 2021 1 05 /07 /juillet /2021 12:06

     Parmi une production historiographique très centrée sur le cadre franco-français, le livre de Jacques SEMELIN (né en 1951), historien et politologue, directeur de recherche émérite affecté au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), après avoir été un militant actif de la non-violence (un des fondateurs du Mouvement pour une Alternative Non violente), reste une des rares tentatives de comparaison entre divers mouvements de résistance à travers l'Europe. Son étude se rapproche de l'ouvrage de Werner RINGS, Vivre avec l'ennemi, mentionné déjà sur ce blog, et puise, entre autres dans de nombreuses monographies ( certaines publiées dans les Cahiers de la réconciliation). Jacques SEMELIN y propose la notion de "résistance civile" pour qualifier la résistance spontanée de certains acteurs de la société civile et/ou de l'État par des moyens politiques, juridiques, économiques ou culturels. Rompant avec les représentations "héroïsantes", encore très répandues à l'époque de la première parution de ce livre en 1989, de la lutte contre l'occupant nazi, cette notion permet de décrire une résistance au quotidien, "des humbles, des anonymes, qu'elle soit celle d'étudiants, d'ouvrieers ou de fonctionnaires.

L'ouvrage s'appuie sur une quarantaine de cas de résistance civile de masse à travers l'Europe nazie (manifestations, grèves, protestations d'Églises ou de cours de justice, activités de propagande ou sauvetage de Juifs...) dont il raconte des pages peu connues, ainsi ces femmes "aryennes" protestant dans les rues de Berlin en 1943 conte l'arrestation de leurs maris juifs.

   L'auteur travaille sur de longues années cette notion de résistance civile, dans une perspective proche de celle de François BÉDARIDA. Il tente de circonscrire l'unicité et la diversité du phénomène résistant. La révolte, au sens d'Albert CAMUS, la désobéissance (par exemple au Service du Travail Obligatoire - STO), la résistance (opération de communication par l'action), et notamment la résistance civile parfois massive sont des modalités aussi concrètes que l'action armée ou la résistance armée. C'est par l'opposition à la politique d'extermination des Juifs que ces modalités d'opposition au régime nazi s'expriment de la manière la plus diverse, de la plus discrète à la plus spectaculaire; Jean-Pierre AZÉMA, qui introduit l'édition de poche de 1998,  écrit que Jacques SEMELIN sait "qu'il lui faut convaincre des lecteurs souvent prévenus, pour qui ces actions ne sont que bavardage, au mieux exutoire pour rêveries utopistes, au pire paravent derrière lequel sont menées de façon unilatérale des campagnes pacifistes déstabilisatrices. Pour sa part, il est totalement persuadé que ce qu'il convient de dénommer "la résistance civile de masse" est le moyen le plus efficace non seulement pour rendre inopérante toute occupation étrangère mais pour lutter contre l'emprise de tout régime totalitaire. Car à ses yeux c'est la mobilisation qui correspond à l'idéal de la démocratie. Il regrette donc que la classe politique, dans bon nombre de démocraties libérales, tienne encore la résistance civile pour quantité négligeable, alors qu'elle a des effets non seulement préventifs mais dissuasifs. Aux lecteurs de juger. Ajoutons encore (que) Jacques SEMELIN retrouve parfois certaines des analyses faites en son temps par Jean JAURÈS, dans L'Armée nouvelle, un des livres majeurs qui aient été écrits sur ces problèmes."

  C'est un nouveau regard que propose là Jacques SEMELIN, pour qui la résistance s'inscrit dans la durée (ici de l'occupation nazie), et que ne la réduit pas à des actions insurrectionnelles s'appuyant directement sur des perspectives de libération militaire d'un territoire. La question de la légitimité d'une résistance civile, notamment aux yeux de l'opinion publique, est centrale pour son efficacité.

 

Jacques SEMELIN est aussi l'auteur de Pour sortir de la violence (Édition de l'Atelier, 1983), Quand les dictatures se fissurent... Résistances civiles à l'Est et au Sud (sous sa direction) (Éditions Desclée de Brouwer, 1995), La liberté au bout des ondes. Du coup de Prague à la chute du mur de Berlin (Éditions Belfond, 1997), Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides (Seuil, 2005), La survie des juifs en France (1940-1944) (CNRS Editions, 2018).

 

Jacques SEMELIN, Sans armes face à Hitler, La résistance civile en Europe, 1939-1945, Petite Bibliothèque Payot, 1998, 280 pages.

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3 juillet 2021 6 03 /07 /juillet /2021 13:09

    Voulant combiner dans la forme les avantages du livre et ceux du magazine, Jean LOPEZ et son équipe lancent cette nouvelle revue, aux éditions Perrin, dont le numéro 1 parait en pleine pandémie du coronavirus, en été 2021. Il faut saluer cette nouvelle entreprise dans la réflexion et la publication sur les questions de la guerre, sujet oh combien difficile, dans le grand public. Il s'agit, pour le rédacteur en chef de Science et Vie Junior et chercheur en histoire militaire, déjà auteur de plusieurs ouvrages sur la seconde guerre mondiale, de lancer une véritable encyclopédie sur la guerre, à raison de deux numéros spéciaux (Hors série de Guerres et Histoire) par an, en associant le premier éditeur de livres d'histoire (Perrin) et un magazine de haut niveau (Guerres&Histoire). Chaque partenaire sollicite à chaque fois quelques-uns des "meilleurs" auteurs, dans le monde universitaire et dans celui du journalisme.

    Le menu proposé dans ce premier numéro est déjà copieux, en 165 pages environ, avec un très riche iconographie que permet un grand format et des sources sûres.

D'abord une retranscription d'une interview de 18 heures du devenu commandant, le capitaine Paul-Alain Léger (maître de l'intox), sur son action lors de la guerre d'Algérie, par Guillaume Zeller, réalisée en 1998 au domicile de l'officier. Qui apporte un éclairage sur la bataille d'Alger en 1957, bataille où l'information et l'intox constituent les premières armes. Ensuite une anatomie comparée des trois désastres que furent pour la France les batailles de Crécy, Poitiers et Azincourt, durant la guerre de Cent Ans, sous la responsabilité de Frédéric BAY. Querelles de familles et "enjeux nationaux" y sont très bien précisés. On continue avec une interview (fausse, évidemment, mais appuyée sur de nombreux documents et mémoires, dont certains très récents) du maréchal GROUCHY, rendu responsable par une longue tradition - notamment littéraire - de la défaite de NAPOLÉON et de la Grande Armée lors de la bataille de Waterloo en 1815. Antoine REVERCHON jour le rôle de l'interviewer dans cette entreprise toujours risquée. Suit un port-folio remarquable sur l'affrontement en 1962 entre la Chine et l'Inde dans l'Himalaya. Dans une rubrique portraits croisés, François CADIOU, fait ensuite ceux de Scipion l'Africain et d'Hannibal Barca, décrivant leur rivalité devenue légendaire.

Le dossier central de ce numéro 1 porte sur la seconde guerre mondiale : Hitler a-t-il eu une chance de l'emporter?  Interviews d'historien et analyses denses examinent tour à tour les fondations minées du IIIe Reich, l'irruption de l'imprévisible en 1940, la guerre en Russie, le rôle des États-Unis depuis le début de la guerre... On notera une interview de Richard OVERY, historien britannique, auteur de Why the allies Won (1995).

Après ce dossier vient De la guerre en armure à la guerre en dentelles où Dominique PRÉVÔT détaille le rôle de l'apparition de l'uniforme dans les armées. Il jour un rôle indispensable dans le passage du guerrier au militaire, dans la formation du soldat, dans l'identification des troupes et de l'esprit de corps. Puis est analysé par Benoist BIHAN le concept de brouillard de la guerre : "Par leur interprétation simpliste de la notion de brouillard introduite par Clausewitz au XIXe siècle, les Américains se sont piteusement enlisés dans les sables irakiens. Car il ne suffit pas d'amasser des informations factuelles : il faut aussi prendre en compte la nature de son adversaire ainsi que des facteurs imprévisibles. Mais pour cela, il faut des esprits brillants..." Cette formule assassine envers l'état-major américain des Bush et compagnies est l'occasion de préciser des composantes de ce brouillard de la guerre. Suit une analyse par Clément OURY, en forme de récit, de la bataille de Malphaquet, dont "la défaite - des alliés - sauve le royaume" (de France) en 1709, sous le règne de Louis XIV. Ensuite encore une analyse, en forme d'Uchronie, de la bataille politique et militaire entre la Monarchie et la Fronde, par Emmanuel HETCH. Et si la Fronde avait vaincu les troupes royales? est une hypothèse qu'il en serait fallu de peu, que la France, plutôt que l'Angleterre, inventât la monarchie parlementaire et fit l'économie de 1789. Et le numéro 1 se clôt, avant des actualités littéraires, par un retour à la seconde guerre mondiale, avec un entretien entre Thierry LENTZ, directeur de la Fondation Napoléon et Jean LOPEZ, directeur de la rédaction de Guerres&Histoire sur Napoléon et Hitler face à l'invasion de la Russie. un parallèle est souvent fait entre les tentatives napoléonienne en 1812,  et hitlérienne en 1941 de soumettre la Russie. Les deux spécialistes montrent que presque tout oppose les deux campagnes : objectifs, conduite des opérations, logistique, feuilles de route des commandements... Ils indiquent toute une série d'erreurs évitables, d'apories de buts de guerre et de méconnaissances de l'adversaire.

Le choix éclectique des ouvrages présentés renforce l'impression d'avoir entre les mains plus qu'une revue : un vrai morceau de traité de stratégie. Le numéro 2 promet d'être aussi fourni, avec un dossier central sur Femme de guerre, mythe, tabou et nécessité, avec les mêmes rubriques (grandes archives, infographie, interview posthume, concept, récit, portfolio, armement, interview, portraits croisés, débat).

De la guerre, Hors série de Guerres&Histoire, éditions Perrin, 40, avenue Aristide Briand, 92227 Bagneux.

 

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